Moderna, la gueule de bois post-Covid

De biotech star à entreprise en restructuration, Moderna tente de survivre à l’après-Covid en réduisant ses effectifs et ses ambitions.

Elle a été l’une des étoiles filantes de la pandémie, propulsée au firmament par une innovation de rupture : l’ARN messager. Quatre ans plus tard, Moderna redescend brutalement sur Terre. La biotech américaine a annoncé la suppression d’environ 10 % de ses effectifs mondiaux, avec l’objectif de repasser sous la barre des 5 000 salariés d’ici fin 2025. Un coup de froid dans les laboratoires, symptomatique d’un retour brutal aux fondamentaux de l’économie industrielle.

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Chute brutale de ses revenus post-Covid

À l’origine de cette cure d’austérité : la fonte accélérée des revenus liés à son vaccin contre le Covid-19, qui représentaient hier un eldorado, et aujourd’hui à peine un viatique. En 2021, Moderna affichait un chiffre d’affaires de 18,4 milliards de dollars. En 2024, il n’en reste que 3,2. La pandémie s’estompe, les commandes s’effondrent, la réalité comptable reprend ses droits.

Dans ce contexte, le PDG Stéphane Bancel sort le scalpel. Il veut économiser entre 1,4 et 1,7 milliard de dollars d’ici 2027. Objectif affiché : « adapter la structure de coûts aux conditions actuelles du marché », tout en continuant d’investir dans la recherche. Un exercice d’équilibriste entre rigueur financière et promesse scientifique.

Croissance éclair sur des fondations encore fragiles

Moderna reste un cas d’école : celui d’une entreprise qui, partie de 800 millions de dollars de revenus en 2020, a crevé le plafond en un an grâce à une innovation mûrie en coulisses depuis des années. Mais une croissance éclair ne s’accompagne pas toujours de fondations solides. Entre 2020 et 2023, le nombre d’employés a plus que quadruplé, passant de 1 300 à plus de 5 600. L’appareil productif s’est emballé, sans garantie de demande durable.

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Car l’entreprise, en duel avec Pfizer-BioNTech dans la course au vaccin, s’était mise à rêver plus grand, plus vite. L’oncologie, la grippe, le cytomégalovirus : des projets ambitieux, mais tous encore en phase de développement. Or, la science avance à son rythme. Le marché, lui, n’attend pas.

Le cas Moderna illustre donc à la perfection un dilemme bien connu : comment transformer un succès technologique fulgurant en un modèle économique pérenne ? Entre la flambée exceptionnelle des revenus liés au Covid et le retour au quotidien d’une biotech en quête de nouveaux débouchés, l’écart est immense. Et il se mesure désormais en postes supprimés.

Moderna n’est pas la première à subir cette normalisation brutale post-pandémie. Mais elle en est sans doute le symbole le plus spectaculaire. La biotech qui voulait changer le monde doit aujourd’hui, comme tant d’autres, changer d’échelle.



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