C’est un exploit rare, même dans l’univers de l’hypercroissance. Huit mois à peine après son lancement, la startup suédoise Lovable a bouclé une levée de fonds de 200 millions de dollars menée par Accel, portant sa valorisation à 1,8 milliard de dollars. Une croissance supersonique qui fait d’elle la neuvième licorne européenne de l’année 2025 et, surtout, la plus rapide à émerger.
Derrière cette trajectoire spectaculaire, un produit singulier et une promesse radicale : permettre à quiconque, sans compétence technique, de créer des applications complexes en langage naturel grâce à l’intelligence artificielle.
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Décollage éclair
Fondée en 2023 par les entrepreneurs suédois Anton Osika (ex-Klarna) et Fabian Hedin, Lovable a démarré avec une levée de pré-amorçage de 6,8 millions d’euros en octobre 2024. Quatre mois plus tard, en février 2025, elle obtenait 15 millions de dollars supplémentaires pour accompagner les premiers signes d’un engouement massif. Puis, à peine cinq mois plus tard, la startup signait l’une des plus importantes séries A de l’histoire européenne, propulsant son statut de promesse à celui d’acteur majeur.
Cette progression éclair a été rendue possible par des indicateurs de performance hors norme, et un marché visiblement en attente d’une telle solution. « Nous avons investi dans Lovable car nous avons rarement vu une adoption aussi rapide et une exécution aussi précise », explique un partenaire d’Accel. À l’image des plus grandes réussites de la Silicon Valley, Lovable semble suivre une trajectoire exponentielle, mais depuis le nord de l’Europe.
Une efficacité opérationnelle hors normes
Derrière la valorisation, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 2,3 millions d’utilisateurs actifs, 180 000 clients payants, 75 millions de dollars de revenus annuels récurrents (ARR) générés en sept mois seulement. Ce qui impressionne autant que le rythme, c’est l’efficacité : 45 employés à temps plein, soit 1,67 million de dollars d’ARR par salarié, un niveau de productivité que peu d’acteurs du logiciel atteignent.
Chaque jour, ce sont 25 000 nouvelles applications qui voient le jour sur la plateforme Lovable. Et le taux de rétention à 30 jours atteint 85 %, un niveau supérieur à celui de ChatGPT, selon les données internes de l’entreprise. En juillet 2025, la plateforme ajoutait 2 millions de dollars de revenus récurrents par semaine. Autrement dit, Lovable ne croît pas seulement vite : elle croît avec régularité, efficacité, et rentabilité.
Au cœur de cette réussite, une technologie d’un nouveau genre, baptisée “vibe coding”. Le principe : l’utilisateur décrit, en langage naturel, ce qu’il souhaite voir développé. L’intelligence artificielle de Lovable se charge alors de concevoir, générer et assembler les composants d’une application complète, sans qu’aucune ligne de code ne soit écrite manuellement.
Cette approche, popularisée par le chercheur Andrej Karpathy, contraste fortement avec les solutions destinées aux développeurs professionnels comme Cursor ou Replit. Lovable vise les “99 % qui ne savent pas coder” : créateurs de contenu, entrepreneurs, designers, marketeurs, enseignants… En somme, tous ceux qui avaient jusqu’à présent besoin d’un développeur pour transformer une idée numérique en produit fonctionnel.
Lovable se rêve en Canva du logiciel. Comme la plateforme australienne a élargi le marché du design en le rendant accessible à des millions d’utilisateurs non professionnels, Lovable entend démocratiser le développement logiciel à l’échelle planétaire.
Stockholm, nouvelle place forte de l’IA européenne
Le succès de Lovable ne doit rien au hasard : il s’inscrit dans une dynamique plus large. Stockholm est aujourd’hui l’un des trois grands pôles technologiques européens, aux côtés de Paris et Londres. En 2024, les startups de la capitale suédoise ont levé 2,2 milliards d’euros, et le pays compte désormais 46 licornes pour 10,5 millions d’habitants, un ratio qui ne trouve son égal qu’en Californie.
La scène IA nordique est en pleine effervescence. Des acteurs comme Sana Labs (formation assistée par IA), Legora (legaltech IA) ou Tandem Health (notes médicales automatisées) renforcent un écosystème porté par une politique publique favorable à l’innovation, une excellence en ingénierie et une culture produit raffinée.
Lovable prévoit d’ailleurs d’ouvrir un bureau à Londres pour renforcer son équipe technique, tout en conservant son ancrage principal à Stockholm — un double positionnement stratégique entre centre de gravité nordique et rayonnement international.
Des défis à la hauteur de l’ambition
Une telle croissance ne va pas sans tensions. En mars 2025, des chercheurs en cybersécurité ont découvert une faille critique (CVE-2025-48757) affectant certaines applications créées sur la plateforme Lovable. En cause : des configurations de sécurité insuffisantes au niveau des bases de données Supabase, utilisées par défaut.
L’audit a révélé que 10 % des projets examinés présentaient des vulnérabilités exposant des données personnelles ou des clés API. L’entreprise a réagi rapidement en lançant un outil intégré de “Security Scan”, qui vérifie automatiquement la sécurité d’une application avant sa publication. « Il faut que ce soit plus simple de faire bien que de faire mal », résume Anton Osika.
Ce genre d’incident souligne les risques structurels d’une démocratisation du développement logiciel, où des utilisateurs sans formation technique peuvent, sans le savoir, générer des applications vulnérables. Mais il met aussi en lumière la capacité de Lovable à corriger sa trajectoire rapidement.
Une vision mondiale : devenir le logiciel universel
Avec cette levée de fonds de 200 millions de dollars, Lovable ne cache pas ses ambitions. L’entreprise entend devenir “le dernier logiciel dont vous aurez besoin pour créer des logiciels”. Pour cela, elle investit massivement dans trois axes stratégiques : l’expansion de son équipe technique, l’amélioration continue de sa plateforme, et le développement de fonctionnalités avancées à destination des grandes entreprises.
Déjà utilisée par des clients comme Klarna, HubSpot ou Photoroom, la solution séduit des entreprises exigeantes qui explorent des usages internes innovants grâce à la plateforme. L’introduction en juin 2025 du mode Agent, qui permet à l’IA de modifier le code, effectuer des recherches web ou corriger des erreurs en autonomie, marque une nouvelle étape vers une co-création homme-machine plus fluide.
