Résumé Résumé
Son nom évoque à lui seul une histoire d’amour immortelle. Celle de l’empereur Shah Jahan et de la princesse Mumtaz Mahal, dont la passion inspira le Taj Mahal. En 1925, la maison Guerlain puise dans cette légende pour créer un parfum, Shalimar, devenu en un siècle une icône olfactive, emblème d’une modernité raffinée et d’un savoir-faire français à la croisée de l’art et de l’industrie. À l’heure de son centenaire, Shalimar incarne plus que jamais les paradoxes et les promesses du luxe contemporain.
Shalimar, une légende olfactive née en 1925
Créé par Jacques Guerlain, le parfum étonne par structure audacieuse – alliance de vanille, d’ambre, d’iris et de bergamote – en fait dès sa sortie une rupture esthétique. Le flacon, dessiné par Raymond Guerlain et réalisé par Baccarat, participe à son statut de chef-d’œuvre. Porté par les artistes, les mondaines, les anonymes, Shalimar devient le symbole d’un parfum qui raconte une histoire, bien avant que le marketing contemporain ne s’empare du storytelling.
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Cette permanence dans l’imaginaire collectif se conjugue aujourd’hui à des données économiques qui confirment la vitalité du secteur. En 2024, les exportations françaises de parfums dépassent 8 milliards d’euros, en hausse de 13,6 %. La France conserve 35 % des parts du marché mondial, affirmant sa position dominante. Le marché global, évalué à 66 milliards de dollars, pourrait atteindre 116 milliards d’ici 2037, avec une croissance annuelle proche de 6 %. Dans ce contexte, les parfums orientaux connaissent un regain spectaculaire : les recherches associées à cette famille ont bondi de 174 % en un an, redonnant à Shalimar une place centrale dans les aspirations contemporaines.
La maison Guerlain, intégrée au groupe LVMH, bénéficie de cette dynamique. En 2024, le groupe réalise un chiffre d’affaires de 84,7 milliards d’euros. Si la croissance organique demeure modeste (+1 %), la division Parfums et Cosmétiques, portée notamment par Guerlain, progresse de 4 %, atteignant 8,4 milliards d’euros. Pour marquer le centenaire de Shalimar, une édition anniversaire – Shalimar L’Essence – a été lancée à 120 euros. Une opération stratégique dans un segment de plus en plus tiré par la premiumisation : les ventes de parfums à plus de 175 euros ont crû de 36 % en 2024.
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Innovation et écoresponsabilité
Mais célébrer un mythe ne suffit plus. Guerlain s’attache à conjuguer patrimoine et innovation. La maison multiplie les collaborations artistiques, à l’instar du flacon de 1,5 litre habillé par Janaina Milheiro, artiste textile brésilienne. La fabrication, longtemps cantonnée à l’artisanat, intègre désormais des procédés technologiques avancés, tout en répondant à l’exigence croissante de durabilité. Guerlain investit dans des méthodes d’extraction plus responsables, en phase avec une attente environnementale devenue structurante : 68 % des consommateurs se déclarent sensibles à la dimension écoresponsable des produits.
L’adaptation passe également par la conquête de nouveaux publics. Guerlain oriente désormais sa communication vers la Génération Z, qui représente près de 40 % de la population mondiale. Cette stratégie s’incarne dans une présence accrue sur les réseaux sociaux et dans des partenariats avec des influenceurs, comme Violette Serrat, directrice de la création maquillage. Le e-commerce, qui pèse aujourd’hui pour près de 20 % du marché, connaît une croissance de 34 %, bouleversant les circuits de distribution traditionnels et imposant de nouveaux codes relationnels.
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L’enjeu de la Génération Z
Ce tableau contrasté ne masque pas les tensions. La hausse des coûts, liée à l’inflation sur les matériaux – verre, emballages, composants – atteint entre 8 et 10 %, entraînant une augmentation moyenne de 15 % des prix depuis 2019. Certaines références iconiques comme Shalimar enregistrent des hausses de 20 à 30 %, générant de nouveaux défis pour les chaînes de production. Dans le même temps, les technologies de formulation évoluent rapidement. L’intelligence artificielle permet aujourd’hui de simuler des compositions inédites grâce à des outils comme Philyra ou CARTO. Ces innovations ouvrent la voie à des créations sur mesure, plus écologiques, et mieux alignées avec les désirs d’individualisation de la clientèle.