Johan Reboul mobilise les jeunes pour le climat

À 26 ans, Johan Reboul incarne un nouvel activisme écologique, alliant rigueur intellectuelle, engagement numérique et parcours institutionnel.

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Il est de ces parcours où tout semble s’enchaîner avec une cohérence presque chirurgicale, bien que dictée par les hasards de l’époque. Johan Reboul, 26 ans, activiste numérique, auteur, documentariste, influenceur engagé (recyclé), appartient à cette génération qui refuse l’alternative stérile entre le militantisme de rue et l’inaction cynique. Son histoire ne tient pas à une révélation brutale, mais à un enchaînement de prises de conscience, méthodiquement documentées, minutieusement articulées, souvent catalysées par des outils numériques, et toujours nourries par une rigueur peu fréquente à cet âge.

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Une jeunesse biculturelle

Né en février 1999 à Nîmes dans une famille aux horizons larges – père ostéopathe local, mère expatriée – Johan Reboul passe son enfance à conjuguer deux mondes. À sept ans, il quitte la France pour suivre sa mère au Canada. Huit ans d’expatriation plus tard, il repart avec un passeport canadien en poche et un regard façonné par les paysages naturels grandioses. « Le Canada, c’est des étendues énormes, de grands espaces naturels. J’ai pris conscience que c’était dingue ce que la nature pouvait apporter », raconte-t-il. Ce premier lien affectif à l’environnement, bien que non encore politisé, prépare le terrain.

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De retour à Nîmes, il intègre le lycée Alphonse Daudet, décroche en 2017 un bac économique et social avec mention très bien, et découvre, dans la salle de classe de Madame Lozé, professeure d’histoire-géographie, une autre forme d’éveil. Nous sommes alors dans les années post-Charlie. L’actualité s’invite au tableau, les débats prennent place, la citoyenneté s’ouvre. « Elle nous questionnait sur l’actualité, il y avait des débats dans la classe. Elle a ouvert ma citoyenneté », résume-t-il.

Nutella, élément déclencheur

L’élément déclencheur arrive en 2015, comme souvent aujourd’hui : via un tweet. Le hashtag #NutellaTLesOrangsOutans révèle la face sombre de la pâte à tartiner préférée des Français. L’ado réalise que sa consommation contribue indirectement à la déforestation de masse en Indonésie et en Malaisie. Le choc est personnel, direct : « J’étais un grand consommateur de Nutella, j’aimais ça. Et donc là, je vois qu’en fait ma consommation cause la déforestation de masse… C’est assez violent, le choc. »

Il supprime l’huile de palme de son alimentation, mais comprend vite la portée limitée d’un geste individuel. Ce qui aurait pu n’être qu’un acte de rejet ponctuel devient une démarche structurée. Il se documente longuement, contacte associations, chercheurs, experts, et bâtit un argumentaire solide. Il lance ensuite deux pétitions sur Change.org, l’une contre Ferrero, l’autre contre LU, deux géants utilisateurs d’huile de palme.

La première explose : plus de 250 000 signatures, une attention médiatique, un appel de l’entreprise. Reboul a 16 ans, mais prépare la conversation comme un professionnel. « J’avais préparé cet appel des heures et des heures, avec justement des associations. J’avais tous les arguments valables… J’arrivais à démonter des arguments de commerciaux. » L’efficacité d’une mobilisation numérique fondée sur une expertise rigoureuse est là, en acte.

De la prépa à l’action publique

Plutôt que de surfer sur ce succès précoce, Johan Reboul choisit de capitaliser. Il passe par la case prépa à l’Institution des Chartreux (2017-2018), réussit Sciences Po Toulouse, où il entame un cursus de cinq ans, jusqu’en 2023, avec un master en Expertise de l’action publique. Le fil rouge reste l’écologie, mais à travers les institutions.

Il prend en 2019 la tête de Gaïa, l’association écologiste de l’école. L’action se double alors d’un travail de fond : en 2020, il effectue un stage au cabinet de Christophe Najdovski, adjoint à la maire de Paris en charge des espaces verts, de la biodiversité et de la condition animale. En 2021, il part en Erasmus à l’Université Saint-Louis de Bruxelles, avant d’enchaîner en 2023 avec un stage au Centre d’informations des Nations Unies pour l’Europe occidentale à Bruxelles (UNRIC). Engagement local, formation académique et ouverture européenne : les trois dimensions se croisent sans s’opposer.

Instagram comme outil

En janvier 2017, il fonde Le Jeune Engagé, d’abord site internet, puis page Facebook. Objectif : élargir l’engagement au-delà de l’huile de palme. C’est pendant le second confinement de 2020 que le projet bascule en puissance : il investit Instagram avec des contenus courts, mêlant autodérision, humour graphique et vulgarisation sérieuse. Résultat : plus de 169 000 abonnés.

Sa ligne : traiter des sujets graves sans sombrer dans le catastrophisme. L’angle : un ton accessible, jamais simpliste. Le positionnement : « influenceur en carton (recyclé) », formule qui dit tout d’une génération consciente des codes mais pas dupe de leur superficialité.

Écrire pour armer : un guide pour la jeunesse climatique

En mars 2021, il publie Le Guide du Jeune Engagé pour la Planète aux éditions Fleurus. Un ouvrage dense (160 pages), structuré en conseils pratiques, interviews (journalistes, scientifiques, activistes, politiques, y compris le directeur général de Greenpeace), méthodes pour décrypter l’information, et même un chapitre destiné à répondre aux « haters ».

La mise en page et les illustrations sont signées Ihab Bourara, renforçant l’accessibilité du propos. L’objet est clair : proposer un kit de lecture pour les jeunes qui cherchent à agir sans sombrer dans l’impuissance.

En 2023, Victoria Guillomon l’aborde via WhatsApp pour un projet de documentaire sans avion, en Inde. Johan Reboul accepte. Départ de la gare de l’Est à Paris, direction Shimla, dans l’Himalaya. Six mois, 19 pays, 8 379 kilomètres. Turquie, Égypte, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis (où ils assistent à la COP28), puis Oman, jusqu’au nord de l’Inde.

Le documentaire devait porter sur l’eau, mais se transforme au fil du voyage en quête plus introspective : « l’écologie intérieure ». Shimla, une fugue des temps modernes sort le 28 mai 2025. Le film est autoproduit, autodistribué, et rempli deux fois le Grand Rex à Paris lors de sa tournée nationale. L’accueil est contrasté : certains regrettent l’abandon du thème initial, d’autres saluent une démarche sincère et visuellement maîtrisée.

De l’influence aux institutions

En 2024, il figure dans la sélection des « 35 leaders positifs », signe d’une reconnaissance institutionnelle. Shimla est intégré au programme Green Citizen de l’UNESCO. À Sciences Po Toulouse, ses réflexions alimentent le vademecum climat destiné aux futurs cadres de l’État. Reboul passe du militantisme numérique à la structuration des formations d’élite, sans renier son style.



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