LFP : Vincent Labrune vers la sortie

Face à l’échec des droits TV et à des pratiques jugées opaques, la contestation enfle contre Vincent Labrune à quelques jours d’un vote clé à la Ligue de Football Professionnel.

Résumé Résumé

À quelques jours de l’assemblée générale de la Ligue 1, Franck McCourt (OM) et Joseph Oughourlian (RC Lens) dénoncent la gestion de la LFP, qu’ils jugent inefficace et déconnectée des clubs, pointant l’échec des négociations sur les droits TV et la flambée des frais de fonctionnement. Les deux propriétaires estiment que la présidence de Vincent Labrune a failli à sa mission et appellent à une réforme de la gouvernance du football français.

Cette prise de parole, coordonnée et sans ambiguïté, constitue un tournant. Depuis plusieurs mois, les critiques se multiplient à l’égard de la présidence Labrune, mais jamais deux propriétaires de clubs de cette envergure n’avaient pris la parole ensemble, aussi frontalement, pour remettre en cause l’institution et ceux qui la dirigent. À cinq jours de l’assemblée générale du 11 septembre, le signal est clair : une rupture est en cours.

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Une suite d’échecs

Au cœur des reproches formulés par McCourt et Oughourlian, figure l’échec du projet de valorisation des droits télévisés de la Ligue 1. Annoncé en 2023 comme le grand chantier stratégique du mandat de Vincent Labrune, il devait permettre à la LFP de franchir le cap symbolique du milliard d’euros de revenus. Le résultat final est très en deçà des attentes : environ 700 millions d’euros, droits internationaux compris, soit à peine plus que le précédent cycle. La rupture brutale du contrat avec DAZN en juin dernier a soldé l’échec d’un projet présenté comme le socle d’un nouveau modèle économique.

Lancé dans un contexte de défiance croissante, l’accord avec DAZN n’a jamais atteint ses objectifs : 700 000 abonnés recensés en avril 2025, contre 1,5 million prévus. La plateforme réclame désormais plus de 570 millions d’euros à la LFP pour manquement contractuel et « tromperie sur la marchandise ». La situation est d’autant plus préoccupante que le projet de chaîne 100 % Ligue 1, « Ligue 1+ », censé prendre le relais, demeure à ce jour sans modèle économique précis. Dans le même temps, les frais de fonctionnement de la LFP ont explosé, aggravant la tension entre la direction de la Ligue et les clubs.

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La contestation s’est étendue bien au-delà de l’échec commercial. C’est aujourd’hui la légitimité même de Vincent Labrune qui est ouvertement remise en cause. Plusieurs voix médiatiques et institutionnelles réclament son départ. L’influent journaliste Daniel Riolo évoque « la seule issue possible », en appelant à une nouvelle gouvernance. L’ex-joueur devenu consultant Christophe Dugarry estime que « le produit ne vaut plus rien » et que « tous ces gens doivent partir ».

Le fond des critiques est institutionnel. Plusieurs dirigeants de clubs estiment que la présidence actuelle ne défend plus les intérêts collectifs, mais fonctionne selon une logique de captation de pouvoir. La proximité entre Vincent Labrune et Nasser al-Khelaïfi alimente les soupçons : ce dernier cumule les fonctions de président du PSG, de beIN Media Group, de l’Association européenne des clubs (ECA), et siège au comité exécutif de l’UEFA. Une configuration dénoncée par le président de LaLiga, Javier Tebas, comme source de conflits d’intérêts structurels. Un rapport sénatorial a d’ailleurs mis en lumière les blocages internes liés à cette concentration d’influence, affirmant que Labrune a « délibérément empêché toute initiative d’alternatives à BeIN Sports ».

Un volet judiciaire

Ces critiques politiques s’accompagnent désormais d’un volet judiciaire qui fragilise un peu plus la position du président de la LFP. Depuis février 2024, une enquête du Parquet national financier est en cours. Des perquisitions ont été menées en novembre au siège de la Ligue et au domicile de Vincent Labrune, pour des soupçons de détournement de fonds publics, de corruption et de prise illégale d’intérêts. L’enquête s’intéresse notamment à l’accord avec le fonds CVC Capital Partners et à la distribution d’une enveloppe d’honoraires de 37,5 millions d’euros, dont 3 millions versés directement à Labrune.

En juillet 2025, une plainte distincte a été déposée par l’association AC!! Anticorruption, visant Vincent Labrune, Nasser al-Khelaïfi et sept autres dirigeants, pour des faits encore plus graves : escroquerie en bande organisée, blanchiment aggravé, évasion fiscale, extorsion et abus de confiance. La plainte dénonce une « vaste escroquerie » fondée sur la centralisation du pouvoir au sein du duo Labrune / al-Khelaïfi, au détriment de la transparence et des équilibres institutionnels.

Un salaire royal

Sur le plan financier, les pratiques internes de la LFP font également l’objet d’une contestation grandissante. Le salaire de Vincent Labrune, triplé entre 2020 et 2022 pour atteindre 1,2 million d’euros, puis abaissé à 840 000 euros après critiques, a été dénoncé comme une baisse fictive, financée par les fonds issus de l’accord CVC. Le Sénat a qualifié cette évolution de « diminution en trompe-l’œil », et pointé une dérive plus générale de la gestion salariale au sein de la Ligue.

Les effectifs ont explosé, passant de 77 à 137 salariés en deux ans. La masse salariale a plus que doublé, atteignant 17,5 millions d’euros en 2024. Les primes attribuées à certains dirigeants, comme celle de « fidélité » de 500 000 euros promise à Nicolas de Tavernost (LFP Media), posent la question de la hiérarchie des priorités, alors que des clubs comme Le Havre se sont vu refuser des aides d’urgence. L’achat du nouveau siège de la LFP pour 120 millions d’euros, trois ans seulement après sa revente à perte, complète un tableau de gestion jugé irresponsable.

Une majorité de clubs prêts à voter contre Labrune

Dans ce contexte, l’avenir institutionnel de la LFP est lui-même mis en débat. Le président de la FFF, Philippe Diallo, a présenté dès le mois de mai un projet de réforme visant à supprimer la LFP et à instaurer une « société des clubs », inspirée du modèle anglais de la Premier League. Labrune s’est dit favorable à cette évolution. Un soutien qui a été interprété, par ses opposants, comme un signe de faiblesse et de résignation. Le poste de président de la LFP pourrait tout simplement disparaître.

Le calendrier rend l’enjeu immédiat. L’assemblée générale prévue mercredi 11 septembre pourrait être le théâtre d’un affrontement décisif. Selon plusieurs observateurs, l’alliance entre McCourt et Oughourlian pourrait désormais rassembler une majorité de clubs prêts à voter contre Labrune, ou à exiger une recomposition profonde des instances. Le climat est explosif.



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