Profession charnière du système de santé français, les aides-soignants assurent au quotidien une part essentielle de la prise en charge des patients. Ils sont près de 287 000 en exercice, répartis entre hôpitaux, cliniques, EHPAD et établissements médico-sociaux. Leur rémunération, bien que revalorisée ces dernières années, reste au cœur des débats sur l’attractivité des métiers du soin. Décryptage complet d’un système de rémunération complexe, inégal et profondément lié aux tensions structurelles du secteur.
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Aide-soignant(e) dans la fonction publique hospitalière
Dans la fonction publique hospitalière, les salaires des aides-soignants obéissent à une grille indiciaire nationale composée de 11 échelons pour la classe normale. Le point d’indice, fixé à 4,92278 euros depuis janvier 2024, détermine le montant brut mensuel en fonction du positionnement sur cette échelle. Un aide-soignant débutant perçoit ainsi 1 836,20 euros bruts par mois. Cette rémunération évolue de manière régulière, atteignant 2 545,08 euros bruts en fin de carrière pour les agents de classe normale.
Les aides-soignants promus à la classe supérieure bénéficient d’une grille parallèle, avec des salaires compris entre 1 905,12 euros et 2 756,76 euros bruts mensuels. Cette progression est conditionnée par l’ancienneté, l’évaluation professionnelle et les possibilités d’avancement offertes par l’établissement employeur.
Aide-soignant(e) dans le secteur privé
Dans le secteur privé, les niveaux de salaire sont globalement inférieurs, avec une moyenne d’environ 1 795 euros bruts mensuels pour un débutant, soit entre 1 400 et 1 500 euros nets. L’absence de grille nationale standardisée laisse place à des variations importantes, selon les conventions collectives applicables et la politique salariale de chaque structure. L’écart de rémunération avec le secteur public peut aller de 100 à 300 euros mensuels, renforçant l’attractivité de la fonction publique pour une partie des candidats.
La prime Ségur : une revalorisation historique
Mise en œuvre à partir de septembre 2020, la prime Ségur représente une revalorisation salariale significative. Dans le secteur public et le privé associatif, elle s’élève à 183 euros nets mensuels, contre 160 euros nets dans le secteur privé commercial. Intégrée dans le calcul de la retraite, cette prime doit être progressivement transformée en traitement indiciaire à partir de 2025, conformément aux annonces gouvernementales.
Les aides-soignants perçoivent par ailleurs plusieurs autres primes, qui varient selon leur lieu et leurs conditions de travail. La majoration de nuit, fixée à 25 % des heures effectuées entre 21h et 6h, est complétée par une prime de soins critiques de 118 euros bruts mensuels pour ceux qui exercent en réanimation ou en soins intensifs. Une prime de sujétion spéciale équivalente à 10 % du salaire brut est attribuée pour compenser certaines contraintes spécifiques.
À ces compléments s’ajoutent l’indemnité forfaitaire de risque, l’indemnité de résidence — calculée en fonction de la zone géographique — et le supplément familial de traitement pour les agents ayant des enfants à charge.
Des écarts géographiques
Les disparités régionales restent marquées. En Île-de-France, un aide-soignant peut percevoir entre 2 300 et 2 500 euros bruts par mois, contre des montants sensiblement inférieurs en province. À Boulogne-Billancourt ou au Kremlin-Bicêtre, les rémunérations atteignent jusqu’à 2 650 euros bruts mensuels, portées par des dispositifs d’attractivité renforcée. À Tours, elles culminent à 2 583 euros. L’indemnité de résidence joue un rôle de compensation partielle dans ces territoires à coût de la vie élevé.
Dans le secteur public, le salaire net moyen s’élève à 1 700 euros mensuels, contre 1 400 euros dans le privé, selon les dernières données consolidées en 2024. Ces écarts s’expliquent par une progression plus structurée dans le public, des primes spécifiques et une meilleure prise en compte de l’ancienneté.
Des compétences élargies
L’arrêté du 10 juin 2021 a profondément modifié le référentiel d’activités des aides-soignants. Ces derniers peuvent désormais réaliser des actes relevant jusqu’alors du champ infirmier : prise de tension, fréquence cardiaque, glycémie capillaire, aide à la prise médicamenteuse ou encore surveillance de la respiration.
Le décret du 23 juillet 2021 autorise, sous certaines conditions, l’exécution de ces soins en autonomie relative, dans les structures médico-sociales, en l’absence immédiate d’un infirmier. Les aides-soignants doivent toutefois bénéficier d’un encadrement fonctionnel par un infirmier coordinateur et intervenir auprès de patients présentant une pathologie stabilisée.
Pour les professionnels diplômés avant cette réforme, une formation d’actualisation a été instaurée par l’arrêté du 26 février 2025. D’une durée de 21 heures, elle permet d’acquérir les nouvelles compétences dans le respect des exigences réglementaires.
Vers de nouvelles perspectives professionnelles
L’arrêté du 3 juillet 2023 a ouvert une passerelle renforcée vers la formation infirmière. Réservé aux aides-soignants justifiant d’au moins trois ans d’expérience à temps plein, ce dispositif permet d’intégrer directement la deuxième année d’institut de formation en soins infirmiers après une formation préparatoire de trois mois (420 heures). Cette mesure répond à la volonté de faciliter l’évolution professionnelle tout en participant à la résolution de la pénurie d’infirmiers. Les premiers chiffres sont encourageants : en Île-de-France, 57 aides-soignants ont rejoint cette passerelle à la rentrée de septembre 2024.
Un métier en tension
Le système de santé français traverse une crise structurelle sans précédent. Selon les projections de la Fédération hospitalière de France, 100 000 postes d’aides-soignants devront être pourvus chaque année d’ici à 2030. Le vieillissement des professionnels en exercice, la baisse de 42 % des candidatures à la formation d’aide-soignant en quatre ans et un absentéisme endémique (9,9 % en 2021, soit 35 jours d’absence en moyenne par agent en 2022) fragilisent l’ensemble du dispositif.
Les établissements les plus touchés peuvent enregistrer plus de 43 jours d’absence par agent chaque année, générant un recours massif à l’intérim et aux heures supplémentaires. Cette situation pèse directement sur les conditions de travail, déjà rendues difficiles par une intensification des tâches et des organisations sous tension permanente.
Un métier qui attire peu
Si les revalorisations introduites par le Ségur ont constitué une avancée, elles ne suffisent pas à enrayer la crise d’attractivité. Selon une enquête nationale réalisée en 2024, 58 % des aides-soignants ne recommanderaient pas leur métier. Les causes vont au-delà des salaires : surcharge de travail, manque de reconnaissance, limites de l’évolution de carrière.