Nvidia et le soupçon chinois

Pékin accuse Nvidia de dissimuler des fonctions secrètes dans ses puces IA. Une affaire explosive au cœur des tensions sino-américaines.

Quand la géopolitique s’invite dans les circuits intégrés, le courant ne passe plus. Jeudi, Pékin a convoqué Nvidia. Officiellement, il s’agissait de « graves problèmes de sécurité » liés à ses puces d’intelligence artificielle. Officieusement, c’est un nouvel épisode dans la guerre froide technologique que se livrent la Chine et les États-Unis.

Car l’entreprise californienne n’est pas n’importe laquelle : leader mondial des semi-conducteurs pour l’intelligence artificielle, Nvidia est devenue, en juillet, la première société cotée à franchir les 4000 milliards de dollars de capitalisation boursière. Une stratosphère financière qui reflète moins la robustesse de ses usines que l’exubérance des espoirs placés dans l’IA.

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Mais voilà : ces puces qui font rêver Wall Street donnent des cauchemars aux stratèges de Washington. Depuis fin 2022, les États-Unis verrouillent l’exportation de technologies sensibles vers la Chine. Nvidia a donc sorti de son chapeau une version « bridée » pour le marché chinois : la puce H20. Pas assez rapide pour froisser le Pentagone, mais assez performante pour séduire les géants du numérique chinois.

Las. Les autorités chinoises veulent aujourd’hui en examiner les entrailles. La Cyberspace Administration of China évoque des « portes dérobées » et des fonctions de « désactivation à distance ». En clair, Pékin soupçonne Nvidia d’avoir conservé un levier invisible dans ses propres puces. Trop américain pour être innocent.

Le timing interroge. L’entretien de haut niveau entre Jensen Huang, patron de Nvidia, et des responsables chinois début juillet s’était conclu sur des propos apaisants : Pékin reste « ouvert et stable », avait-on entendu. Une semaine plus tard, la convocation tombe. Sans tambour, mais avec inquiétude.

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On ne s’étonnera pas de la méthode. Depuis que les restrictions américaines se sont durcies, la Chine multiplie les contre-attaques symboliques. Micron en a fait les frais, Apple aussi. Nvidia, avec sa visibilité mondiale, devient un parfait terrain de démonstration. Mais le moment est plus surprenant. Car dans les coulisses, Washington et Pékin tentent depuis quelques mois de remettre du liant dans la relation commerciale.

Faut-il y voir un durcissement chinois ? Peut-être. Ou plutôt une forme de réalisme. Face à un Donald Trump menaçant de revenir au pouvoir et un Congrès américain toujours plus hostile à la Chine, Pékin accélère sa marche vers l’autosuffisance technologique. Et dans cette marche, Nvidia n’est plus un partenaire : c’est un problème à surveiller.



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