Vuitton, Hermès, Dior… les nouvelles stars de LinkedIn

Le secteur du luxe domine désormais LinkedIn en France, avec des taux d’engagement records.

Le réseau social professionnel LinkedIn est en train de changer de nature. Longtemps outil discret de réseautage entre cadres, il devient en France un terrain de communication intensément stratégique. Lieu d’expression, de narration et de conquête d’audience, la plateforme voit émerger un acteur inattendu comme champion toutes catégories : le luxe.

Un changement de décor que documente en détail le dernier rapport de Visibrain, intitulé « LinkedIn en France : grandes tendances 2025 ». L’étude, fondée sur l’analyse de 430 000 publications francophones entre avril 2024 et avril 2025, révèle une montée en puissance spectaculaire des grandes marques du haut-de-gamme, qui écrasent la concurrence en termes d’engagement.

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Le luxe, nouvel acteur dominant sur LinkedIn

Parmi les 20 entreprises générant le plus d’interactions sur LinkedIn en France, sept appartiennent à l’univers du luxe. Louis Vuitton se hisse à la deuxième place avec près de 476 000 réactions et un taux d’engagement de 16,4 %, juste derrière Deloitte. Plus frappant encore, Bugatti atteint un taux d’engagement inédit de 97 %, avec 446 000 réactions pour seulement 460 000 abonnés. Christian Dior Couture, Hermès, LVMH et les Parfums Dior confirment l’hégémonie du secteur.

Les chiffres sont sans appel : six entreprises du luxe cumulent à elles seules plus de deux millions de réactions pour un total de 10,2 millions de followers, avec un taux d’engagement moyen de 19,9 %. Une performance hors norme, tirée à la fois par la force des marques et par leur capacité à déployer une narration maîtrisée, où prestige et symbolique prennent le pas sur l’information brute.

Une narration émotionnelle au cœur des publications

Ce succès repose sur une mécanique bien rodée. Les publications sont scénarisées, émotionnelles, souvent romancées. Elles valorisent des temps forts — lancements, collaborations, anniversaires, nominations — en croisant les univers. L’ouverture d’un café Louis Vuitton avec Cyril Lignac à Heathrow ? Plus de 8 700 réactions. Un œuf en chocolat signé Maxime Frédéric inspiré d’un sac iconique ? 8 000 de plus. Le luxe, ici, ne se contente plus de vendre un produit : il vend un monde, une expérience, un récit.

Mais cette montée en puissance du luxe s’inscrit aussi dans une évolution plus large : celle de LinkedIn lui-même. La plateforme revendique aujourd’hui 33 millions d’utilisateurs en France, avec un taux d’engagement moyen de 14,78 %, bien supérieur à Facebook (7,07 %), Instagram (6,63 %) ou TikTok (3,65 %). En 2024, les interactions ont bondi de 99 %, les clics de 122 %. Des chiffres qui font de LinkedIn un levier d’influence désormais incontournable — même pour des secteurs historiquement discrets comme le conseil. Capgemini, par exemple, atteint la 7ᵉ place du classement avec 217 000 réactions.

Nouvelles pratiques, nouveaux formats, nouveaux publics

Ce ne sont plus seulement les entreprises qui s’y expriment. Le profil des utilisateurs change. Journalistes, influenceurs, responsables politiques ou militants investissent la plateforme. Exemple emblématique : Hugo Clément. Le journaliste environnementaliste a récolté plus d’un million de réactions en un an, avec un taux d’engagement spectaculaire de 247 %, loin devant Emmanuel Macron, pourtant suivi par trois millions d’abonnés. Ce basculement signe l’élargissement du spectre éditorial de LinkedIn, désormais bien plus vaste que la simple vie de bureau.

Les médias traditionnels ne s’y trompent pas. Depuis 2023, plusieurs rédactions — Libération, Le Monde, Ouest-France — ont pris leurs distances avec X (ex-Twitter) pour miser sur LinkedIn. Un pari payant : Challenges a vu son taux d’engagement multiplié par six depuis son départ de X en septembre 2024, France Culture a triplé ses performances. Dans le classement Visibrain des médias les plus influents, Le Figaro, Culture Pub, France Culture, Les Échos et Explore Media se détachent. Tous optent pour un ton moins clivant, plus constructif — une rupture avec les réflexes polarisants des anciens réseaux.

Autre transformation notable : les formats évoluent rapidement. En un an, le nombre de publications vidéo a bondi de 53 %, les clics sur ce format de 160 %. Le récit personnel, le selfie, le témoignage émotionnel s’imposent, notamment chez les dirigeants. Anthony Bourbon (Blast.Club), Michel-Édouard Leclerc (E.Leclerc) ou Aiman Ezzat (Capgemini) adoptent des codes inspirés des influenceurs. À la clé : des centaines de milliers de réactions.

Reste une zone grise : celle des effets de bord. En valorisant les contenus les plus engageants, l’algorithme de LinkedIn peut aussi amplifier les controverses. Trois exemples récents l’illustrent : une offre d’emploi jugée abusive par Lydia a fait exploser les discussions ; une campagne de BodyMinute avec Laurène Levy a suscité plus de 10 000 réactions ; Shein, critiqué pour sa fast fashion, a cristallisé 15 500 réactions. LinkedIn devient donc un espace de confrontation, où l’image des marques peut être fragilisée en quelques heures.

Pour les entreprises, la conséquence est claire : il ne suffit plus de publier. Il faut penser, anticiper, ajuster. Le récit doit être captivant, mais la veille doit être constante, la gestion des risques, intégrée. Les maisons de luxe, de ce point de vue, ont une longueur d’avance. Elles savent manier les codes narratifs, provoquer la surprise, parler à des publics hybrides. Elles transforment LinkedIn en scène d’influence, où l’identité professionnelle se mêle au culturel, à l’éditorial, parfois au politique.



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