Lutte anti-gaspi : la méthode Stokelp

Stokelp lutte contre le gaspillage alimentaire en connectant les industriels via une marketplace dédiée au réemploi des matières premières excédentaires.

Résumé Résumé

Face à l’ampleur du gaspillage de matières premières dans l’industrie agroalimentaire, une jeune entreprise française s’impose avec une solution technologique inédite. Lancée en 2021, Stokelp s’est spécialisée dans le réemploi des surstocks alimentaires entre industriels, un maillon jusqu’alors négligé de la chaîne de valeur. En seulement trois ans, la startup a su démontrer la pertinence de son modèle, en alliant efficacité économique et impact environnemental mesurable.

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Chaque année en Europe, près de 1,6 million de tonnes de matières premières alimentaires issues de l’industrie finissent incinérées. L’équivalent de 50 000 camions de produits destinés à ne jamais être transformés ni consommés. Alors que les produits finis disposent de solutions de revalorisation, notamment à destination des consommateurs ou des associations, les matières premières industrielles restaient, jusqu’à récemment, sans véritable débouché. Cette absence d’alternative représente un enjeu économique, logistique et écologique majeur. En France, l’alimentation représente 22 % de l’empreinte carbone nationale. La lutte contre les pertes à la source est devenue un impératif stratégique.

C’est cette faille systémique que Tanguy de Cottignies et William Launay ont décidé de combler. Tous deux issus du secteur agroalimentaire, ils cumulent près de vingt ans d’expérience et se sont rencontrés chez Greenshot, une entreprise spécialisée dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement. Leur initiative naît d’un constat opérationnel récurrent : des surstocks de légumes surgelés impossibles à valoriser faute de solutions adaptées.

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Une plateforme B2B pensée pour les industriels

Stokelp prend la forme d’une marketplace B2B exclusivement dédiée aux industriels. Elle permet aux entreprises disposant de matières premières excédentaires de publier des annonces détaillant les produits disponibles : type, quantité, conditionnement, prix. Les acheteurs peuvent, de leur côté, configurer des alertes et recevoir des notifications dès qu’un lot correspondant à leurs besoins apparaît. La startup ne conserve pas de stock : elle achète les produits uniquement une fois la transaction confirmée. Son modèle de rémunération repose sur une commission de 5 à 25 %, en fonction de la typologie des marchandises.

Au-delà de cette mise en relation, la plateforme propose un éventail de services qui en font un outil à part entière de gestion de flux. Les annonces sont vérifiées, la solvabilité des acheteurs est contrôlée, les transactions sécurisées. Le transport est assuré via des partenaires spécialisés comme Stef, et des contrôles qualité peuvent être réalisés à la demande. Ces garanties sont particulièrement importantes pour les industriels soumis à des normes réglementaires strictes. Stokelp mise par ailleurs sur la transparence : chaque produit est accompagné d’une fiche précisant son origine, les raisons de son surstockage et les conditions de conservation.

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Des résultats concrets

Depuis son lancement en octobre 2021, la startup affiche une croissance continue. Elle revendique aujourd’hui 2 000 utilisateurs issus de 1 000 entreprises, de la TPE aux grands groupes. Dans le secteur des produits de la mer, plus de 150 industriels sont déjà actifs sur la plateforme. En 2024, elle a doublé le volume de ses transactions, atteignant un chiffre d’affaires dont 30 % provient de l’étranger. Plus de 10 000 tonnes de produits ont été échangées, pour une valeur cumulée de 18 millions d’euros.

L’impact environnemental est également mesuré. Selon les sources, entre 2 000 et 4 275 tonnes de CO2 auraient été évitées grâce à ces échanges. Environ 630 000 tonnes de matières premières auraient été détournées de l’incinération depuis la création de Stokelp. Des résultats qui s’inscrivent pleinement dans les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone et de la loi AGEC sur la lutte contre le gaspillage.

Sur le plan économique, les acheteurs bénéficient d’un avantage concurrentiel significatif : les produits sont en moyenne 30 % moins chers que les prix du marché. Une opportunité d’optimiser les coûts d’approvisionnement, tout en répondant à des engagements RSE de plus en plus scrutés.

Pour soutenir sa croissance, Stokelp a réalisé deux levées de fonds. La première, en mars 2022, a permis de réunir 500 000 euros auprès de High Flyer Capital, Alliance For Impact et plusieurs business angels. La seconde, en juillet 2023, a levé 3 millions d’euros auprès de OneRagtime, AFI Ventures (le fonds impact de Ventech), de la fondation R&CO4Generations du groupe Rothschild & Co, ainsi que de Better Angle. Cette dernière opération marque une étape décisive dans la stratégie de développement à l’échelle européenne.

Une ambition européenne

Les ambitions de la startup sont clairement tournées vers l’international. En priorité : l’Allemagne et les Pays-Bas, deux marchés où les industriels agroalimentaires sont nombreux et les volumes disponibles importants. L’Europe compte environ 300 000 industriels du secteur, contre 17 000 en France. En 2025, Stokelp prévoit d’ouvrir un nouveau pays et d’étendre ses services de sourcing à d’autres catégories de matières premières.

Car au-delà de sa croissance géographique, l’entreprise travaille à diversifier son offre. Initialement centrée sur les fruits et légumes, les viandes et poissons, elle intègre désormais les huiles et produits secs. Elle propose également des services additionnels : modules de tarification, solutions de paiement accéléré via abonnement (de 300 à 1 000 euros par mois), ou encore des indicateurs d’impact environnemental intégrés à la plateforme.

Cette dynamique d’innovation s’illustre aussi à travers des partenariats stratégiques. L’un des plus notables a été signé avec la chaîne de magasins Nous Anti-Gaspi, spécialisée dans les invendus alimentaires. Ensemble, ils ont développé un produit grand public : un taboulé fabriqué par Soléane à partir de surstocks d’huile d’olive identifiés via Stokelp, commercialisé dans les 28 magasins de l’enseigne. Une initiative qui démontre la capacité de la plateforme à créer des passerelles inédites entre industriels et circuits de distribution alternatifs.

Sur un marché encore en structuration, cette spécialisation positionne clairement Stokelp. Alors que des acteurs comme Phénix, Comerso ou Too Good To Go se concentrent sur les produits finis destinés aux consommateurs ou aux associations, Stokelp s’adresse exclusivement aux matières premières. Un segment stratégique : selon les estimations, 21 % des pertes alimentaires se produisent au stade de la transformation et du conditionnement.

La différenciation se joue également sur le plan technologique. À rebours des plateformes grand public aux contenus aléatoires, Stokelp mise sur la rigueur et la traçabilité. L’outil est conçu pour répondre aux exigences opérationnelles des industriels, en intégrant des fonctionnalités avancées telles que la mesure des émissions évitées ou la qualification fine des flux de marchandises.

D’ici fin 2025, la startup ambitionne de doubler le nombre de ses utilisateurs et de consolider sa présence en France tout en accélérant sa percée en Europe. De nouvelles fonctionnalités sont en développement, dont une “bourse des matières premières” ou encore des solutions de financement avec paiements différés à 30 ou 90 jours pour soulager la trésorerie de ses clients.

Son objectif à long terme est clair : devenir le leader européen de la gestion des surstocks agroalimentaires. D’ici trois ans, Stokelp entend réduire de 50 % le gaspillage des matières premières industrielles grâce à sa plateforme. Une cible qui représenterait 800 000 tonnes de matières sauvées, et jusqu’à 2 millions de tonnes de CO2 évitées chaque année.



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