Quand les vents se lèvent, les grands capitaines ajustent les voiles. Bernard Arnault, lui, regarde vers l’ouest. Dans une interview au Figaro le 24 juillet, le PDG de LVMH a annoncé vouloir ouvrir un nouvel atelier Louis Vuitton au Texas, pour « répondre à la demande » américaine. Une promesse industrielle qui tombe au moment où les tensions commerciales reprennent de la vigueur.
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Le pari américain n’est pas nouveau pour le numéro un mondial du luxe. Les États-Unis pèsent pour un quart de ses ventes. Et malgré une croissance moins flamboyante, ils restent une base de clients fidèles — à condition, toutefois, d’éviter l’écueil douanier. Car le retour d’un Donald Trump combatif, bien décidé à faire du commerce une arme politique, réinstalle la menace d’un bras de fer tarifaire.
En réponse, LVMH muscle sa présence sur le sol américain. Après l’ouverture du site de Rochambeau, près de Dallas, voilà donc un nouveau projet, toujours texan. Une annonce industrielle, bien sûr. Mais aussi, peut-être, un message discret à Bruxelles, qui peine à faire entendre sa voix dans le grand jeu des négociations transatlantiques.
Anticiper les tensions douanières
Bernard Arnault ne s’en cache pas : « Il est indispensable de trouver un accord à l’amiable avec les États-Unis. Même s’il semble déséquilibré, ce sera préférable à une guerre ouverte ». Pour le patron de LVMH, la diplomatie économique devient une priorité. Produire localement, c’est envoyer un signal fort à Washington, tout en exerçant une pression implicite sur Bruxelles.
Le groupe ne cherche donc pas seulement à optimiser ses circuits logistiques ou à se rapprocher de ses clients. Il s’agit aussi de neutraliser le risque douanier, à l’heure où les tensions entre les deux rives de l’Atlantique pourraient reprendre de plus belle.
Des obstacles dans la montée en puissance texane
Mais cette stratégie n’est pas sans failles. Le premier atelier texan, inauguré en 2019 en grande pompe avec Ivanka Trump et Robert Lighthizer, a depuis vu son image ternie. Une enquête de Reuters publiée en avril pointait la faible productivité du site, plombée par le manque de main-d’œuvre qualifiée.
Même le patron l’admet : « La montée en puissance est lente. Nous formons la main-d’œuvre locale avec l’aide d’artisans français, et cela prend du temps ». Ce frein opérationnel souligne les limites d’une relocalisation rapide dans un secteur où l’excellence artisanale ne s’improvise pas.
Dans l’immédiat, les résultats financiers de LVMH reflètent un ralentissement global. Sur le premier semestre 2025, les ventes américaines baissent de 1 % – un repli modeste mais symptomatique. Les ventes totales reculent de 4 %, sur fond de normalisation du tourisme au Japon et de consommation chinoise encore frileuse. Résultat : un bénéfice en chute de 22 %.