Résumé Résumé
À 28 ans, Alexandr Wang est déjà au cœur de la reconfiguration de l’intelligence artificielle mondiale. Propulsé en juin 2025 à la tête de la division IA de Meta, après un investissement record de 14,3 milliards de dollars dans son entreprise Scale AI, il cristallise à lui seul les espoirs technologiques, les ambitions géopolitiques et les inquiétudes éthiques du secteur.
Rigueur scientifique
Né en janvier 1997 à Los Alamos, au Nouveau-Mexique, Alexandr Wang grandit dans une ville façonnée par l’histoire nucléaire américaine. Ses parents, physiciens d’origine chinoise employés au laboratoire national de Los Alamos, l’élèvent dans une culture de rigueur scientifique et de discipline intellectuelle. Très tôt, il se distingue par ses aptitudes en mathématiques et en informatique. Finaliste du USA Computing Olympiad à 15 ans, membre de l’équipe américaine de physique à 17, il accumule les distinctions académiques tout en développant une curiosité technique singulière.
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Cette précocité l’amène rapidement dans les cercles de la tech californienne. À 17 ans, il intègre Addepar comme ingénieur logiciel, avant de rejoindre Quora, où il rencontre Lucy Guo, sa future associée. À cet âge où d’autres entrent à peine à l’université, Wang s’initie déjà aux rouages du développement produit et à la dynamique des plateformes numériques.
Données, travail et scalabilité
En 2016, il abandonne le MIT après seulement une année d’études pour cofonder Scale AI avec Lucy Guo. L’idée germe dans une « pool house » de la Silicon Valley, dans le cadre du programme d’accélération Y Combinator. L’intuition est simple : l’intelligence artificielle, aussi avancée soit-elle, reste dépendante de la qualité des données sur lesquelles elle est entraînée. Or, ces données doivent être soigneusement annotées, validées, classifiées. Ce travail, long et fastidieux, représente un véritable goulet d’étranglement pour les entreprises du secteur.
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Wang en fait le cœur de sa stratégie. Scale AI se donne pour mission d’orchestrer, à l’échelle industrielle, cette tâche invisible. En mobilisant des dizaines de milliers de contributeurs à travers le monde, l’entreprise se positionne comme un fournisseur d’infrastructure pour l’IA. En 2019, elle atteint le statut de licorne. Deux ans plus tard, elle est valorisée à 7,3 milliards de dollars. Wang devient alors le plus jeune milliardaire autodidacte de l’histoire.
Un empire au centre de la machine IA
Scale AI s’impose rapidement comme un acteur incontournable de l’écosystème technologique. OpenAI, Google, Meta, Microsoft mais aussi Toyota et General Motors utilisent ses services pour entraîner leurs modèles de langage ou leurs programmes de véhicules autonomes. La plateforme coordonne plus de 100 000 travailleurs à distance, répartis dans des pays comme les Philippines, le Kenya ou le Venezuela, pour exécuter des tâches d’annotation d’images, de transcription ou de validation.
En 2024, l’entreprise génère 870 millions de dollars de chiffre d’affaires. Les projections pour 2025 s’élèvent à 2 milliards. Derrière cette croissance spectaculaire se dessine un modèle fondé sur une logistique algorithmique du travail et une vision radicale de la productivité.
L’extension du domaine de l’IA à la sphère militaire
La trajectoire de Scale AI ne se limite pas au secteur privé. L’entreprise tisse dès ses débuts des liens étroits avec les institutions de défense américaines. Plusieurs contrats, cumulant plus de 350 millions de dollars, sont signés avec le Département de la Défense, notamment dans le cadre de la Task Force Lima. Les technologies développées par Scale AI sont utilisées pour l’analyse d’images satellites, la détection automatisée de menaces, ou l’évaluation de la robustesse des modèles de langage.
En juillet 2023, Wang est auditionné par une sous-commission du Congrès américain sur les enjeux de l’adoption de l’IA dans les politiques publiques. Il y expose une doctrine claire : pour garantir sa sécurité et sa souveraineté, l’Amérique doit dominer le champ de l’intelligence artificielle.
Le tournant Meta
En juin 2025, Meta annonce l’acquisition de 49 % de Scale AI pour 14,3 milliards de dollars. C’est la deuxième opération la plus importante de l’histoire de l’entreprise fondée par Mark Zuckerberg. En parallèle, Alexandr Wang est nommé directeur général de l’IA de Meta, à la tête des « Meta Superintelligence Labs », une nouvelle entité censée rattraper le retard pris sur OpenAI, Google DeepMind ou Anthropic.
Le choix de Meta reflète une stratégie claire : rompre avec une décennie de suivisme technologique et miser sur une architecture interne capable de produire une « superintelligence », au-delà même de l’intelligence artificielle générale. Wang rejoint une équipe où les rémunérations atteignent des sommets, parfois supérieurs à 100 millions de dollars. Il doit coordonner une cinquantaine de chercheurs issus des plus prestigieuses institutions.
Cette alliance transforme immédiatement le paysage concurrentiel : OpenAI et Google réduisent leurs contrats avec Scale AI, soucieux de préserver leurs secrets industriels. Le positionnement hybride de Wang, à la fois fournisseur d’infrastructure et dirigeant stratégique de Meta, interroge la régulation du pouvoir technologique et la neutralité des plateformes.
Une vision inquiétante de l’évolution humaine
Alexandr Wang ne cache pas ses convictions. Défenseur assumé de la « superintelligence », il prône une accélération forte du développement de l’IA afin de préserver l’hégémonie technologique des États-Unis face à la Chine. En janvier 2025, il publie une lettre ouverte dans le Washington Post intitulée « L’Amérique doit gagner la guerre de l’IA », où il propose cinq mesures pour restructurer l’investissement public dans ce domaine.
Son positionnement dépasse la stratégie industrielle. Interrogé sur sa vie personnelle, Wang affirme ne pas vouloir d’enfants tant que des implants cérébraux comme ceux de Neuralink ne seront pas disponibles, estimant que la plasticité neuronale de l’enfance est essentielle pour intégrer ces technologies. Cette déclaration, largement commentée, révèle une vision transhumaniste où la technologie devient le vecteur principal de l’évolution humaine.
La trajectoire de Wang n’échappe pas aux controverses. Depuis 2024, Scale AI fait l’objet de plusieurs enquêtes du Département du Travail américain pour de possibles violations des normes de travail. D’anciens contractants dénoncent des conditions de travail précaires, une exposition non accompagnée à des contenus violents, et une pression constante sur les cadences.
L’entreprise est accusée d’exploiter une main-d’œuvre sous-payée dans les pays du Sud pour alimenter les modèles d’IA des géants du Nord. En juillet 2025, elle annonce le licenciement de 14 % de ses effectifs, signe des tensions internes croissantes liées à la restructuration de son modèle.
Un pouvoir croissant
Au fil des années, Wang étend son influence au-delà de la technologie. En novembre 2023, il organise un sommet confidentiel dans l’Utah, réunissant chercheurs, investisseurs et responsables gouvernementaux autour des enjeux sécuritaires de l’IA. Il rencontre régulièrement des dirigeants internationaux, dont Emmanuel Macron, Keir Starmer ou Narendra Modi, pour discuter de coordination réglementaire et de souveraineté numérique.