Ils avancent à pas réguliers, de nuit comme de jour, leur silhouette quadrupède se découpant dans la lumière des projecteurs. Dotés d’yeux thermiques, d’un cerveau algorithmique et d’une capacité d’attention qui ne faiblit jamais, ces robots-chiens patrouillent désormais dans les tunnels d’un circuit automobile, sur les périmètres de conventions politiques ou aux abords d’infrastructures critiques.
Équipés pour détecter des gaz toxiques, transmettre des alertes en temps réel ou suivre une cible à distance, les DroneDogs développés par Asylon Robotics incarnent une nouvelle génération d’agents de sécurité — infatigables, autonomes, connectés.
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Asylon Robotics accélère
Née en 2015, la start-up américaine a franchi un cap décisif avec l’annonce, le 22 juillet, d’une levée de fonds en série B de 24 millions de dollars. Ce financement, mené par Insight Partners avec la participation de Veteran Ventures Capital, Allegion et GoPA, porte le total des fonds levés à plus de 45 millions de dollars. Il doit permettre à Asylon d’accélérer le déploiement de ses systèmes et de consolider sa position dans un marché en pleine reconfiguration, où la robotique autonome commence à se substituer aux agents humains dans les tâches de surveillance physique.
Le cœur de l’offre repose sur un modèle hybride : le Robot-as-a-Service. Pour un abonnement annuel compris entre 100 000 et 150 000 dollars, les clients — opérateurs industriels, institutions financières, organisateurs d’événements — bénéficient d’une couverture de sécurité permanente assurée par des robots mobiles, supervisés à distance et interfacés aux systèmes de vidéosurveillance et d’alarme existants. Selon l’entreprise, chaque DroneDog permettrait jusqu’à 90 000 dollars d’économies annuelles par rapport à une ronde humaine équivalente.
Surveillance autonome
À la base du DroneDog se trouve Spot, le robot quadrupède conçu par Boston Dynamics, largement modifié par Asylon pour en faire un outil de surveillance opérationnel. L’ajout du module propriétaire PupPack transforme l’unité de base en une plateforme de détection mobile : caméra haute définition avec zoom optique 20×, capteurs thermiques infrarouges, connectivité cellulaire, projecteurs LED et processeur Nvidia AI/ML pour le traitement de données en temps réel. Ce système peut fonctionner en mode téléopéré ou entièrement autonome, avec une autonomie de 90 minutes et une recharge automatique dans une station extérieure baptisée DogHouse.
Depuis 2024, une nouvelle version, le DroneDog-2, étend considérablement les capacités du système. Elle intègre un GPS RTK pour une navigation sub-métrique, un châssis renforcé par une cage de protection (Roll Cage), des rails d’attache rapide pour l’ajout de capteurs spécifiques, et un suivi automatisé longue distance grâce à un zoom optique perfectionné. Le processeur embarqué, de dernière génération, exécute localement des modèles d’apprentissage automatique, rendant possible la reconnaissance de comportements suspects ou de substances dangereuses sans liaison vers le cloud.
DroneDogs
Ces robots ont déjà fait leurs preuves sur le terrain. Lors des 500 Miles d’Indianapolis en mai 2025, les DroneDogs ont été mobilisés pour la surveillance de 300 000 spectateurs. Déployés dans les tunnels souterrains du circuit, hors de portée des signaux GPS, ils ont assuré la détection continue de gaz via les capteurs InterceptIR de 908 Devices, avec une transmission de données sécurisée vers les centres de commandement. Une liaison satellite Starlink servait de redondance pour maintenir la connectivité dans cet environnement dégradé. En 2024, ils avaient déjà été utilisés lors des conventions politiques nationales, républicaine et démocrate, dans des configurations de surveillance chimique, biologique et radiologique.
Asylon revendique aujourd’hui plus de 250 000 missions automatisées réalisées depuis sa création, pour plus de 150 000 miles parcourus. La cadence s’est fortement accélérée : alors que les 10 000 premières missions avaient nécessité près d’un an, les 10 000 dernières ont été accomplies en seulement 37 jours. En moyenne, 300 à 350 missions sont désormais menées chaque jour à travers les sites clients. Dans certains cas, les robots ont franchi seuls la barre des 10 000 miles sur le terrain. Dotés d’une capacité de charge utile d’environ 14 kg, ils peuvent embarquer différents capteurs, équipements spécialisés ou extensions logicielles.
Les robots opèrent sous la supervision du Robotic Security Operations Center (RSOC), qui orchestre les patrouilles via le logiciel DroneCore/Guardian et assure les mises à jour à distance. L’écosystème mis en place permet une intégration fluide aux systèmes de sécurité existants, qu’il s’agisse de vidéosurveillance, de barrières d’alarme ou de contrôles d’accès. Aujourd’hui présents dans 15 États américains, les DroneDogs sont utilisés par des groupes comme GXO dans la logistique ou Citizens Financial Group dans le secteur bancaire.
Une technologie évolutive portée par l’intelligence artificielle embarquée
L’un des développements les plus stratégiques concerne la détection chimique. En collaboration avec 908 Devices, Asylon a intégré à ses plateformes un capteur capable d’identifier plus de 5 600 composés gazeux, avec un temps de réponse de quatre secondes. Le système peut reconnaître simultanément jusqu’à six composants et détecter des concentrations à l’échelle de la partie par million. Cette capacité à cartographier l’air en temps réel, depuis des emplacements distants, constitue un avantage considérable dans les environnements à haut risque.
La trajectoire d’Asylon n’a pas été sans obstacles. En 2021, un incident survenu à la veille d’une démonstration critique chez Ford avait failli compromettre l’avenir de l’entreprise. L’épisode s’était soldé par une démonstration réussie in extremis, qui lui permit de décrocher ses trois premiers clients classés Fortune 500 et un contrat inaugural avec le ministère américain de la Défense. Depuis, l’entreprise n’a cessé de renforcer ses capacités techniques, sa fiabilité opérationnelle et sa présence commerciale.