Les retraités, grands perdants du plan Bayrou

Un cap politique semble franchi. Longtemps épargnés par les mesures d’économie, les retraités apparaissent cette fois en première ligne du plan de redressement budgétaire présenté mardi par François Bayrou. Refonte d’abattements fiscaux, gel des pensions, effort ciblé sur les hauts revenus : le Premier ministre assume une stratégie d’ajustement budgétaire où la contribution des seniors n’est plus un angle mort.

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Parmi les annonces les plus emblématiques, la remise à plat de l’abattement de 10 % pour frais professionnels, dont bénéficient les retraités dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Cette niche, historiquement conçue pour compenser l’absence de frais réels, faisait depuis plusieurs mois l’objet de discussions internes. Elle ne sera pas supprimée purement et simplement, mais transformée en un forfait annuel plafonné à 2 000 euros. L’objectif affiché : préserver les retraités aux revenus modestes, tout en réduisant l’avantage accordé aux plus aisés.

Autre levier : la non-indexation des pensions de retraite sur l’inflation, dans le cadre d’une « année blanche » qui concerne l’ensemble des prestations sociales. Le gouvernement insiste sur le caractère temporaire de la mesure et souligne que l’inflation prévue pour 2026 devrait rester autour de 1 %. L’opposition, tant de gauche que de droite, dénonce néanmoins une mesure injuste qui fragilise une population déjà confrontée à l’érosion de son pouvoir d’achat.

Bayrou joue sur les mots

Les retraités ne sont pas les seuls concernés. Le barème de l’impôt sur le revenu, gelé pour tous les foyers, devrait rapporter 1,2 milliard d’euros selon l’OFCE. La contribution sociale généralisée (CSG) sera également gelée, tout comme les salaires des fonctionnaires. Au total, l’ensemble de ces gels successifs devrait générer près de 7,1 milliards d’euros d’économies.

Face aux accusations de hausses d’impôts déguisées, François Bayrou a martelé qu’« il n’y aura pas de TVA, pas de CSG, pas de nouvel impôt ». La stratégie consiste moins à créer de nouveaux prélèvements qu’à contenir les mécanismes d’indexation automatique qui, en période d’inflation même faible, alourdissent mécaniquement la dépense publique.

L’exécutif insiste sur la dimension redistributive de son plan. « Un effort particulier est demandé à ceux qui ont la capacité de contribuer davantage », a souligné le Premier ministre. Dans cette logique, la contribution de solidarité sur les plus hauts revenus (CDHR) est maintenue, avec un renforcement des dispositifs de lutte contre l’optimisation fiscale.

Le gouvernement entend améliorer le rendement de cette taxe, aujourd’hui modeste (moins de 2 milliards d’euros), en s’attaquant aux revenus logés dans les holdings et structures patrimoniales, souvent difficiles à capter fiscalement. Les seuils de déclenchement de la CDHR (250 000 euros pour une personne seule, 500 000 euros pour un couple) resteront inchangés.

Sur les niches fiscales, l’exécutif annonce une « chasse » ciblée sur les dispositifs « inutiles ou inefficaces », sans pour autant détailler les mesures précises envisagées à ce stade.

Un traitement différencié pour les entreprises

Alors que les ménages, et en particulier les retraités, sont appelés à un effort accru, les entreprises bénéficient d’un traitement plus favorable. Le Premier ministre a confirmé la fin prochaine de la surtaxe d’impôt sur les bénéfices, conformément aux engagements pris auprès du patronat. « La compétitivité des entreprises est globalement préservée, ce qui était tout l’enjeu de ce plan », analyse Anthony Morlet-Lavidalie, économiste chez Rexecode.

Cette orientation vise à éviter tout effet dépressif sur l’investissement privé et à maintenir une dynamique de croissance dans un contexte économique encore incertain.

Quels arbitrages ?

L’ensemble des mesures fiscales présentées mardi ne couvrirait qu’environ 20 % de l’effort de redressement budgétaire de 43,8 milliards d’euros que s’est fixé le gouvernement. Pour atteindre cet objectif, l’exécutif mise également sur une lutte renforcée contre la fraude fiscale. Un projet de loi sera présenté à l’automne pour améliorer la détection, le recouvrement et la sanction des fraudes. Le gouvernement espère ainsi récupérer près de 10 milliards d’euros supplémentaires dès l’an prochain.

Mais les arbitrages présentés suscitent déjà un vif débat. La « neutralité fiscale » revendiquée masque mal, pour certains, un transfert de la charge vers des catégories historiquement protégées. La non-indexation des pensions, en particulier, cristallise les critiques. « L’année blanche est un choc silencieux pour les retraités », estime un élu socialiste. À droite, certains dénoncent une approche « punitive » qui fragilise la cohésion sociale.



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