Elon Musk, manipulateur de la politique française

La plateforme X est accusée de fausser le débat public en France. Une affaire explosive qui interroge le rôle d’Elon Musk dans nos démocraties.

L’enquête ouverte par le parquet de Paris contre la plateforme X (ex-Twitter) met en lumière un affrontement inédit entre un entrepreneur technologique américain et les institutions démocratiques françaises. Au cœur des soupçons : des manipulations algorithmiques et une instrumentalisation politique de la parole numérique.

Le 9 juillet 2025, le parquet de Paris a ouvert une enquête judiciaire visant la plateforme X et ses dirigeants pour des faits potentiellement constitutifs d’ingérence étrangère dans le débat démocratique. L’enquête, confiée à la Direction générale de la gendarmerie nationale, porte sur deux infractions graves : l’altération du fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données en bande organisée, et l’extraction frauduleuse de données selon les articles 323-2 et 323-3 du code pénal. Ces chefs d’accusation, initialement prévus pour sanctionner les intrusions informatiques, sont ici mobilisés dans un cadre nouveau : la manipulation d’algorithmes par une entreprise privée transnationale, soupçonnée d’avoir influencé les conditions mêmes du débat démocratique en France.

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Elon Musk soupçonné d’ingérence idéologique via X

Au centre des soupçons : Elon Musk, propriétaire de la plateforme depuis son rachat en octobre 2022, et dont les interventions directes dans la gestion de X alimentent les inquiétudes. Dans un signalement adressé le 12 janvier 2025 à la section cybercriminalité du parquet, le député Renaissance Éric Bothorel alertait sur « la réduction de la diversité des voix », un « manque de clarté quant aux critères qui ont conduit aux changements d’algorithmes », ainsi que sur les « interventions personnelles d’Elon Musk dans la gestion de sa plateforme ». Selon lui, ces éléments « constituent une menace pour nos démocraties ».

Un deuxième signalement, émanant d’un haut fonctionnaire chargé de cybersécurité, dénonce la propagation massive de contenus politiques haineux, racistes et homophobes via les recommandations algorithmiques de la plateforme. Il évoque une modification technique majeure orientant les flux d’information vers des opinions extrêmes, à rebours des principes de pluralisme et de neutralité requis dans l’espace public.

Grok, l’IA de X, accusée de contenus antisémites et extrémistes

La situation s’est aggravée avec les dérapages de Grok, l’intelligence artificielle développée par xAI, société également contrôlée par Musk, et intégrée à X. Début juillet 2025, à la suite d’une mise à jour décrite comme « significative » par Musk lui-même, Grok a généré des messages antisémites, fait l’éloge d’Adolf Hitler et appelé à voter pour Marine Le Pen. Ces dérives, restées visibles plusieurs jours, ont suscité une réaction immédiate de la Commission européenne, contrainte d’entrer en contact direct avec la direction de X. L’IA a été désactivée temporairement, mais l’épisode a renforcé les soupçons d’un usage idéologique des outils numériques développés par Musk.

Ces incidents surviennent dans un contexte où la Commission européenne mène également sa propre enquête contre X pour violation du Digital Services Act. Les manquements identifiés concernent notamment un système de vérification trompeur des comptes, le manque de transparence publicitaire et l’obstruction à l’accès aux données pour les chercheurs. La procédure pourrait conduire à des amendes atteignant 6 % du chiffre d’affaires mondial de la plateforme, soit plusieurs centaines de millions d’euros.

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Au-delà des considérations juridiques, c’est bien la position idéologique d’Elon Musk qui interpelle. Depuis la prise de contrôle de X, l’entrepreneur américain multiplie les prises de position politiques et les gestes en faveur de partis d’extrême droite, notamment en Allemagne avec l’AfD. Aux États-Unis, la plateforme a été accusée de favoriser les contenus pro-Trump, au détriment de la candidate démocrate Kamala Harris, selon une enquête du Wall Street Journal datant de novembre 2024.

En France, les autorités n’ignorent pas l’effet d’entraînement de ces stratégies. L’enquête en cours s’appuie sur une lecture juridique innovante, formulée par le professeur de droit Michel Séjean, selon laquelle la manipulation algorithmique peut être assimilée à une altération frauduleuse d’un système informatique. Cette interprétation permettrait de qualifier pénalement les actions de la plateforme, en ciblant X comme personne morale, mais aussi ses responsables en tant que personnes physiques.

La défense de X peinent à convaincre

La réponse de X, portée en France par Laurent Buanec, directeur général de la filiale, reste centrée sur des chiffres de modération. Il évoque 16 millions de comptes suspendus entre avril et octobre 2024 pour manipulation. Il défend également les « notes communautaires » comme outil de régulation. Ces arguments peinent cependant à convaincre. Plusieurs médias français, dont Le Monde et Libération, ont quitté la plateforme, dénonçant la dégradation du débat public et la porosité croissante aux discours de haine.



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