Santé : préparez-vous à payer plus chez le médecin

Franchises doublées, paiement en pharmacie : ce qui vous attend l’an prochain avec la réforme des remboursements par l’Assurance maladie.

« Sortir de l’illusion du tout gratuit ». Voilà donc la boussole du gouvernement en matière de santé. L’objectif est clair : responsabiliser les patients. Le moyen, plus classique qu’il n’y paraît : faire payer. Encore un peu plus.

Après avoir doublé les franchises médicales l’an dernier, l’exécutif s’apprête à en doubler les plafonds : de 100 à 200 euros par an au total. Ce ne sont plus quelques centimes invisibles au bas d’un remboursement, mais jusqu’à 100 euros par an pour les médicaments, les consultations et les soins paramédicaux, et 100 euros pour les examens et actes médicaux. Et cette fois, ce ne sera plus une ligne abstraite dans un relevé de compte Ameli. Ce sera payé directement, au comptoir de la pharmacie ou dans le cabinet du médecin. Le geste sera tangible. Le message aussi.

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Le gouvernement n’a pas besoin d’une loi. Un décret suffit. Et il peut tabler sur un rendement immédiat : environ 700 millions d’euros par an, dans une chasse plus vaste aux 5,5 milliards d’économies recherchés sur la santé. Cela ne dit pas tout, mais cela en dit assez : on ne touche pas à l’hôpital, ni à la médecine de ville, mais à ceux qui les fréquentent.

Ce n’est pas un impôt, mais cela en a les allures. Car ces sommes, bien que non remboursées, ne sont pas davantage prises en charge par la complémentaire santé dès lors que le contrat est « responsable », soit dans 98 % des cas. En d’autres termes, les assurés paieront deux fois : pour leur couverture, puis pour leurs soins.

Responsabiliser ou dissuader ?

Officiellement, il ne s’agit pas de sanctionner les malades, encore moins de les culpabiliser. Simplement de les « responsabiliser ». Mais sur quoi, exactement ? Les franchises ne s’appliquent qu’aux soins prescrits. Ce n’est donc pas le patient qui décide. Le choix médical reste entre les mains du professionnel. Faut-il alors aussi responsabiliser le prescripteur ? Silence radio.

Et que dire des exemptions ? Les malades chroniques, en affection de longue durée, ne sont pas exonérés. Seuls les mineurs, les bénéficiaires de la C2S ou de l’AME, les femmes enceintes à partir du sixième mois, et les victimes d’attentats échappent à ce filet. Une liste courte, trop courte au goût des associations de patients, qui dénoncent une mesure indifférente à la précarité.

Un signal économique… ou idéologique ?

Le patronat applaudit, depuis des mois, à cette « fin de l’illusion du gratuit ». On comprend mieux l’orientation. Il ne s’agit plus seulement d’équilibrer les comptes sociaux. Il s’agit de réorienter les esprits. D’imprimer l’idée que la santé a un coût, et que chacun doit en assumer une part visible.

Le problème, c’est que cette visibilité tombe toujours sur les mêmes. Pas sur les excès d’ordonnances, pas sur les dépassements d’honoraires, pas sur les rentes des laboratoires pharmaceutiques. Sur les malades. Sur ceux qui, précisément, n’ont pas le choix.

Et pendant ce temps, pas un mot sur une éventuelle taxation de l’alcool, pourtant bien plus prévisible dans ses effets délétères sur les comptes de l’assurance maladie. « Si on produisait de la cocaïne en France, on ne la taxerait pas », ironise un syndicaliste. Façon de dire que certains coûts sont mieux tolérés que d’autres.

Le retour du rationnement

Au fond, ces franchises sont un retour masqué au ticket modérateur, mais en plus dur, plus systématique, plus technocratique. Une forme de rationnement doux, à bas bruit, qui laisse les usagers seuls face à leurs arbitrages. Et qui s’applique sans débat parlementaire. Car un décret, c’est aussi cela : une décision sans contradiction.

Alors que le pays s’interroge sur l’avenir de son modèle social, l’exécutif avance à petits pas, mais dans une direction claire : moins de solidarité automatique, plus de contribution individuelle. Le tout en espérant que cela n’empêche pas de se soigner.



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