L’ambition footballistique se heurte aux limites écologiques. Le père de Neymar (gestionnaire de la fortune de son fils), star planétaire du ballon rond, porte un projet d’envergure : construire à Santos, sur le littoral de l’État de São Paulo au Brésil, un centre d’entraînement flambant neuf pour le Santos FC. Trois terrains, un stade de 25 000 places, une salle de sport, un club-house, un complexe hôtelier. Un projet aux dimensions immobilières, sportives et commerciales affirmées, financé exclusivement sur fonds privés. Mais la parcelle retenue, en pleine zone sensible, soulève de lourdes inquiétudes environnementales.
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Le site se trouve à proximité immédiate du parc naturel Xixová-Japuí, une aire protégée de 900 hectares située à la jonction des communes de Santos et Praia Grande. Le projet empiète sur 90 000 m² de forêt atlantique primaire, l’un des derniers vestiges de la Mata Atlântica, biome parmi les plus riches du Brésil, mais aujourd’hui réduit à 12 % de sa surface d’origine. Dans une zone où toute opération devrait viser à préserver ce qui reste de couverture végétale, la perspective d’un déboisement massif crée un précédent préoccupant.
Une forêt primaire menacée
La législation brésilienne est pourtant claire. Depuis 2006, la « loi de la forêt atlantique » interdit toute suppression de végétation primaire, sauf dérogation en cas d’utilité publique ou d’intérêt social clairement établi. Un centre d’entraînement à vocation privée et commerciale entre difficilement dans ce cadre. Pour Luis Fernando Guedes Pinto, directeur de l’ONG SOS Mata Atlântica, le projet viole la loi de façon frontale.
Malgré ce cadre légal, les autorités locales affichent leur soutien. Le maire de Praia Grande, Alberto Mourão, s’est félicité du projet lors de sa présentation officielle, le qualifiant de « réalité déjà concrète ». Il en a vanté les retombées économiques potentielles pour la région, insistant sur une vision de développement rapide. Aucune étude d’impact environnemental n’a été rendue publique, et aucune concertation n’a eu lieu avec les habitants du quartier concerné, qui dénoncent une décision prise sans eux.
Mobilisation citoyenne et critiques croissantes au Brésil
Sur place, la mobilisation s’organise. « Nous ne sommes pas contre le développement », explique Leniro Guedes, président de l’association de quartier Amoforte. « Mais pas au prix d’une forêt primaire et des espèces typiques qu’elle abrite. » Il évoque les risques sur les sources d’eau, les déséquilibres dans les flux écologiques, et la disparition d’un patrimoine vivant.
Même inquiétude chez Lázaro Zeferino, entraîneur de football pour personnes amputées et habitant du secteur. « Sans une compensation écologique gigantesque, ce projet sera contre la nature et contre la planète. » Pour lui, le cas illustre un dilemme structurel : celui d’un pays à la biodiversité exceptionnelle mais à la planification écologique défaillante.
Une pétition en ligne intitulée « Un but contre la nature » a déjà recueilli plus de 2 400 signatures. Son message est clair : il n’est pas nécessaire de sacrifier arbres, biomes et écosystèmes pour des projets de prestige. Les signataires réclament un développement durable, non un développement jetable.
Ce n’est pas la première fois que Neymar da Silva Santos, père de l’attaquant, est mis en cause pour des atteintes à l’environnement. En 2023, il avait été sanctionné à Mangaratiba, dans l’État de Rio, pour des travaux illégaux dans une propriété appartenant à son fils : construction d’un lac artificiel, prélèvement de sable sur une plage voisine, déviation de cours d’eau. L’affaire s’était conclue en août 2024 par une annulation discrète des sanctions, une jurisprudence jugée inquiétante par plusieurs juristes et associations locales.