L’été qui tue

Été caniculaire, inaction politique, populations vulnérables en danger : l'urgence climatique ne prend pas de vacances.

C’est l’été. Saison de l’évasion, des transhumances balnéaires et des siestes méditerranéennes. Une parenthèse, dit-on, dans le fracas du monde. Et pourtant. Derrière les cartes postales de sable chaud, les photos de cocktails et les discours de vacances, la saison brûle — au propre comme au figuré. Elle est le révélateur d’un malaise profond, d’une inégalité climatique qui ne dit pas son nom, et d’un aveuglement politique organisé. Car l’été est devenu un piège. Il dit beaucoup de nous, de ce que nous acceptons de taire, de remettre à plus tard, pendant que la terre, elle, ne prend plus de pause.

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L’été 2025, comme les précédents, est caniculaire. Les records de températures tombent les uns après les autres, sans provoquer plus d’émotion que le bulletin météo du soir. À Marseille, à Paris, à Lyon, les villes suffoquent. Les vieux meurent, les ouvriers se terrent, les sans-abri se liquéfient dans l’indifférence. Le soleil n’est pas le même pour tous. Il frappe plus fort ceux qui n’ont pas les moyens d’y échapper. Pendant que certains s’envolent vers les îles grecques ou les piscines de villas climatisées, d’autres se battent pour trouver un coin d’ombre sur un banc public.

Donner à voir les responsabilités

Mais le plus inquiétant n’est pas seulement ce dérèglement thermique. C’est notre capacité à normaliser l’inhabitable. À faire comme si tout cela était naturel. Or, il n’y a rien de naturel à l’emballement du climat. Rien de spontané dans l’assèchement des nappes phréatiques, les incendies géants ou les restrictions d’eau qui frappent les campagnes. Tout est le fruit d’un modèle, d’un système économique qui préfère la croissance à la survie, la consommation à la précaution, le court terme au bien commun.

Et pendant que la planète crie, que fait le pouvoir ? Il communique. Il annonce, il promet, il procrastine. Mais il ne transforme rien. L’été est pour lui un théâtre : quelques caméras sur des plages nettoyées à la hâte, des sourires dans des champs sinistrés, un plan canicule réchauffé. Toujours trop peu, toujours trop tard. Car affronter la réalité exigerait du courage : s’attaquer aux lobbies de l’agro-industrie, réguler le tourisme de masse, revoir le modèle urbain, protéger les forêts, sortir du tout-béton. Mais cela, aucun gouvernement ne veut vraiment s’y atteler. Parce que cela dérangerait. Cela coûterait. Et cela forcerait à penser autrement.

C’est là que le journalisme a un rôle crucial à jouer. Non pas pour commenter la température, mais pour relier les faits, donner à voir les responsabilités, dévoiler les intérêts cachés, donner la parole à ceux qu’on n’entend jamais. L’été, loin d’être une pause, est un moment stratégique pour réveiller les consciences. Pour dire que la bataille du climat, ce n’est pas pour demain. Elle est déjà perdue pour beaucoup. Et elle ne sera gagnée que si nous refusons de l’oublier dans le confort de nos congés.

Rester vigilant en été, c’est un acte politique. C’est refuser le confort de l’amnésie saisonnière. C’est, à l’image d’un feu qui couve sous la cendre, maintenir allumée la flamme de la lucidité.



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