Résumé Résumé
Après un long processus de conciliation, le consortium emmené par le fonds d’investissement Meridiam a trouvé un accord avec les habitants du village voisin de Prospérité. Après plus de deux ans de conflit, le dialogue a fini par porter ses fruits. Les négociations complexes, menées durant de longs mois par la CEOG (Centrale électrique de l’Ouest guyanais) avec les habitants du village autochtone de Prospérité, ont finalement abouti.
Scellé le 26 août 2024, l’accord a trouvé sa traduction concrète le 24 octobre 2024 avec la création d’un fonds de dotation destiné à soutenir le développement et l’autonomisation de ce village, où vivent 200 Amérindiens de la communauté Kali’na, à deux kilomètres de la centrale.
« Il y a eu de l’émotion, de part et d’autre, mais on a pris le temps de s’écouter », se réjouit Henry Hausermann, directeur de la CEOG. « On a toujours voulu discuter, mais cela a pris du temps car les chemins s’étaient éloignés ». « Depuis le début de l’année 2024, on ne cesse de discuter de cette situation avec la communauté », explique de son côté Roland Sjabere, le chef coutumier de Prospérité. « La lutte et la résistance sont là, mais on sait réfléchir aussi… Il y a eu un certain apaisement chez les habitants ».
Via ce fonds de dotation, la CEOG versera au village d’abord 150.000 euros, puis 50.000 euros par an pendant les vingt-cinq ans d’exploitation de la centrale. Dans un premier temps, le fonds soutiendra des initiatives économiques visant à l’autosuffisance du village, mais aussi à la construction de nouvelles routes et de nouveaux chemins pour optimiser la mobilité et les activités quotidiennes. Le conseil d’administration de ce fonds comprendra deux représentants de Prospérité, deux de la CEOG et un membre à désigner par les deux parties.
Pour Me Jérôme Bouquet-Elkaïm, avocat du village, ce fonds représente bien plus qu’une simple compensation financière. « Il s’agit d’offrir une véritable perspective de développement pour Prospérité, un outil pour que le village puisse se renforcer et envisager un avenir plus autonome ». « Une nouvelle étape cruciale vers un partenariat solide et à long terme entre la CEOG et le village de Prospérité », selon Meridiam, principal financeur et co-développeur du projet.
En 2023, un premier fonds de dotation avait été créé pour la commune voisine de Mana, dont le maire, Albéric Benth, est un fervent soutien du projet. Abondé par la CEOG, et cogéré par la mairie et l’industriel, ce fonds apporte au total 3,6 millions d’euros sur dix-huit ans à la petite cité pour « des associations à vocation économique, sportive et culturelle ».
Une série de concessions constructives
Les principales craintes et revendications des habitants de Prospérité portaient sur les implications environnementales et sociales de la centrale, dont l’implantation a nécessité le défrichage de 78 hectares de forêt. « La forêt, c’est notre zone de chasse et de pêche, notre pharmacie, nos espaces sacrés », résume ainsi Roland Sjabere, le chef du village. Ce déboisement a également soulevé les protestations d’associations de protection de la biodiversité comme l’ANB (Association nationale pour la biodiversité), qui accusaient les défenseurs du projet de sacrifier de la biodiversité pour se fournir en électricité décarbonée.
La CEOG a fait des compromis, baissant notamment de 20 % la surface des panneaux solaires et modifiant le projet « pour garantir le passage des chasseurs, cueilleurs, pêcheurs et animaux ». Au fil des négociations, les habitants de Prospérité ont ainsi obtenu le maintien des cheminements forestiers et des layons de chasse entre deux champs de panneaux solaires, ainsi que la sécurisation d’une crique utilisée pour la baignade et la pêche. Un élément capital pour la résolution du conflit, principalement centré sur les impacts de l’implantation de la centrale sur les zones de chasse traditionnelle.
La CEOG et la préfecture ont pris toute une série de mesures pour prendre en compte ces enjeux et limiter au maximum les impacts de la centrale. La forêt défrichée sur 78 ha est une forêt secondaire, déjà exploitée, une « forêt dégradée », sans enjeu environnemental majeur selon l’étude scientifique menée. Les 62 ha de forêt humide situés dans l’emprise du projet (140 ha) ne seront pas impactés, mais au contraire protégés. Les 140 ha de la CEOG s’insèrent entre deux portions de terre correspondant aux droits fonciers accordés en novembre 2021 par l’Etat aux Amérindiens de Prospérité : « une zone de droits d’usage collectifs » de 3.816 ha au profit de la communauté et une concession de 530 ha à une association pour l’habitat et l’agriculture
Mais le déplacement du projet n’était « pas acceptable ». En effet, aucune alternative n’était envisageable selon les défenseurs du projet (CEOG, élus locaux et Etat), qui mettent notamment en avant la nécessité d’installer la centrale à proximité d’un poste-source d’EDF, point d’injection de l’énergie sur le réseau. Alors, les villageois ont fini par accepter, à leur tour, « des aménagements ».
Un accord inédit pour un partenariat de long terme
Cet accord historique intervient après plus de deux ans d’un conflit dur. Le différend a même tourné à la confrontation entre des dizaines de villageois et les gendarmes protégeant le chantier. En 2022, des mobile homes ont été dégradés sur la base vie des travailleurs de la CEOG, des véhicules incendiés, un cocktail Molotov lancé sur un engin… La tension a atteint son paroxysme le 24 octobre 2022, lorsque le chef du village et trois autres habitants de Prospérité ont été placés en garde à vue.
Cet accord inédit entre la CEOG et le village de Prospérité est donc l’épilogue heureux d’un processus de conciliation exemplaire. L’aboutissement d’un long chemin vers la réconciliation, parsemé d’obstacles, qui débouche enfin sur des perspectives pour l’avenir. Dans un communiqué commun, la CEOG et l’Association Village Prospérité se sont ainsi félicités de leur accord pour convenir d’actions partenariales et d’engagements mutuels dans le cadre du développement du village Prospérité et de la construction de la centrale CEOG. Un accord qui vise à instaurer « une relation partenariale de long terme bénéficiant aux deux parties pour le succès de la mise en œuvre de la centrale et en faveur du développement socio-économique et culturel durable du village de Prospérité ». Cette sortie de crise démontre la volonté des deux parties d’établir une collaboration constructive pour concilier développement économique et durable, besoins locaux, traditions, et défis environnementaux. Un partenariat qui permettra aussi de favoriser l’accès à l’emploi des jeunes Kali’na et de mener des actions de protection de l’environnement.
La première centrale multi-mégawatts à hydrogène au monde
La mise en service de la centrale est désormais prévue en juillet 2026. Constituée d’un parc solaire photovoltaïque et d’une unité de stockage massif d’énergie sous forme d’hydrogène, la centrale est conçue pour produire de l’électricité 100 % renouvelable à partir du soleil, en éliminant son intermittence grâce au stockage hydrogène. Un système innovant qui préfigure l’avenir des énergies renouvelables et fait de la CEOG la première centrale multi-mégawatts à hydrogène au monde.
Avec une capacité de production de 10 MW, elle fournira de l’électricité 24 heures sur 24 à l’équivalent de 10.000 foyers de l’Ouest guyanais, une région soumise à de fréquentes coupures, dans un contexte de forte croissance démographique et de déficit de production d’énergie. Et ce, à un coût compétitif, et sans générer de gaz à effet de serre, de particules fines ou de fumée. Meridiam estime que cette centrale permettra d’éviter l’émission de 39.000 tonnes de CO₂ par an par rapport à une centrale thermique. L’électricité de CEOG sera injectée sur le réseau électrique guyanais et permettra également de sécuriser l’approvisionnement en électricité du bassin de Saint-Laurent-du-Maroni en cas de défaillance ou de maintenance du réseau électrique. Une électricité produite et consommée localement, qui contribue à l’autonomie énergétique de la Guyane, visée par la région en 2030, ainsi qu’à la réduction de sa dépendance aux énergies fossiles.
La mise en service de la centrale est attendue avec impatience par de nombreux élus Guyanais, qui ont publié une tribune dans Le Monde, en janvier 2023, pour que le projet aboutisse. En 2022, l’ouest du département a en effet connu 146 coupures de courant de plus de 15 minutes, et depuis 2020, la préfecture a dû gérer deux véritables « black-out ». Le projet créera aussi 200 emplois temporaires, le temps des travaux, puis 20 emplois pérennes pendant les 25 ans de son fonctionnement. Les retombées économiques pour les entreprises locales sont estimées à 17 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Ce projet de 170 millions d’euros est financé par la société française Meridiam (à 60 %), avec la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara, à 30 %) et Hydrogène de France (HDF, à 10 %). Spécialisé dans le développement, le financement et la gestion à long terme d’infrastructures publiques durables, Meridiam est une « société à mission » au sens de la loi française. Elle a été fondée en 2005 par Thierry Déau, avec la conviction que l’alignement des intérêts des secteurs public et privé peut apporter des solutions aux besoins essentiels de la collectivité. Quant à HDF, c’est un pionnier mondial de l’hydrogène-énergie, qui développe et exploite des centrales électriques Hydrogen-to-Power de grande capacité. Les partenaires vont désormais pouvoir réaliser ce projet exemplaire en matière d’énergie décarbonée, pour le plus grand bénéfice des populations de l’Ouest guyanais.