Bayrou envisage de réduire les aides aux personnes âgées et handicapées

Économiser jusqu’à 1,5 milliard sur le dos des plus fragiles : voilà l’option envisagée par le Gouvernement. AAH, APA, ASH… toutes les aides sont sur la sellette.

Un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection des affaires sociales (IGAS), rendu public à la mi-juillet, propose une révision en profondeur des dispositifs d’aide à l’autonomie destinés aux personnes âgées et en situation de handicap. Commandé par le Premier ministre, le document s’attaque à un sujet à la fois sensible et stratégique, dans un contexte de vieillissement démographique et de tension sur les finances publiques.

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Les inspecteurs y formulent 23 recommandations, avec un triple objectif : harmoniser les modalités d’attribution des aides entre les départements, renforcer la lutte contre la fraude, encore largement défaillante, et dégager des marges de manœuvre budgétaires. Les économies potentielles sont évaluées entre 800 millions et 1,5 milliard d’euros par an.

Les aides à l’autonomie dans le viseur du Gouvernement

Le périmètre du rapport couvre cinq prestations majeures : l’allocation adulte handicapé (AAH), l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), la prestation de compensation du handicap (PCH) et l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Ces dispositifs représentaient, en 2023, un total de 30 milliards d’euros de dépenses, majoritairement supportées par les conseils départementaux et l’État.

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L’augmentation continue du nombre de bénéficiaires, sous l’effet du vieillissement de la population, de la progression des maladies chroniques, et de l’élargissement des critères de handicap, entraîne une dynamique budgétaire difficilement soutenable. Entre 2017 et 2023, les dépenses liées à l’AEEH ont ainsi progressé de 7,8 % par an, celles de la PCH de 7,6 %, celles de l’AAH de 5,4 %, tandis que l’APA et l’ASH ont connu des hausses plus modérées, respectivement de 2,9 % et 1,5 %.

Face au « choc démographique » attendu dès 2030 avec l’entrée des générations du baby-boom dans le grand âge, les auteurs du rapport plaident pour une action rapide. Ils recommandent notamment un encadrement plus rigoureux des critères d’attribution des aides et une homogénéisation de leur application sur l’ensemble du territoire. L’instauration d’un barème national pour l’ASH pourrait générer 50 millions d’euros d’économies. La mise en place systématique d’un entretien préalable pour les demandeurs d’une AAH dite « AAH2 » (handicap compris entre 50 % et 79 %, assorti de difficultés d’insertion professionnelle) permettrait d’économiser entre 300 et 500 millions d’euros.

Des économies ciblées sur les prestations existantes

Au-delà des modalités d’attribution, les inspecteurs pointent l’insuffisance du contrôle des prestations. « Il n’existe aucune stratégie de détection », soulignent-ils à propos de la fraude. Ils recommandent de faciliter les échanges de données entre l’Assurance Maladie et les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), afin de mieux croiser les informations disponibles. Une orientation que devrait prolonger l’article 4 du futur projet de loi contre la fraude, attendu à la rentrée.

La mission propose également de modifier les modalités de versement de certaines aides, notamment en rendant immédiat le crédit d’impôt pour les bénéficiaires de l’APA et de la PCH, ce qui permettrait d’économiser entre 50 et 100 millions d’euros. La dématérialisation des certificats médicaux contribuerait, elle aussi, à fiabiliser les dossiers, pour un gain estimé à 50 millions d’euros. Par ailleurs, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est invitée à élaborer une stratégie antifraude spécifique.

D’autres pistes d’économie sont évoquées, telles que la déduction des indemnités versées par les assurances en cas d’accident du montant des aides PCH et APA. Le potentiel d’économie, bien que non chiffré, est jugé « substantiel ». Une réforme du calcul des ressources pour l’ASH des personnes handicapées pourrait quant à elle rapporter entre 50 et 150 millions d’euros. Un durcissement de la dégressivité de l’APA offrirait un rendement de 50 à 250 millions d’euros.

Enfin, le rapport chiffre à 270 millions d’euros l’impact d’une non-revalorisation de l’AAH et de l’AEEH en 2026. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de « l’année blanche » budgétaire annoncée par le Premier ministre.

Lutter contre la fraude pour fiabiliser les dispositifs

Le rapport met en lumière un point faible structurel : l’absence de contrôle et de stratégie coordonnée pour identifier les abus. Alors que les prestations continuent de croître en volume et en coût, les outils de vérification restent lacunaires. En particulier, les MDPH et l’Assurance Maladie ne disposent pas encore de systèmes d’échange d’informations automatisés.

L’article 4 du futur projet de loi antifraude devrait ouvrir la voie à une meilleure circulation des données. Par ailleurs, l’IGF et l’IGAS appellent à renforcer les outils numériques, avec la dématérialisation des certificats médicaux et un suivi renforcé des déclarations.

La CNSA se voit confier un rôle central dans la définition d’une stratégie antifraude. Celle-ci devra s’appuyer sur une approche nationale, mais aussi sur une coordination renforcée avec les conseils départementaux, principaux financeurs des dispositifs.

Un calendrier incertain mais des enjeux cruciaux

Si le gouvernement Bayrou se montre pour l’heure prudent, aucun arbitrage n’ayant été rendu, les discussions avec les départements devraient s’intensifier dans les mois à venir. Le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités indique que certaines disparités relevées dans le rapport pourront faire l’objet de discussions, tout en insistant sur le caractère exploratoire du document. De son côté, Matignon assure étudier les propositions « avec intérêt ».



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