Résumé Résumé
Il y a dans les Bouches-du-Rhône un paradoxe qui résume toute la crise française du logement social : un besoin colossal, un outil public, et… une défaillance méthodique. L’office 13 Habitat, principal bailleur du département, incarne à lui seul un modèle usé, devenu l’ombre de ce qu’il prétendait être : un levier de justice sociale.
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Depuis cet été, l’organisme est sous nouvelle direction. Damien Vanoverschelde, un préfet du logement venu du 92, hérite d’un chantier qui tient plus du redressement judiciaire que du pilotage d’une mission publique. Il débarque au lendemain d’un double limogeage — celui du directeur général, puis de la présidente — et d’un rapport au vitriol signé de l’Ancols, l’autorité de contrôle du logement social. Autant dire qu’il n’arrive pas dans un fauteuil, mais dans un fauteuil vide, au bord du gouffre.
13 Habitat : un modèle en décomposition institutionnelle
Les chiffres parlent. Et ils crient. 126 jours en moyenne pour relouer un logement. Une production quasi à l’arrêt (0,7 % de croissance du parc en quatre ans). Des documents de programmation déconnectés du réel. Et 110 000 demandeurs en souffrance. C’est moins un office qu’un embouteillage bureaucratique à ciel ouvert.
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13 Habitat a tout de la structure publique qui a cessé d’être gouvernée : des agents désorientés, des agences éclatées, des décisions prises au gré de jeux d’influence locaux — politiques, bien sûr, mais aussi personnels. Le rapport de l’Ancols évoque des passe-droits, des attributions litigieuses, des travaux « orientés ». Le tout sur fond de défiance croissante des locataires.
Le paradoxe ? L’organisme applique des loyers parmi les plus bas du secteur. Et pourtant il perd en attractivité. Parce que le logement social, en 2025, ce n’est plus qu’un chiffre sur un loyer — c’est un cadre de vie, une promesse, un contrat social. Contrat ici rompu.
Des chiffres alarmants pour le logement social
La décision du gouvernement est inédite : retirer à un OPH l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties. Une goutte d’eau budgétaire (130 000 euros) mais une onde de choc politique. Elle envoie un message : l’indulgence étatique a des limites.
Depuis trop longtemps, l’État subventionne à l’aveugle des organismes censés compenser ses propres carences en matière de logement. L’affaire 13 Habitat révèle le cercle vicieux : un système incapable de produire, prisonnier de ses propres rigidités, se replie sur des fonctions clientélistes, pendant que la demande explose.
Une réponse étatique inédite face à l’inaction
Un plan stratégique de 4 milliards d’euros est sur la table. À l’horizon 2040. De quoi donner le tournis. Mais que vaut une stratégie patrimoniale dans un environnement de défiance interne, d’incertitude foncière et de surdépendance aux VEFA (ventes en l’état futur d’achèvement) de promoteurs privés ?
Les projections s’empilent, les budgets se chiffrent, mais la mécanique reste grippée. Même les projets Anru — instruments théoriques de la rénovation urbaine — accumulent les retards, les financements partiels, les promesses ajournées.
Pendant ce temps, sur le terrain, les résidences vieillissent, les attentes s’enlisent, les habitants désertent ou subissent.
Une gouvernance à refonder pour espérer rebâtir
La nouvelle gouvernance de 13 Habitat a trois défis à conjuguer : nettoyer, réorganiser, et produire. C’est un programme de startup appliqué à un mastodonte public, lesté de 35 000 logements et d’un demi-siècle d’inertie. Autant dire : mission impossible sans une refondation politique claire.