Stellantis : l’effondrement que personne n’avait anticipé

Le constructeur automobile Stellantis a annoncé une perte nette de 2,3 milliards d’euros au premier semestre 2025. Ce résultat marque un tournant brutal pour un groupe qui, encore un an plus tôt, affichait un bénéfice net de 5,6 milliards. Déjà en repli de 48 % par rapport à l’année record de 2023, cette performance désormais négative plonge le géant de l’automobile dans une zone d’incertitude aiguë. À l’approche de la publication officielle des résultats le 29 juillet, la question se pose avec insistance : Stellantis peut-il surmonter cette crise ou amorce-t-il une lente érosion de son modèle ?

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Un semestre noir pour le géant automobile

La dégradation des comptes est marquée. La perte nette de 2,3 milliards d’euros contraste fortement avec les bénéfices solides des années précédentes. Le chiffre d’affaires du groupe a reculé de 12,5 % pour s’établir à 74,3 milliards d’euros au premier semestre 2025.

Le résultat opérationnel est particulièrement décevant : estimé à seulement 500 millions d’euros, il est bien en deçà des 2,2 milliards attendus par les analystes. Ce décalage souligne une sous-performance majeure dans la gestion des coûts et de la production. En parallèle, le free cash-flow industriel ressort à –3 milliards d’euros, révélant une consommation excessive de liquidités sur la période.

À titre de comparaison, Stellantis avait généré un bénéfice net de 5,6 milliards d’euros sur la même période en 2024. Ce dernier était déjà en forte baisse par rapport au pic atteint en 2023. L’évolution sur trois exercices successifs témoigne d’une détérioration rapide et profonde.

Les causes d’un effondrement multi-facteur

Tarifs douaniers et incertitudes géopolitiques

Parmi les éléments déclencheurs, le groupe cite en priorité les nouveaux droits de douane imposés par les États-Unis. Ces mesures ont entraîné des arrêts temporaires de production en Amérique du Nord, générant un coût direct estimé à 300 millions d’euros. L’incertitude engendrée par ces barrières commerciales avait déjà conduit Stellantis à suspendre ses prévisions financières dès le 30 avril. L’environnement réglementaire nord-américain, historiquement crucial pour les résultats du groupe, est devenu un facteur d’instabilité.

Transition industrielle en cours

La situation est également marquée par une phase de transition de la gamme de produits en Europe élargie. Plusieurs modèles stratégiques, comme les nouvelles C3, C3 Aircross ou la Grande Panda, sont en montée en cadence ou en attente de lancement. Cette période de latence commerciale pèse sur les volumes et la rentabilité. Les véhicules concernés ne contribuent pas encore pleinement aux performances du groupe, tandis que les ajustements industriels qu’ils requièrent mobilisent des ressources importantes.

Charges exceptionnelles et stratégie de « kitchen sinking »

Environ 3,3 milliards d’euros de charges nettes avant impôts ont été passés au compte de résultat. Celles-ci sont principalement liées à l’annulation de programmes, à la dépréciation de plateformes techniques et à des restructurations internes. Ces charges n’ont pas été détaillées dans le communiqué du groupe, mais elles correspondent à une logique de “kitchen sinking” : présenter l’ensemble des mauvaises nouvelles en une seule fois pour ouvrir un nouveau cycle. Selon Philippe Houchois, analyste chez Jefferies, Stellantis serait resté bénéficiaire sans ces provisions.

Recul sur les marchés clés

Les difficultés commerciales aggravent le tableau. Le volume de véhicules livrés a reculé de 6 % au deuxième trimestre, à 1,45 million d’unités. Aux États-Unis, marché le plus rentable pour le groupe, les ventes ont plongé de 25 %. En Europe, les immatriculations sont également en baisse de 6 %. Cette contraction simultanée sur les deux piliers géographiques du groupe fragilise davantage sa situation financière.

Peut-il y avoir un rebond au second semestre ?

Malgré un premier semestre extrêmement défavorable, Stellantis affirme avoir mis en place des leviers pour redresser la situation dans la seconde moitié de l’année. La montée en puissance des nouveaux modèles est présentée comme un facteur déterminant pour relancer les ventes, notamment sur le marché européen. Le groupe s’attend à ce que les mesures d’amélioration de la performance commencent à porter leurs fruits à partir de l’automne.

Par ailleurs, certaines régions affichent une dynamique plus encourageante. La zone Afrique–Moyen-Orient a enregistré une croissance annuelle de 30 %, et l’Amérique du Sud progresse de 20 %, des chiffres qui confortent la position de leader du groupe sur ces marchés. Aux États-Unis, où la situation reste globalement négative, les marques Jeep et Ram ont connu un rebond de 13 % sur un an, offrant un signal positif dans un contexte tendu.

Enfin, un changement de direction a été validé par les actionnaires : Antonio Filosa, jusqu’ici cadre dirigeant au sein du groupe, a été nommé à la tête de Stellantis lors d’une assemblée générale extraordinaire. Sa prise de fonctions intervient dans un contexte de profonde incertitude, mais aussi d’attentes fortes quant à la capacité du groupe à se réinventer.

Stellantis se trouve à un moment critique. L’accumulation des difficultés – choc exogène lié aux droits de douane, transition industrielle non finalisée, charges exceptionnelles, et contraction sur ses marchés principaux – met en lumière les fragilités d’un modèle jusqu’ici solide. Le second semestre sera décisif pour évaluer la pertinence des mesures engagées et la capacité du groupe à retrouver une trajectoire de croissance.



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