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Le géant du hard-discount Lidl teste en Allemagne un concept inédit de magasin entièrement dédié au non-alimentaire. Loin des rayons de fruits et légumes et des caisses pleines de pâtes, ce format, baptisé Lidl Home & Living, marque une tentative de riposte face à l’ascension fulgurante d’Action. En marge de la distribution classique, une bataille stratégique se joue dans un secteur où le pouvoir d’achat reste roi : celui des petits prix hors alimentation.
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À Lottstetten, dans le sud de l’Allemagne, à deux pas de la frontière suisse, Lidl a inauguré cet été un magasin d’un genre nouveau. Aucun produit frais ou emballé n’y est proposé. L’espace est entièrement dédié à l’univers non-alimentaire : bricolage, électroménager, textile, sport, jouets. Le tout, sous les marques propres de l’enseigne — Silvercrest, Parkside, Crivit, Lupilu, Livergy, Esmara — soit l’ensemble du portefeuille maison. Dans ce magasin test, Lidl regroupe pour la première fois tous ces univers dans un seul lieu. Objectif : évaluer le potentiel d’un concept que l’enseigne n’a jamais poussé jusque-là.
Une stratégie pensée pour concurrencer l’enseigne Action
Ce virage stratégique intervient alors que Lidl continue de réaliser l’essentiel de son chiffre d’affaires grâce à l’alimentaire. En France, le non-alimentaire représente moins de 10 % des revenus. Mais sa part, bien que minoritaire, n’est pas négligeable. Elle est portée par des produits d’appel à forte rotation, proposés à prix bas, et souvent attendus par les clients. L’enseigne envoie chaque semaine environ 90 références différentes dans ses supermarchés. Cette mécanique d’arrivages fréquents, qui sature parfois les rayons, constitue à la fois une force commerciale et une contrainte logistique.
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Ce nouveau magasin, isolé pour l’instant, doit être lu à l’aune d’une concurrence précise : celle d’Action. Le distributeur néerlandais, aujourd’hui présent dans plus de 3000 points de vente en Europe, dont la moitié en France et en Allemagne, a pris une longueur d’avance sur le segment du discount non-alimentaire. Son modèle repose sur des prix très bas, une offre renouvelée en permanence, et une expérience d’achat fondée sur la surprise. En concentrant son offre sur ses marques maison et en segmentant ses univers, Lidl s’inscrit dans une logique similaire, tout en conservant une maîtrise complète de sa chaîne de valeur.
Le poids logistique des stocks non-alimentaires chez Lidl
Cette réponse à Action se déploie aussi en France. Le 20 juin dernier, Lidl a inauguré deux modules de déstockage en région parisienne, eux aussi consacrés uniquement au non-alimentaire. Il s’agit de canaux complémentaires, pensés pour absorber les flux excédentaires et faciliter la gestion des stocks. Interrogé par LSA, le président de Lidl France, John Paul Scally, soulignait l’importance de fluidifier l’offre : les produits non-alimentaires doivent pouvoir être retirés rapidement des rayons, réorientés vers une plate-forme centralisée, puis remis en circulation dans les circuits de déstockage.
En toile de fond, une donnée chiffrée éclaire l’enjeu : le stock non-alimentaire à écouler représenterait 1,5 milliard d’euros. Une masse considérable, qui alourdit les coûts logistiques et pèse sur les équilibres internes. En structurant un réseau de distribution parallèle, plus flexible, Lidl entend répondre à cette pression, tout en captant la dynamique de croissance du discount non-alimentaire.
Vers une segmentation accrue du discount hors alimentaire
Car cette dynamique est réelle. Selon Circana, les Français ont dépensé 44 milliards d’euros dans les enseignes de discount sur les douze derniers mois. Une progression de 3,5 % sur un an, qui dépasse les seuls acteurs alimentaires. Le discount hors alimentaire, avec des enseignes comme Action, NOZ, NORMAL ou Stokomani, capte plus d’un quart de ce marché. Le paysage se complexifie, avec l’arrivée massive des marketplaces asiatiques (Temu, AliExpress, SHEIN), qui modifient encore davantage les repères du secteur.
Dans ce contexte, les frontières deviennent floues. La catégorie du “discount” ne recouvre plus une réalité unique. Le hard-discount historique laisse place à des formats hybrides, à mi-chemin entre le supermarché, le magasin de bricolage et le bazar connecté. Même Lidl a cessé de se revendiquer comme hard discounter, préférant désormais la définition de supermarché à dominante de marques propres.
C’est dans cette zone grise, entre formats traditionnels et nouveaux modèles, que s’opère le repositionnement de Lidl. L’enseigne teste, segmente, déstocke, concentre. Elle construit pas à pas une offre capable de concurrencer celle d’Action, sans la dupliquer. Si le test de Lottstetten s’avère concluant, une extension du concept à d’autres régions, notamment en France, n’est pas à exclure. Elle ouvrirait la voie à un réseau parallèle, spécifiquement dédié au non-alimentaire, en marge des supermarchés classiques.