En matière de gaspillage alimentaire, on pense souvent aux assiettes à moitié vides, aux rayons dévalisés en fin de journée, ou aux frigos trop pleins. Mais le vrai carnage commence bien avant : dans les champs. C’est là que PimpUp, une jeune pousse montpelliéraine, a décidé de planter sa fourche. Une start-up qui ne vend ni gadgets ni promesses creuses, mais des légumes tordus – et une logique implacable.
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Née d’un regard lucide sur le système agroalimentaire, PimpUp s’est attaquée à une anomalie industrielle : chaque année en France, plus de 5,3 milliards de kilos de nourriture sont écartés avant même d’atteindre les rayons, pour des raisons souvent aussi absurdes qu’une carotte trop courte ou un emballage mal calibré. Un monde où l’esthétique pèse parfois plus que la substance.
C’est en Arizona, face à l’initiative « Imperfect Foods », que les deux fondatrices de PimpUp, Anaïs Lacombe et Manon Pagnucco, ont compris que les fruits moches pouvaient devenir des objets économiques. De retour à Montpellier, elles transforment leur constat en mission : revaloriser les invendus agricoles en amont, en leur donnant un débouché simple, efficace et rentable.
Une entreprise qui fait ses comptes… avec rigueur
Le modèle ? Des paniers de produits frais, vendus 30 % moins cher que dans les circuits classiques, mais avec une répartition bien plus équitable : 47 % du prix revient au producteur, contre 20 à 30 % dans la grande distribution. Et ça marche : 600 000 € de chiffre d’affaires en 2023, 800 000 € attendus en 2024, avec une marge brute de 28 %. Assez pour payer les producteurs correctement, tenir la route économiquement, et ne pas s’excuser d’exister.
Mieux : 1 500 paniers distribués chaque semaine, 6 500 clients actifs, une clientèle qui ne consomme pas seulement par militantisme, mais pour la qualité et le prix. Pas une niche militante, mais une base élargie – la meilleure garantie de durabilité économique.
Le capitalisme logistique au service de l’anti-gaspillage
À la différence des startups qui font beaucoup de bruit pour livrer des smoothies, PimpUp mise sur une logistique patiente et maîtrisée. Chaque implantation – après Montpellier, Toulouse, Marseille – est précédée d’un test de marché, comme à Lyon où 8 000 préinscriptions ont été enregistrées avant de démarrer les livraisons.
Un partenariat stratégique avec Log’issimo, la filiale de La Poste, permet d’optimiser les flux tout en restant bas carbone. PimpUp roule électrique à Bordeaux, privilégie les circuits ultra-courts à Marseille, et pense déjà à automatiser ses opérations avec un module SaaS maison. Un pied dans le digital, l’autre dans la boue : pas d’idéologie, juste une chaîne logistique repensée.
En décembre 2024, PimpUp boucle une levée de 1,7 million d’euros, en réunissant des poids lourds du numérique français. Objectif : industrialiser sans trahir. Une trentaine de recrutements, cinq nouveaux hubs logistiques, et une expansion maîtrisée vers l’épicerie (60 références déjà, 500 prévues). Là encore, la logique est celle de la cohérence : étendre le modèle, pas le diluer.
Côté B2B, les choses avancent vite. Corbeilles de fruits, paniers en entreprise, événements : la demande existe, surtout dans les métropoles où l’on veut conjuguer RSE et machine à café. À Lyon, un tiers des préinscriptions viennent de sociétés. Un levier de croissance stable, potentiellement plus porteur que le grand public.
Des impacts, des chiffres, et des actes
PimpUp ne s’arrête pas aux bilans carbone de façade. Depuis ses débuts, 605 tonnes de nourriture sauvées, 120 millions de litres d’eau évités, 242 000 kg de CO₂ non émis. Et surtout : 600 000 euros reversés aux producteurs. Pas un mécénat, une vraie redistribution.
Sur le terrain social, la startup n’est pas en reste : confection des paniers en partenariat avec Croix-Rouge Insertion, emplois aidés et compétences remobilisées. Un cercle vertueux, qui ne repose pas sur des subventions mais sur un modèle stable.
Installée à Station F, soutenue par la French Tech Méditerranée, la Région Occitanie et le BIC de Montpellier, PimpUp avance avec méthode. Les ambitions sont là – label B Corp prévu en 2025, expansion en Belgique et Espagne d’ici 2027, une plateforme d’impact pour les producteurs – mais sans l’ivresse des licornes.
La vision reste ancrée : consolider la présence nationale, sauver 10 000 tonnes de produits par an, couvrir les 30 plus grandes agglomérations françaises. Pas de croissance pour la croissance, mais une croissance au service d’un système qui réconcilie productivité et dignité.