Air Liquide a annoncé le 22 août la plus importante acquisition de la décennie depuis le rachat de l’américain Airgas en 2015. Le groupe français s’apprête à reprendre DIG Airgas, producteur sud-coréen de gaz industriels, dans une opération stratégique qui marque un tournant majeur dans son développement en Asie. En reprenant la totalité du capital auprès du fonds Macquarie Asia-Pacific Infrastructure, Air Liquide entend s’ancrer durablement dans un marché sud-coréen à forte croissance, tiré par l’électronique, l’intelligence artificielle et la transition énergétique.
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Le montant de la transaction n’a pas été officiellement communiqué, mais la valeur d’entreprise s’élève à 2,85 milliards d’euros. L’acquisition devrait être finalisée au premier semestre 2026, sous réserve des autorisations réglementaires en Corée du Sud. Elle positionnera Air Liquide parmi les acteurs industriels de premier plan dans le pays, avec un impact positif attendu sur les résultats dès la première année.
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Le rachat de DIG Airgas constitue aussi un retour aux origines. Air Liquide avait participé à la création de l’entreprise sud-coréenne en 1979, en y détenant une part minoritaire, avant de s’en désengager à la faveur de divergences stratégiques. Près de cinquante ans plus tard, le rapprochement prend tout son sens. DIG Airgas est aujourd’hui un acteur solidement implanté dans les bassins industriels coréens, avec un portefeuille d’activités très complémentaire de celui du groupe français.
DIG Airgas, un acteur stratégique dans les gaz industriels
Les deux entreprises partagent une présence dans le secteur de l’électronique, DIG Airgas étant davantage positionné sur les gaz vecteurs comme l’argon, tandis qu’Air Liquide est actif dans les gaz spéciaux pour matériaux avancés. La complémentarité se retrouve également dans la santé, où le groupe français est centré sur les soins à domicile, quand DIG Airgas fournit les hôpitaux.
Le marché sud-coréen des gaz industriels s’inscrit dans une dynamique soutenue, alimentée par l’essor des semi-conducteurs, des batteries, de la pharmacie et des technologies liées à l’intelligence artificielle. Selon les estimations internes du groupe, ce marché pourrait doubler en valeur d’ici à 2035, avec un taux de croissance annuel de 8,6 % entre 2024 et 2030. Ce contexte offre à Air Liquide une base de développement stratégique dans une région où il était jusqu’ici modérément implanté.
Des synergies fortes dans l’électronique et la santé
Présent en Corée du Sud depuis 1996, Air Liquide y compte actuellement une dizaine de sites industriels, majoritairement tournés vers la production de gaz spéciaux pour l’électronique et l’hydrogène pour la mobilité lourde. Avec l’intégration de DIG Airgas, le groupe va significativement étendre son maillage industriel : 60 usines, 220 kilomètres de canalisations et 550 salariés seront ajoutés à son empreinte coréenne.
Cette opération s’inscrit dans une stratégie d’expansion maîtrisée, soutenue par une trajectoire financière robuste. Au premier semestre 2025, Air Liquide a enregistré un chiffre d’affaires de 13,722 milliards d’euros (+2,6 %) et un résultat net récurrent de 1,842 milliard d’euros (+9,6 %), avec une marge opérationnelle en hausse. Le groupe confirme ses objectifs pour l’année et vise une amélioration de 200 points de base de sa marge opérationnelle d’ici fin 2026. Son portefeuille de projets atteint un niveau record de 4,6 milliards d’euros, dont plus de 40 % sont liés à la transition énergétique et un tiers aux semi-conducteurs.
Une opération à fort potentiel financier et industriel
L’acquisition de DIG Airgas, valorisée à 20,2 fois l’EBITDA 2024 de l’entreprise sud-coréenne, soulève des interrogations sur son coût. Toutefois, Air Liquide justifie cette valorisation par un carnet de commandes sécurisé et des synergies attendues, ramenant le multiple à 14,8 fois. L’opération sera financée par un crédit-relais structuré, puis refinancée via des émissions obligataires. À l’horizon 2030, les synergies de coûts et la croissance attendue de l’activité devraient générer plus de 65 millions d’euros supplémentaires d’EBITDA.
Dans un secteur mondial dominé par trois grands acteurs – Air Liquide, Linde et Air Products – cette acquisition renforce la position du groupe français en Asie-Pacifique, une région qui représente aujourd’hui 20 % de ses revenus. François Jackow, directeur général d’Air Liquide, affirme que cette opération permettra au groupe de consolider ses positions dans le secteur de l’électronique et de renforcer son statut de leader dans la région.