Face à un déficit public attendu à 5,4 % du PIB en 2025, le gouvernement de François Bayrou a dévoilé un plan de redressement budgétaire d’ampleur : 43,8 milliards d’euros d’économies en 2026, dont 30 milliards issus de coupes dans les dépenses publiques. Au cœur de cette stratégie, une cible : les politiques sociales. Et en tête, l’Allocation aux adultes handicapés (AAH).
A LIRE AUSSI
Bayrou envisage de réduire les aides aux personnes âgées et handicapées
Gel de l’AAH : 270 millions d’euros d’économies
Le gouvernement instaure une « année blanche » pour toutes les prestations sociales en 2026. Traduction : aucune revalorisation liée à l’inflation. L’AAH, revalorisée de 1,7 % en avril 2025 pour atteindre 1 033,32 euros par mois, sera gelée l’année suivante. Une mesure justifiée par un taux d’inflation anticipé à 1 %, « peu susceptible de dégrader significativement le pouvoir d’achat » selon le Premier ministre. Mais pour les 1,35 million de bénéficiaires, c’est un coup d’arrêt net, en pleine période d’inflation encore volatile. Économie attendue : 270 millions d’euros.
A LIRE AUSSI
Combien gagne François Bayrou ?
Une réforme des aides au handicap
Ce gel n’est qu’un volet d’une réforme structurelle. Un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié le 16 juillet 2025, alerte sur la hausse continue des prestations liées au handicap :
– +5,4 % par an pour l’AAH entre 2017 et 2023,
– +7,8 % pour l’AEEH (enfants handicapés),
– +7,6 % pour la PCH (compensation du handicap).
En 2023, les cinq principales aides représentaient 30 milliards d’euros de dépenses publiques, largement supportées par les conseils départementaux et l’État.
Le rapport recommande 23 mesures pour générer entre 800 millions et 1,5 milliard d’euros d’économies annuelles.
Entretien obligatoire pour les bénéficiaires de l’AAH2
Parmi ces mesures, la plus significative : instaurer un entretien systématique pour les demandeurs de l’AAH2, catégorie réservée aux personnes présentant un taux d’incapacité de 50 à 79 % et une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi. Objectif : mieux « objectiver » l’évaluation des droits, aujourd’hui jugée trop variable entre départements. Le gain potentiel est estimé entre 300 et 500 millions d’euros par an.
Dématérialisation, recalcul, harmonisation
D’autres pistes sont évoquées :
– dématérialisation des certificats médicaux pour fiabiliser les dossiers (50 millions d’euros),
– réforme des règles de calcul des ressources pour l’ASH (aide sociale à l’hébergement) et l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), avec jusqu’à 250 millions d’euros potentiels,
– harmonisation des barèmes territoriaux de l’ASH, pour réduire les écarts entre départements.
Ces mesures techniques visent à standardiser, automatiser et rationaliser la gestion des aides. Mais elles touchent à des équilibres fragiles, construits au fil des années.
Une stratégie antifraude renforcée
Au-delà du budget, le rapport IGF-IGAS pointe l’absence d’une stratégie antifraude cohérente. Il critique le manque d’outils de détection et d’échanges de données entre les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées) et l’Assurance maladie.
Une évolution législative est attendue à la rentrée : l’article 4 du futur projet de loi contre la fraude devrait autoriser la circulation de données entre institutions. La CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) serait chargée de piloter cette stratégie, en lien étroit avec les départements.
Plusieurs associations de défense des droits des personnes handicapées, dont APF France handicap, s’élèvent contre ces orientations. Elles dénoncent une approche « purement comptable », qui « jette la suspicion sur les bénéficiaires » et « fragilise l’accès effectif aux droits ». Elles rappellent que la fraude à l’AAH est marginale : selon la CNAF, elle représentait seulement 1,2 % des cas de fraude détectés en 2020, soit 5,9 millions d’euros sur 255,5 millions.
Le recours contre l’algorithme de la CAF
La question du contrôle automatisé inquiète particulièrement. Quinze associations ont saisi le Conseil d’État contre l’usage d’un algorithme de notation de risque par la CAF. Cet outil vise notamment les bénéficiaires du RSA et de l’AAH, accusent-elles, créant un effet de « surcontrôle » des publics précaires. Elles dénoncent une discrimination indirecte par le biais de l’automatisation.
Le rapport IGF-IGAS insiste aussi sur les inégalités territoriales. Les délais de traitement des dossiers dans les MDPH atteignent cinq mois en moyenne. Certaines MDPH d’Île-de-France reçoivent jusqu’à 300 demandes par jour. Dans le Val-de-Marne, 7 % de la population bénéficie d’un droit ouvert contre 3 % au niveau national.
Pour tenter de résoudre cette congestion, le gouvernement mise sur la digitalisation : simplification des renouvellements pour les handicaps stables, suivi des dossiers en ligne, usage d’outils d’intelligence artificielle pour réduire les délais à deux mois.
Mais les professionnels des MDPH s’alarment : surcharge de travail, outils numériques non interopérables, manque de moyens humains. Les risques de rupture de droits sont réels.
Une réforme imposée sous haute tension
Le 25 août, François Bayrou a tenté de défendre la ligne gouvernementale. Il s’est dit ouvert à des discussions sur certaines modalités — comme la suppression éventuelle de jours fériés — mais a confirmé que les 44 milliards d’euros d’économies prévues ne bougeront pas.
Il appelle à un « travail de conviction » pour faire passer la réforme auprès des parlementaires et de l’opinion. Des concertations avec les départements et les partenaires sociaux sont annoncées à partir de septembre.
La tension politique monte. La France insoumise déposera une motion de censure le 23 septembre. Les socialistes menacent de la voter si les mesures ne sont pas corrigées. Le gouvernement tente d’apaiser via des outils de participation numérique. Les vidéos « FB Direct » ont recueilli 3 650 messages et 1 400 questions via l’application Agora. Mais l’effet reste incertain.
La réforme en cours s’inscrit dans une logique plus large : repenser les prestations sociales en temps de disette budgétaire. Mais une question de fond demeure : jusqu’où peut-on rationaliser l’aide aux plus vulnérables sans briser l’un des piliers du pacte républicain ?
Oú vas t on ?
C’est une honte de vouloir combler le déficit budgétaire en s’en prenant aux plus faibles et vulnérables comme les personnes handicapées mais aussi les retraités. Il y a sûrement des économies à faire ailleurs…c’est trop facile.