La construction en bois résiste à la crise du bâtiment

Le bois peut-il vraiment remplacer le béton ? Tout indique qu’il s’installe durablement dans le paysage du BTP français.

Alors que le secteur du bâtiment traverse une période de repli, la filière bois fait figure d’exception en France. En 2024, le chiffre d’affaires de la construction bois atteint 4,6 milliards d’euros hors taxes, enregistrant une légère progression de 0,5 % par rapport à 2022. Ce dynamisme contraste fortement avec la tendance générale, confirmant une mutation structurelle du secteur : on construit de plus en plus en bois, et plus tout à fait comme avant.

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La filière bois s’impose dans le logement collectif

Le contraste est frappant. Tandis que les acteurs traditionnels de la construction voient leurs carnets de commandes s’éroder, les entreprises de la filière bois poursuivent leur développement. En 2024, 1 905 entreprises sont recensées sur le territoire, employant 28 565 salariés, soit une hausse de 1 % en deux ans.

La construction neuve représente encore 71 % de l’activité du secteur, malgré la baisse généralisée des mises en chantier. Le segment est bien réparti entre le résidentiel (56 %) et le non résidentiel (44 %). Signe de sa résilience, l’entretien-rénovation affiche une croissance de 9 %, portée par une demande croissante pour des solutions sobres en carbone. Autre tendance notable : la diversification des marchés. Longtemps centrée sur la maison individuelle, la filière bois s’impose désormais dans le logement collectif, avec 10 750 unités livrées en 2022, soit une progression de 12 % par rapport à 2020.

L’impact de la norme RE2020

Si la prise de conscience environnementale joue un rôle évident, la dynamique du secteur est aussi portée par la réglementation environnementale RE2020. Cette norme impose la prise en compte du cycle de vie complet des bâtiments, favorisant les matériaux biosourcés comme le bois. Dans le gros œuvre, ce matériau permet une réduction de 60 % de l’empreinte carbone par rapport au béton.

Les entreprises de la filière bois apparaissent mieux préparées à intégrer ces contraintes. Alors que seulement 4 % des entreprises du bâtiment emploient plus de dix salariés, elles sont 43 % dans la construction bois. Avec un effectif moyen de 15 salariés (contre 3,4 dans le reste du BTP), ces structures plus solides disposent des capacités nécessaires pour s’adapter aux nouvelles exigences techniques, logistiques et réglementaires.

La vitrine la plus marquante de cette évolution reste le programme olympique. Sous l’impulsion de l’initiative France Bois 2024, le Village des athlètes a mobilisé 30 000 m³ de bois, dont 65 % issus de forêts françaises. Le Centre Aquatique de Saint-Denis, avec sa structure bois de 90 mètres de portée, illustre les prouesses architecturales rendues possibles par ce matériau.

Le bois représente près des deux tiers des 318 000 m² de surface de plancher du Village olympique, avec une réduction globale de 45 % des émissions sur l’ensemble du cycle de vie des bâtiments. Cet élan rejaillit sur d’autres projets : la construction bois se déploie désormais massivement en zones urbaines, en particulier en Île-de-France, qui devient en 2023 la première région en nombre de logements bois construits (19,5 % du total national).

Un défi majeur : la qualification de la main-d’œuvre

La filière bois repose sur un tissu économique riche et diversifié. Elle regroupe à la fois des entreprises historiques (Ossabois, Mathis, Arbonis), des PME régionales et des start-ups innovantes. Les grands groupes du BTP y investissent aussi massivement : Bouygues déploie sa stratégie « WeWood », Eiffage s’appuie sur sa filiale Savare, Nexity revendique 145 000 m² de bureaux en bois livrés depuis 2011.

Sur le plan technique, la filière innove : préfabrication en usine (Blokiwood, SYbois), structures hybrides (TimberRoc, WoodWall), matériaux biosourcés, systèmes constructifs démontables… autant de leviers pour répondre aux enjeux industriels.

Mais cette montée en charge s’accompagne d’un défi majeur : la qualification de la main-d’œuvre. Près de la moitié des entreprises prévoient de recruter en 2025, mais 61 % rencontrent des difficultés à embaucher. En réponse, la filière renforce sa politique de formation : cursus spécialisés, titres professionnels, dispositifs portés par les Compagnons du Tour de France, ou accompagnement des pôles de compétitivité comme Xylofutur.

Une filière tournée vers l’économie circulaire et la relocalisation

Au-delà de l’innovation technologique, la filière bois française adopte une logique d’économie circulaire et de valorisation territoriale. Des projets comme SILVAÉ en Isère ou les circuits courts de Roch Constructeur Bois dans le Jura illustrent cette volonté de relocalisation.

En 2024, 43 % des achats de bois sont effectués en direct auprès de scieries françaises. La traçabilité devient une norme : 94 % des bois utilisés sont certifiés PEFC ou FSC, garantissant une gestion durable des forêts.



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