Le hahal, un marché deux fois plus important que le bio

L'économie du halal pèse désormais plus que le bio en France. Elle génère plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires, emploie des milliers de personnes et attire désormais les grands investisseurs.

Résumé Résumé

L’économie halal en France affiche une progression remarquable. En 2025, son chiffre d’affaires est estimé entre 7 et 12 milliards d’euros, contre 5,5 milliards en 2010, soit une augmentation de 27 % en quinze ans. Ce dynamisme place la France au deuxième rang mondial, derrière la Malaisie.

Encore peu visible dans les analyses macroéconomiques classiques, ce marché est pourtant deux fois plus important que le secteur bio, souvent perçu comme un indicateur central des mutations de la consommation.

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Une demande intérieure portée par une population élargie

La croissance du halal repose d’abord sur la consommation domestique. En 2025, 12 millions de foyers achètent régulièrement des produits halal, soit une pénétration de 42 %, en hausse de 7 points en deux ans.

Parmi les 10 millions de consommateurs réguliers identifiés, près de 3 millions ne sont pas musulmans, selon l’institut Solis. Cette donnée révèle une évolution des comportements : la consommation halal ne se limite plus à une exigence religieuse, elle est désormais perçue comme un critère de qualité, voire d’éthique.

L’analyse générationnelle confirme cette tendance : 32 % des moins de 35 ans consomment des surgelés halal, contre seulement 21 % des plus de 50 ans. Chez les musulmans, l’achat systématique de viande halal concerne 67 % des répondants, 15 % déclarant en acheter « la plupart du temps ».

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L’alimentaire, pilier du marché halal

L’essentiel du chiffre d’affaires du halal en France provient de l’alimentaire. En grande distribution, les ventes halal atteignent 524 millions d’euros en 2025, en progression de 14,7 % par rapport à 2023. Les volumes augmentent de 7,9 % sur deux ans, pour atteindre 173 millions d’unités.

Le segment de la restauration rapide se distingue particulièrement. Avec 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires et une croissance annuelle de 5 %, il constitue un moteur de la dynamique globale.

L’exemple de Quick illustre cette évolution. Depuis son rachat par H.I.G. Capital en 2021 et sa conversion au halal, l’enseigne a vu ses revenus doubler, passant de 250 à 515 millions d’euros en trois ans. Chaque conversion de restaurant halal a permis un doublement de son chiffre d’affaires, confirmant la rentabilité de cette stratégie.

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Les industriels consolident le marché

Isla Délice reste le leader incontesté de la charcuterie halal en France, avec près de 40 % de parts de marché et un chiffre d’affaires de 155 millions d’euros en 2025. Fondée par la famille Hertzog, l’entreprise a connu une série de mutations capitalistiques depuis 2018, passant sous le contrôle du fonds britannique Perwyn, puis d’A&M Capital Europe en 2025.

L’entreprise a investi plus de 40 millions d’euros dans ses outils de production et s’est déployée sur sept marchés européens, dont l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie. Le chiffre d’affaires est passé de 80 à plus de 150 millions d’euros en sept ans.

Oriental Viandes, deuxième acteur du marché avec 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, se repositionne sous l’impulsion de Franck Brillouet, ancien de Sodebo. L’entreprise mise sur la diversification et le rebranding, notamment dans le segment des produits surgelés.

Un secteur qui a résisté à la crise inflationniste

L’année 2023 a marqué un tournant difficile pour l’ensemble de l’économie alimentaire. Les prix des produits halal ont enregistré une hausse de 17,2 %, soit près de trois fois plus que l’alimentation conventionnelle (+6,2 %).

Cette inflation a provoqué une baisse ponctuelle des volumes, avec 4 millions d’unités vendues en moins, notamment en janvier et février 2024 dans le segment de la charcuterie (-19 % et -14 % respectivement).

Depuis l’été 2024, la tendance s’est inversée. La filière enregistre cinq mois consécutifs de reprise en volume. Cette résilience repose sur l’adaptation des consommateurs à la nouvelle structure des prix, et sur une amélioration progressive du pouvoir d’achat.

Une ambition à l’export freinée par des obstacles internes

Si la France exporte déjà vers des pays comme la Malaisie, Singapour ou les Émirats arabes unis, elle peine à devenir une puissance exportatrice pleinement structurée.

Le marché français souffre d’un problème structurel : la fragmentation de la certification halal. Plus de cinquante organismes coexistent, avec des critères de rigueur très variables. Cette diversité complexifie la lisibilité de l’offre pour les consommateurs et alourdit les charges pour les industriels.

L’approvisionnement constitue un autre point de blocage. Les capacités d’abattage halal certifié restent insuffisantes en France. Les industriels sont contraints d’importer ou de négocier avec des partenaires peu fiables, ce qui limite les perspectives d’exportation à grande échelle.

Des fraudes récurrentes qui minent la confiance des consommateurs

La question de la traçabilité reste centrale. Trop de produits circulent avec des certifications douteuses. Des cas récurrents de « faux halal » ou de présence de porc dans des produits étiquetés halal entachent la crédibilité du marché.

Cette situation résulte d’une combinaison de facteurs : tolérance excessive de certains certificateurs, manque de contrôle public, et vigilance insuffisante des consommateurs eux-mêmes.

L’article L 213-1 du code de la consommation sanctionne la tromperie sur les qualités substantielles des produits, mais les poursuites restent rares et les sanctions peu dissuasives.

Professionnalisation du secteur

Face à ces défis, la filière se professionnalise. Des formations spécialisées se développent pour les bouchers, les abatteurs et les contrôleurs qualité. Depuis 2013, un certificat de compétence est obligatoire dans les abattoirs, et des modules spécifiques au rituel halal sont mis en place.

Le secteur génère par ailleurs plusieurs milliers d’emplois directs et indirects. Les recrutements se diversifient : opérateurs d’abattage, bouchers halal certifiés, responsables qualité, commerciaux spécialisés. Cette dynamique soutient l’ancrage du halal dans le tissu économique français.

La croissance du marché mondial halal – évalué à 7 000 milliards de dollars et projeté à 10 000 milliards d’ici 2028 – ouvre des perspectives considérables pour les entreprises françaises.



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