Intersport déclare la guerre à Décathlon

Intersport enregistre une forte croissance en 2024, misant sur des prix bas, un ancrage local et une communication musclée face à un Decathlon moins agile.

Le marché du sport français cale. Après une décennie de croissance dopée par la quête de bien-être et les injonctions à « bouger plus », la dynamique s’essouffle. En 2024, la hausse se limite à un modeste 1,7 %, son plus bas niveau depuis dix ans. La grande machine du sport marchand patine. Et dans cette décélération, un acteur surprend : Intersport, éternel numéro deux, passe la surmultipliée pendant que le géant Decathlon fait du surplace.

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Le groupe coopératif enregistre 3,88 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en progression de 6,3 %. Son concurrent direct reste devant – 4,7 milliards – mais c’est une avance statique. Le rapport de force commence à pencher, lentement mais sûrement. Et Intersport n’a pas l’intention d’attendre sagement que le vent tourne.

À partir du 17 août, la marque lancera sa nouvelle signature : « Engagés sport », qui sonne autant comme un slogan marketing que comme une déclaration politique. Car c’est bien de politique commerciale qu’il s’agit. Dans un monde où le sport est devenu une industrie, Intersport mise sur trois chevaux de bataille : les prix, la proximité, et la durabilité. Une stratégie offensive, quasi militante, dans un secteur qui adore parler de performance mais redoute la concurrence directe.

Intersport mise sur les prix bas

Premier levier : casser les prix, avec méthode. Plus de 1.000 articles à moins de 10 euros seront disponibles partout en France dès fin juillet. Une offre low cost – ou disons à bas prix – adossée aux marques propres du groupe, comme McKINLEY, Nakamura ou Pro Touch, qui ont vu leurs ventes bondir de 70 % en cinq ans. La part de ces marques ne représente encore qu’un cinquième de l’offre d’Intersport, contre quatre cinquièmes chez Decathlon. Le retard est donc devenu un réservoir de croissance.

Pour accélérer, Intersport ressort aussi un vieil outil : la promotion permanente. Le genre de politique que les économistes regardent de travers, mais que les clients adorent. « 365 jours de prix bas », promet la direction. Un pari sur le volume, au risque assumé de rogner les marges. On redécouvre ici les vertus – ou les limites – d’un modèle coopératif : moins dépendant des actionnaires, mais pas moins exposé aux contraintes industrielles.

Une stratégie d’ancrage local

Deuxième front : la proximité. Là encore, Intersport joue contre le modèle dominant. Avec près de 1.000 magasins, soit trois fois plus que Decathlon, l’enseigne fait le pari du maillage territorial, y compris en milieu rural. Une stratégie d’occupation du territoire qui n’a rien de neuf, mais qui prend une nouvelle couleur dans un pays fracturé entre métropoles saturées et campagnes désertées.

Alors que Decathlon poursuit sa trajectoire de multinationale du sport, Intersport se rêve en acteur de terrain, presque en service public marchand. Gérard Leclerc, son président, assure qu’un magasin se trouve à moins de 30 minutes de chaque Français. C’est le retour du commerce de proximité, mâtiné d’une dose de patriotisme économique. L’enseigne ne vend pas juste des baskets, elle vend de la présence. Une forme de réponse implicite à l’ubérisation et aux entrepôts anonymes.

Troisième axe : la durabilité. Là encore, Intersport se garde d’imiter les envolées lyriques de certains concurrents. Pas de révolution verte proclamée, mais des choix industriels ciblés, comme l’assemblage de 300.000 vélos en France. Ou la collecte d’articles usagés dans plus de 500 magasins. L’écologie sans drapeau, sans discours universel. Juste une série d’initiatives locales, raccord avec son image de marque discrète mais implantée.

Le paradoxe n’échappe à personne : plus on promet la sobriété, plus il faut produire pour convaincre. Intersport, comme les autres, vend l’idée de consommer moins… en vendant plus.

Une communication offensive

L’offensive ne serait pas complète sans un retour en force sur le terrain de la communication. Spot télé, déclinaisons digitales, présence en magasin : le groupe sort de sa réserve, visiblement décidé à combler son déficit d’image. Le slogan ? « Il y a 1.000 façons d’aider à faire du sport. Nous, c’est avec nos prix. » Loin du storytelling inspirant, on revient au factuel et au concret.



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