La scène s’est déroulée sur un green de golf, mais ce n’était pas une partie amicale. En signant un pacte commercial avec Donald Trump, Ursula von der Leyen n’a pas seulement entériné une trêve douanière : elle a acté, en creux, la faiblesse stratégique de l’Union européenne. Ce geste, qui aurait pu passer pour un coup tactique, révèle une vérité dérangeante : face à des puissances qui assument crûment leur volonté de puissance, l’Europe ne sait plus comment se positionner. Elle compose. Elle cède. Et elle s’efface.
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Une incapacité à faire bloc
Les raisons avancées sont connues : éviter une guerre commerciale dont l’économie européenne aurait pâti, et préserver un soutien américain dans le conflit ukrainien. Mais à force de chercher à éviter les coups, l’UE prend l’habitude de se courber. Et cela devient une posture. Le déséquilibre n’est pas nouveau, mais il devient insoutenable. Entre un allié devenu imprévisible, un adversaire russe brutal, et une guerre à Gaza qui soulève un silence assourdissant côté européen, la séquence est lourde de sens.
Ce que montre surtout cette succession d’humiliations feutrées, c’est l’incapacité structurelle de l’Europe à faire bloc. Elle manque de moyens, certes. Mais elle manque surtout de volonté. Les instruments existent, souvent à l’état embryonnaire. Mais sans cohésion politique, sans ambition partagée, sans capacité à dépasser les réflexes nationaux, ils restent inopérants. La fragmentation du marché intérieur en est un symptôme criant : comment parler d’autonomie stratégique quand 300 milliards d’euros d’épargne fuient chaque année vers les États-Unis ?
Face à cela, la seule réponse sensée – et connue depuis longtemps – est une accélération de la construction européenne. Pas pour créer un super-État, mais pour bâtir un socle commun d’autonomie : militaire, industrielle, technologique. Cela passe par des investissements coordonnés, des biens publics européens, une industrie de défense crédible, et une véritable capacité à parler d’une seule voix quand le monde brûle.
Le silence européen sur Gaza
Car au-delà des postures, c’est bien une abdication qui se joue. Abdication de souveraineté, certes, mais surtout abdication morale. Le mutisme européen face à la tragédie gazaouie interroge : que reste-t-il du « soft power » européen, si même les principes se taisent ?
L’histoire de l’Union est née d’une promesse : plus jamais la guerre entre Européens. Il est temps qu’elle devienne aussi un projet de protection face au monde extérieur. Mais pour cela, il faut que les Européens croient à nouveau dans leur propre récit. Et qu’ils cessent de se bercer d’illusions : à force de reculer, on ne protège rien. On s’efface.