En plein mois d’août, quand d’autres goûtent le répit des congés, Jean-Luc Mélenchon, lui, aiguise ses armes. L’ancien candidat à la présidentielle a choisi son angle d’attaque : un appel explicite à bloquer l’économie française. Objectif affiché : faire tomber le gouvernement Bayrou et son budget jugé “dévastateur”. Une stratégie de confrontation totale, à fronts multiples, comme rarement assumée dans l’histoire politique récente.
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Le leader de La France insoumise ne fait pas dans la nuance. Il exige la démission immédiate de François Bayrou, dénonce une “politique de casse sociale” et annonce une double riposte : motion de censure à l’Assemblée nationale et appel à la mobilisation dans la rue. Pour Mélenchon, les deux fronts sont indissociables : “faire l’un sans l’autre est vain ou bien incertain”, préviennent Panot, Bompard et lui. En clair, l’Assemblée ne suffira pas : il faut que la rue s’en mêle – et bloque.
Un appel au blocage structuré et assumé
Le slogan “Bloquons tout” ne doit rien au hasard. Ce mouvement, né sur les réseaux sociaux, se veut le prolongement populaire de l’offensive politique. La date choisie – le 10 septembre – annonce une paralysie totale du pays : grèves massives, retraits bancaires organisés, boycott de grandes enseignes… L’appel sonne comme une épreuve de force. Les méthodes évoquées rappellent celles des Gilets jaunes, mais cette fois-ci, elles sont revendiquées, planifiées et structurées.
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Les syndicats commencent à se positionner. Le syndicat FO a déposé un préavis de grève couvrant la période du 1er septembre au 30 novembre, incluant les secteurs public et privé. De leur côté, la CGT et la CFDT dénoncent un budget jugé socialement destructeur. La CGT évoque une “année blanche”, tandis que la CFDT parle de “régressions sociales insupportables”.
Une riposte syndicale d’ampleur inédite
À Matignon, François Bayrou tente d’imposer l’image d’un budget de responsabilité. Mais les mesures annoncées n’ont rien de symbolique : suppression de deux jours fériés, hausse de la franchise médicale, gel des prestations sociales, nouvelles contributions sur les hauts revenus. Le ton est donné : austérité frontale.
L’OFCE prévoit une baisse de 0,6 % de la croissance en 2026, avec un PIB à peine supérieur à 1 %. Le chômage, notamment chez les plus vulnérables, devrait repartir à la hausse. Dans l’opinion, le rejet est massif : 75 % des Français s’opposent à la suppression des jours fériés, près de 60 % réclament un changement de gouvernement, et à peine 20 % soutiennent le Premier ministre. Le signal est clair : ce n’est plus une impopularité, c’est une déflagration politique.
La réaction syndicale est à la hauteur de l’enjeu. FO enclenche le bras de fer. La CFDT prévient d’une “saison noire”. La CGT appelle à “empêcher la bascule”. Dans le camp opposé, le patronat se montre prudent, saluant du bout des lèvres des mesures “lucides et nécessaires”. Le paysage politique, lui, est morcelé. Le Parti socialiste hésite entre renversement et négociation. Le Rassemblement national, lui, menace de censurer si ses “lignes rouges” fiscales sont franchies.
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Un gouvernement en difficulté face à la contestation
Mais la menace ne vient pas que de la rue. Elle est aussi économique et européenne. Bruxelles a suspendu sa procédure de déficit excessif, un geste rare, mais fragile. Les agences de notation, elles, se montrent moins patientes : Moody’s a abaissé la note de la France en janvier, et Fitch maintient une perspective négative.
Les marchés scrutent chaque prise de parole de Bayrou, qui multiplie les vidéos pédagogiques. Mais la défiance s’installe. Le gouvernement brandit l’argument de l’irresponsabilité : “43,8 milliards d’euros de promesses non financées” selon lui dans le programme de l’opposition. Pourtant, cette technicité se heurte à une colère brute et croissante.
Rien n’est encore joué. Mais la rentrée s’annonce explosive. D’un côté, un exécutif minoritaire, arrimé à sa rigueur budgétaire. De l’autre, une gauche insoumise prête à faire tomber le pouvoir dans la rue. Et au centre, une société française au bord de la rupture.