Rentrée sociale : vers un scénario catastrophe

L’État prépare 43,8 milliards d’économies en cinq ans. Fonctionnaires, patients, collectivités : tout le pays est touché. La contestation s’annonce vive et brutale dès la rentrée.

La rentrée sociale s’annonce rude. Et pas seulement dans les écoles. Pour septembre 2025, tout indique qu’un affrontement d’ampleur inédite se prépare. À la rigueur budgétaire la plus sévère depuis des décennies répond une mobilisation syndicale unitaire, renforcée par une contestation citoyenne en pleine ébullition. Sur fond de paralysie politique, la Ve République entre dans une zone de fortes turbulences.

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François Bayrou a fixé le cap le 15 juillet : 43,8 milliards d’euros d’économies en cinq ans. L’objectif ? Ramener le déficit public de 5,8 % à 2,8 % du PIB d’ici 2029. Un chiffre supérieur de 4 milliards aux prévisions initiales, ajusté après un arbitrage en faveur de la Défense. Le discours est clair : la dette explose, chaque seconde creuse un trou de 5 000 euros. L’heure est grave, dit-on.

La mesure phare du plan tient en une formule brutale : « année blanche ». En 2026, les dépenses publiques seront gelées au niveau de 2025. Ni prestations sociales, ni pensions, ni salaires de fonctionnaires ne seront revalorisés. Une première. Et ce n’est qu’un début : le gel du barème de l’impôt sur le revenu entraînera une hausse discrète mais réelle des prélèvements pour des centaines de milliers de foyers.

Deux jours fériés disparaîtront en 2026, dont le très symbolique 8 mai. Le prétexte : la productivité. Le résultat : une levée de boucliers. L’opposition dénonce une atteinte à la mémoire collective et un coup porté à un équilibre déjà fragile entre travail et temps de repos.

Fonction publique : une purge annoncée

Les réductions de postes ne sont pas une surprise, mais leur ampleur, si. 3 000 suppressions dès 2026, puis un fonctionnaire sur trois non remplacé à la retraite dès 2027. Le précédent Sarkozy fait figure de préface. Avec 70 000 départs par an dans la seule fonction publique d’État, l’hémorragie sera massive.

Le point d’indice restera gelé, pour la troisième année consécutive. Résultat : une perte de pouvoir d’achat pour les agents, notamment les plus précaires, désormais proches du SMIC. Et ce n’est pas fini : 1 000 à 1 500 postes pourraient disparaître dans des agences jugées « improductives ».

La santé, elle aussi, est frappée. Cinq milliards d’euros d’économies sont programmés. Les franchises médicales vont doubler, atteignant 100 euros par an. Les patients chroniques seront en première ligne. Les affections de longue durée, elles, seront désormais triées sur le volet. Avec, à la clé, une perte de couverture pour certains et un discours de fermeté contre les « abus » d’arrêts maladie.

Les collectivités locales ne sont pas épargnées. Cinq milliards d’euros en moins, et peu de marges pour réagir. La baisse des dotations, la reconduction du dispositif DILICO, la réduction des aides à l’investissement : autant de coups de rabot qui pèsent sur les services de proximité. Le secteur de la petite enfance, déjà en tension, pourrait en faire les frais. La dynamique de création de places en crèche s’essouffle, et la politique nataliste est en sursis.

Une contestation sociale en ordre de marche

Face à ce programme de rigueur, la riposte s’organise. Le 22 juillet, l’intersyndicale a publié une pétition dénonçant un budget « brutal, injuste et inefficace ». Une mobilisation est prévue le 7 septembre, à l’appel de la CGT, précédée d’une réunion intersyndicale le 1er. Des préavis de grève sont déjà déposés.

Mais l’agitation dépasse les canaux habituels. Un collectif citoyen, Mobilisation10septembre, appelle à un « boycott général du pays » dès le mercredi 10. Grève totale, désobéissance civile, black-out économique : le ton est radical. L’inspiration, celle des Gilets Jaunes. L’encadrement, quasi inexistant. Le gouvernement s’inquiète de cette convergence entre colère structurée et agitation diffuse, plus difficile à contrôler.

La situation politique n’arrange rien. Le Premier ministre n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée. Le budget 2026 pourrait bien ne pas passer. L’opposition – de gauche comme de droite – a annoncé son refus. Une motion de censure n’est plus une hypothèse théorique. Le spectre de l’article 49.3 revient. Le précédent Barnier, censuré en décembre 2024, reste dans toutes les mémoires.

Un nouvel échec ferait vaciller ce qu’il reste de légitimité à l’exécutif, et fragiliserait encore les institutions de la Ve République. L’incertitude parlementaire ajoute au climat de tension.

La France fracturée

La toile de fond est connue. La pauvreté touche 9,8 millions de personnes, soit plus de 14 % de la population. Le chômage repart à la hausse : 143 000 destructions d’emplois prévues pour 2025. L’inflation, même contenue, continue de rogner le pouvoir d’achat, en particulier celui des classes moyennes et populaires.

L’austérité ne frappe pas tout le monde de la même manière. Le gel des prestations et du barème fiscal entraîne une baisse de 0,57 % du revenu pour les 50 % les plus pauvres, contre 0,33 % pour les 10 % les plus riches. L’égalité devant l’effort reste un horizon lointain. La fameuse « contribution de solidarité » des hauts revenus ? Encore floue, et surtout symbolique.

La baisse de l’investissement public pèse déjà sur le BTP, les emplois associatifs, les services de proximité. La mécanique de l’austérité produit ses effets. Et alimente une spirale que certains redoutent déflationniste.

Vers un changement de modèle ?

Le cap de François Bayrou est assumé : réduction du périmètre de l’État, responsabilisation accrue des citoyens, recul des solidarités. Non-remplacement des fonctionnaires, franchises médicales, désindexation des pensions : les signaux sont clairs. Mais leur acceptation reste très incertaine et les appels à la désobéissance civile, les références à une « révolution de septembre », les échos des Gilets Jaunes rappellent que la crise est aussi démocratique.



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