Résumé Résumé
Une économie sous tension, des arbitrages budgétaires de plus en plus serrés, une inflation persistante… Pourtant, un secteur continue de prospérer en dépit de la morosité ambiante : celui des animaux de compagnie. Porté par une demande affective croissante, des innovations technologiques et une transformation profonde du rapport des Français à leurs compagnons domestiques, ce marché affiche une dynamique qui surprend autant qu’elle interroge.
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Le business fou des animaux influenceurs
Une croissance soutenue malgré les tensions économiques
En 2022, le marché français des animaux de compagnie pesait 5,8 milliards d’euros. Trois ans plus tard, il atteint 6,6 milliards, soit une progression de 3 % qui dépasse les prévisions initiales. Selon les dernières estimations du cabinet Xerfi, il pourrait atteindre 7,5 milliards d’euros en 2027. Cette croissance ne repose plus seulement sur la hausse des prix, comme en 2023, mais sur des fondements plus solides : les volumes d’achat sont en hausse (+1 %) et l’inflation, notamment sur l’alimentation animale, marque un net ralentissement (2 %, contre 20 % l’an passé).
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Assurance chien chat : une dépense inutile ?
La pandémie a profondément modifié la place accordée aux animaux dans les foyers. Ils sont aujourd’hui perçus comme des membres à part entière de la famille, avec toutes les dépenses que cela suppose. En moyenne, un foyer peut dépenser jusqu’à 1000 euros par an pour un chien. Et dans un pays qui en compte environ 7 millions, l’addition devient significative.
Les chats en tête : une préférence affective affirmée
Fait notable : la dynamique de croissance est désormais portée par les chats, dont les dépenses ont augmenté de 5 %, contre 3 % pour les chiens. Une tendance qui confirme leur statut d’animal de compagnie préféré des Français. Cette fidélité affective se traduit par des arbitrages financiers en faveur de l’animal : de nombreux propriétaires réduisent leurs propres dépenses pour maintenir le niveau de qualité des produits destinés à leurs compagnons.
Autre facteur de transformation : la montée en puissance de la Pet Tech, ce secteur en forte croissance qui développe des solutions technologiques pour les animaux de compagnie. Au niveau mondial, il est valorisé à 12,7 milliards de dollars en 2024 et pourrait atteindre 41,3 milliards d’euros en 2032. En France, près de 265 structures spécialisées emploient déjà 38 000 personnes.
Parmi les segments les plus porteurs, l’alimentation personnalisée s’impose comme un moteur d’innovation. Trente-deux pour cent des startups françaises du secteur se positionnent sur ce créneau, développant des produits sur-mesure adaptés aux besoins spécifiques de chaque animal. La société Pépette, par exemple, a levé 6 millions d’euros en 2022 pour proposer des croquettes personnalisées. D’autres entreprises expérimentent les croquettes à base d’insectes ou d’aliments fermentés, vantés pour leurs bienfaits probiotiques.
Abandons en hausse : le revers d’un marché florissant
La loi contre la maltraitance animale, entrée en vigueur en janvier 2024, interdit désormais la vente de chiens et de chats en animalerie. Cette réforme structurelle a eu pour effet de recentrer les adoptions vers les refuges et les éleveurs, instaurant un lien plus responsable entre humains et animaux.
Mais cette évolution coexiste avec une réalité plus sombre : l’abandon progresse. En 2024, 330 855 animaux ont été recueillis après avoir été laissés pour compte, soit une hausse de 10 % par rapport à l’année précédente. La SPA en a accueilli à elle seule 43 742, dont une majorité de chats (28 547) et de chiens (12 253). Les refuges, saturés, peinent à répondre à l’urgence.
Si le marché résiste, l’inflation continue d’agir comme un facteur de tension. Près de 19 % des Français disent avoir renoncé à adopter un animal en 2024 pour des raisons financières. La population la plus touchée reste les moins de 35 ans, dont 32 % déclarent avoir renoncé à un projet d’adoption.
Malgré tout, la montée en gamme se poursuit. Les produits premium résistent mieux à la contraction du pouvoir d’achat que les biens de consommation courante. L’animal reste, pour beaucoup, un « poste protégé » du budget familial.
L’explosion des services et la diversification des usages
Le développement des services autour des animaux confirme cette tendance. Le pet-sitting, notamment, connaît une structuration accélérée. Les prestations à domicile commencent à se professionnaliser, avec des tarifs moyens autour de 15 euros par jour, et des formules haut de gamme pouvant atteindre plusieurs dizaines d’euros.
Le secteur des assurances animales, autrefois marginal, connaît également une expansion soutenue. Des acteurs comme SantéVet proposent désormais des contrats étendus, avec des plafonds d’âge rehaussés – jusqu’à 7 ans pour les chiens, 8 ans pour les chats.
Quand le textile traditionnel mise sur le pet business
Les promesses du marché attirent bien au-delà de ses frontières historiques. Exemple : Tricots Saint James, fabricant normand de vêtements marins, s’est lancé au printemps 2024 dans une gamme textile pour chiens, après un test concluant en Corée. Ce pays a vu les ventes de poussettes pour animaux dépasser celles pour nourrissons, selon le Korea Times.
La marque décline désormais ses classiques – marinières, pulls, cirés – pour un public canin. Le marché mondial des vêtements pour animaux, estimé à 6 milliards de dollars en 2023, affiche une croissance annuelle de 5,3 %. Une niche qui attire, et qui symbolise l’évolution des représentations : l’animal comme extension du style et du mode de vie.
Des perspectives prometteuses, des équilibres à trouver
Pour 2025, les analystes restent optimistes. Trois segments concentrent les espoirs de croissance : l’alimentation personnalisée, les services du quotidien (20 % des startups) et la santé animale (12,6 %). Au-delà des chiffres, c’est une mutation culturelle qui s’esquisse : les animaux de compagnie ne sont plus de simples bêtes de compagnie, mais des partenaires affectifs auxquels on consacre temps, soin et ressources.
Le marché des animaux de compagnie illustre ainsi une résilience économique remarquable. Il conjugue innovation technologique, diversification industrielle et évolution sociétale. Mais il oblige aussi à réfléchir aux contradictions qu’il cristallise : montée de la consommation et hausse des abandons, responsabilité individuelle et logiques de marché. Autant de lignes de tension qu’il faudra apprendre à concilier pour que cette croissance reste durable.