Cadmium dans le pain : attention danger

Tous les types de pain consommés en France contiennent du cadmium. C’était déjà la conclusion d’une enquête diffusée en janvier 2025 dans l’émission Zone Interdite, qui avait révélé la présence systématique de ce métal lourd dans 41 échantillons de pains prélevés sur l’ensemble du territoire. Depuis, rien n’a changé.
Pourtant, le cadmium est reconnu comme cancérogène certain par les autorités sanitaires. Il s’accumule dans l’organisme, avec des effets délétères sur la santé rénale, osseuse, reproductive et métabolique. Les enfants et les femmes enceintes apparaissent comme les populations les plus exposées.

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Une contamination systématique, quel que soit le type de pain

L’enquête de M6 qui s’était appuyée sur une année d’analyses en laboratoire montrait une présence constante de cadmium, que le pain soit blanc, complet, aux graines, bio, traditionnel ou industriel. Les teneurs mesurées vont de 0,013 à 0,035 microgrammes par gramme. Les pains aux graines présentent les concentrations les plus élevées (0,035 µg/g), tandis que la baguette ordinaire reste en deçà (0,014 µg/g). Aucun échantillon ne présente un taux nul.

Les données de Santé publique France confirment la tendance. Entre 2006 et 2016, l’imprégnation moyenne de la population française au cadmium est passée de 0,29 à 0,57 µg/g de créatinine. Près de la moitié des adultes dépassent le seuil de 0,5 µg/g fixé par l’ANSES. Ce niveau d’exposition est trois fois supérieur à celui des adultes américains, et plus de deux fois supérieur à celui des adultes italiens. La France figure désormais parmi les pays les plus concernés par cette contamination.

Les enfants et les femmes en première ligne

L’étude ESTEBAN montre que 18 % des enfants présentent des concentrations supérieures aux recommandations sanitaires. Chez les moins de 3 ans, cette proportion monte à 36 %. L’exposition alimentaire quotidienne suffit à atteindre la dose tolérable : un enfant de 14 kg atteint 4,7 µg de cadmium avec une alimentation standard comprenant céréales, pommes de terre, pâtes et produits transformés. Cela sans tenir compte des autres sources possibles. Les enfants de 6 à 10 ans dépassent en moyenne les niveaux observés chez les adolescents et les adultes lors des études précédentes.

Les femmes sont également très exposées en raison des carences en fer, fréquentes dans cette population. Une carence multiplie par quatre l’absorption intestinale du cadmium. Selon les estimations disponibles, un quart des femmes françaises présentent un déficit en fer. L

L’origine de la contamination : les engrais phosphatés

Le cadmium présent dans les sols provient majoritairement des engrais phosphatés utilisés en agriculture conventionnelle. Ces engrais sont produits à partir de roches phosphatées naturellement riches en cadmium, dont la teneur dépend de leur origine géologique. La France importe principalement ses engrais du Maroc, dont les gisements sont parmi les plus chargés en cadmium (jusqu’à 73 mg/kg), soit 1,76 fois plus que la moyenne européenne.

Une fois répandu, le cadmium ne se dégrade pas. Il reste présent dans les sols pour des durées supérieures au siècle. Même en arrêtant immédiatement l’usage d’engrais contaminés, la concentration dans les sols ne baisserait que de 3,8 % en cent ans.

L’ANSES recommande depuis 2019 de limiter la teneur en cadmium des engrais phosphatés à 20 mg/kg. La France maintient aujourd’hui un seuil de 90 mg/kg. Ce chiffre dépasse la limite européenne fixée à 60 mg/kg, et reste largement au-dessus des normes adoptées dans plusieurs pays membres, dont la Finlande, la Pologne et la Roumanie, qui ont aligné leurs seuils sur ceux de l’ANSES.

Un métal toxique, reconnu cancérogène

Le cadmium est classé depuis 2012 comme cancérogène certain (groupe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer. Il est également reconnu comme mutagène et toxique pour la reproduction. Il s’accumule principalement dans les reins et le foie. Il peut provoquer des atteintes rénales irréversibles et augmenter les risques d’ostéoporose et de fractures. Chez la femme enceinte, l’exposition peut entraîner une diminution du poids à la naissance, des troubles du développement et une augmentation du risque d’asthme et d’allergies chez l’enfant.

Plusieurs études établissent un lien entre l’exposition au cadmium et différents cancers : poumon, rein, prostate, sein, et surtout pancréas. En France, les cas de cancer du pancréas sont passés de 6 000 à 14 000 par an entre 2006 et 2024. Les projections tablent sur un doublement d’ici 2030.

Le 2 juin 2025, la Conférence nationale des URPS-Médecins libéraux a publié une lettre ouverte qualifiant la situation de “bombe sanitaire”. Elle appelle à des mesures immédiates : application des recommandations de l’ANSES sur les engrais, dépistage accessible et remboursé, campagne d’information, formation des professionnels de santé. Cette prise de position collective marque une rupture dans la manière dont le corps médical aborde les questions de pollution alimentaire chronique.

Que fait le Gouvernement ?

Le 11 juin, le ministre de la Santé a annoncé que le dépistage du cadmium serait remboursé en médecine de ville à l’automne 2025. Jusqu’à présent, seuls les hôpitaux pouvaient prescrire cet examen de manière remboursée. Le gouvernement s’est également engagé à publier un arrêté alignant la réglementation française sur les recommandations de l’ANSES. Ce texte est attendu depuis plusieurs années.

Il y a pourtant urgence. L’enjeu dépasse en effet le seul cas du pain : il concerne l’ensemble de notre modèle agricole et alimentaire. Réduire l’exposition au cadmium implique de repenser les intrants utilisés, les méthodes de culture, les mécanismes de contrôle et les arbitrages économiques. Il s’agit désormais d’agir sur les causes, et non sur les seuls effets.



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