Café : Nestlé va-t-il perdre la guerre des dosettes ?

La fusion entre Keurig Dr Pepper et JDE Peet’s pour 15,7 milliards d’euros redéfinit le marché mondial du café en dosettes, dominé jusque-là par Nestlé.

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Une bataille industrielle de plus de trente ans s’apprête à connaître un tournant décisif, avec la fusion annoncée entre Keurig Dr Pepper et JDE Peet’s. Ce rapprochement pourrait rebattre les cartes d’un marché mondial sous tension.

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La stratégie industrielle derrière la fusion Keurig-JDE Peet’s

La guerre des dosettes a commencé au début des années 1990, avec le lancement de Nespresso par Nestlé. Le groupe suisse inaugurait alors un modèle économique inédit : proposer du café portionné en dosettes individuelles, insérées dans des machines dédiées, vendues elles aussi sous contrôle de la marque. En moins de deux décennies, ce format s’est imposé dans des millions de foyers à travers le monde, transformant un produit du quotidien en bien de consommation premium.

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Le modèle, salué dans les écoles de commerce, a permis à Nestlé de relancer un marché du café jusque-là arrivé à maturité, sans innovation majeure depuis l’invention de Nescafé au début du XXe siècle. Portés par cette dynamique, les concurrents se sont rapidement positionnés. De nouvelles marques, de nouveaux formats et de nouveaux types de machines ont émergé, souvent incompatibles entre eux, renforçant la logique de verrouillage du consommateur.

L’évolution du marché mondial du café portionné

Dans le sillage de Nespresso, le marché s’est structuré autour de plusieurs grands acteurs. En France, les dosettes représentent aujourd’hui 34 % des volumes de café vendus, mais concentrent 64 % du chiffre d’affaires du secteur. Dans ce paysage, JDE Peet’s s’est imposé comme le leader en grande distribution, avec 25 % de parts de marché. Le groupe néerlandais détient un portefeuille de marques étendu : L’Or, Tassimo, Senseo, Jacques Vabre, Maxwell House, Grand Mère.

Face à lui, l’italien Lavazza (propriétaire de Carte Noire) capte 20 % du marché, tandis que Nestlé, via Nespresso et Dolce Gusto, domine le segment haut de gamme, notamment grâce à sa stratégie de distribution sélective. Ces positions ont été consolidées par une série d’opérations menées ces dernières années, dont l’acquisition des dosettes Starbucks par Nestlé.

Nestlé, Lavazza et les nouveaux rapports de force

C’est dans ce contexte que Keurig Dr Pepper (KDP) a annoncé le rachat de JDE Peet’s, pour un montant de 15,7 milliards d’euros. Le groupe américain, issu de la fusion en 2018 entre le fabricant de cafetières Keurig et Dr Pepper-SevenUp, cherche ainsi à constituer un nouveau leader mondial du café portionné.

Dans un communiqué commun, les deux groupes expliquent que l’opération « permettra de créer un champion mondial du café » en combinant la plateforme nord-américaine de Keurig avec le portefeuille de marques internationales de JDE Peet’s.

Ce rapprochement s’inscrit dans une logique de consolidation industrielle amorcée depuis plusieurs années. JDE Peet’s est lui-même le résultat de multiples fusions successives, regroupant un grand nombre de marques historiques. Avec cette acquisition, Keurig Dr Pepper entend renforcer son poids dans un marché mondialisé, fragmenté, mais à forte valeur ajoutée.

La transaction prévoit le versement de 31,85 euros en numéraire par action JDE Peet’s. À la clôture du 22 août, la capitalisation du groupe néerlandais, coté à Amsterdam, s’élevait à 13 milliards d’euros. L’annonce du rachat a fait bondir l’action de 17,3 % à l’ouverture de la Bourse d’Amsterdam, atteignant 31,14 euros.

Deux entités distinctes pour mieux piloter les activités

À terme, Keurig Dr Pepper prévoit de scinder ses activités en deux entités distinctes : « Beverage Co. » regroupera les boissons rafraîchissantes, tandis que « Global Coffee Co. » concentrera l’ensemble des marques liées au café, y compris celles de JDE Peet’s. L’actuel directeur général de KDP, Tim Cofer, devrait prendre la tête de Beverage Co., tandis que le directeur financier, Sudhanshu Priyadarshi, prendra la direction de la nouvelle structure dédiée au café.

Cette séparation opérationnelle vise à mieux piloter des marchés aux logiques très différentes. Elle traduit également la volonté de donner au café, désormais cœur stratégique de l’entreprise, une gouvernance dédiée.

Avec cette fusion, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre pour l’industrie du café. Après trois décennies de croissance, de segmentation et de verrouillage des formats, le marché est aujourd’hui dominé par quelques groupes aux ambitions mondiales. Si Nestlé reste un acteur central, l’offensive de Keurig Dr Pepper redistribue les équilibres.



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