STMicroelectronics : un pari à 950 millions

STMicroelectronics investit 950 M$ pour racheter l’activité MEMS de NXP, malgré une conjoncture difficile dans l’automobile et les semi-conducteurs.

Par une mer houleuse, STMicroelectronics choisit d’avancer à contre-courant. Le fabricant franco-italien de semi-conducteurs, malmené par la mauvaise passe de l’automobile et de l’industrie, où il réalise l’essentiel de ses revenus, ne lève pas le pied. Et il fait le choix de payer 950 millions de dollars pour s’offrir l’activité capteurs MEMS de son concurrent néerlandais NXP. Un pari lourd pour renforcer sa position dans un segment stratégique. C’est aussi un signal lancé à ses usines européennes, et notamment à celle d’Agrate en Italie : le cœur de la tempête est peut-être passé.

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Une technologie de fond

Les MEMS – microsystèmes électromécaniques – sont des capteurs minuscules qui traduisent le réel en données. Ils mesurent des accélérations, des pressions, des vibrations. En clair, ils permettent aux objets – et notamment aux voitures – de sentir leur environnement. NXP est l’un des leaders du secteur, notamment pour les applications automobiles. Mais il n’en fabrique pas lui-même : il sous-traite. STMicroelectronics, qui produit déjà pour son concurrent, va donc récupérer une activité qu’il connaît déjà très bien. Et qui a généré 300 millions de dollars de chiffre d’affaires pour NXP en 2024. Ce n’est pas gigantesque, mais c’est stratégique.

La manœuvre s’inscrit dans un moment délicat. ST est en pleine restructuration, avec un plan de réduction de 2800 postes dans le monde, dont 1000 en France. La division automobile, jadis poumon du groupe, suffoque dans l’attente du rebond. Les semi-conducteurs sont là, les voitures un peu moins. Résultat : une perte nette au premier semestre 2025, une cure d’austérité à marche forcée. Et, en contrepoint, une acquisition opportuniste. Pour STMicroelectronics, mieux vaut investir dans le moteur maintenant que courir après la voiture demain

Un pari autant industriel que politique

STMicroelectronics compte bien capitaliser sur l’effet d’échelle. Le groupe fabrique ses capteurs MEMS sur des tranches de silicium de 200 et 300 mm dans ses usines européennes : Rousset, Crolles, et Agrate. L’usine italienne va être réorientée : la ligne 200 mm sera dédiée aux MEMS, avec en ligne de mire la montée en puissance d’une demande plus intelligente que massive. Une façon, aussi, de faire des capteurs un levier d’optimisation industrielle, à défaut d’être pour l’instant une vache à lait.

ST a livré plus de 30 milliards de capteurs MEMS depuis le début des années 2000. Le rythme s’accélère, mais les marges restent contraintes. L’enjeu, avec cette acquisition, n’est donc pas seulement de produire plus, mais de produire mieux, pour des usages critiques et à haute valeur ajoutée. Comme souvent dans les semi-conducteurs, le pari est autant industriel que politique : maintenir une souveraineté technologique en Europe, alors que les États-Unis et la Chine verrouillent leurs chaînes d’approvisionnement



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