Les chômeurs, nouvelle cible du gouvernement

Les chômeurs dans le viseur. Le gouvernement prépare une réforme qui pourrait exclure encore plus de demandeurs d’emploi.

La ficelle est grosse, et pourtant, le gouvernement persiste à tirer dessus, imperturbable, comme si la lassitude sociale, la défiance démocratique et la fracture républicaine n’étaient pas déjà assez béantes.

À peine six mois après avoir salué l’ »exemplarité » du dialogue social et l’accord arraché entre partenaires sur l’assurance chômage, voici que l’exécutif, au détour d’une note de Bercy et de l’ombre portée d’un François Bayrou budgétaire, remet en cause la parole donnée. Une manœuvre bureaucratique, certes. Mais fondamentalement politique. Et moralement indéfendable.

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Faire payer les chômeurs

Sous couvert d’orthodoxie comptable et de rigueur budgétaire, on prépare une nouvelle saignée. Non pas dans les niches fiscales injustes ou les dividendes records, mais dans les allocations des plus précaires. Les chômeurs. Ceux qu’on continue de soupçonner, de surveiller, de stigmatiser, comme si la pauvreté était un choix, comme si l’exclusion était un sport.

Le stratagème est désormais bien rodé. On commence par parler d’un « effort collectif », langage technocratique pour faire passer la pilule amère : tout le monde doit payer, alors pourquoi pas les chômeurs ? Puis viennent les cibles : les ruptures conventionnelles – que l’on accuse d’être un « confort » pour travailleurs trop indépendants – et surtout les conditions d’affiliation. Bientôt, il ne suffira plus de six mois de travail pour être indemnisé. Il en faudra huit, sur une période plus courte. Une manière déguisée d’exclure plus, plus vite, plus loin.

Cette réforme, comme les précédentes, se pare du vernis de l’efficacité. Mais derrière ce discours, il y a une stratégie d’assèchement. Assécher les droits, assécher les oppositions, assécher la solidarité. Car ce que cherche l’État, ce n’est pas à sauver le régime d’assurance-chômage – qui, rappelons-le, est excédentaire. Ce que cherche l’État, c’est à siphonner ces excédents, pour alimenter un budget exsangue, étranglé par les cadeaux faits au capital et les dogmes de Bercy.

A quoi bon saluer les « vertus du dialogue social » ?

Gabriel Attal, bien qu’éconduit des ors de Matignon, continue de tirer les ficelles à distance. Le groupe EPR, sa projection politique, tente même une manœuvre législative douteuse : une proposition de loi pour durcir l’indemnisation, en contournant la compétence historique des partenaires sociaux. Peu importe que cela tienne juridiquement. Le symbole compte plus que le droit. L’image d’un gouvernement « volontariste » prime sur le respect des engagements.

Mais à quoi bon saluer les « vertus du dialogue social » si, dans le même temps, on le piétine ? À quoi bon appeler les syndicats à la responsabilité si on les désavoue dès que l’accord obtenu ne sert pas les visées comptables de Bercy ? Quelle est cette démocratie sociale où les dés sont pipés, les décisions réécrites dans les couloirs de l’Élysée, loin des assemblées et des urnes ?

Le contexte est d’autant plus explosif que les chiffres parlent d’eux-mêmes : une hausse du chômage, une montée de la pauvreté chez les demandeurs d’emploi, une économie en berne, un travail de plus en plus fragmenté. Et voilà que l’on veut, en prime, faire sauter le plancher horaire du temps partiel, renforcer la précarité des intérimaires, sans même affronter le débat de fond sur le droit au travail digne.

Le contrôle plutôt que la protection

Il y a là une logique constante, implacable, qui traverse les gouvernements successifs : une hostilité envers les droits sociaux, une préférence marquée pour le contrôle plutôt que la protection, une obsession maladive pour les équilibres budgétaires au détriment de la justice. Ce n’est plus une politique, c’est une idéologie.

La république sociale, cette promesse de justice et d’égalité, s’effiloche. Reste la parole publique, vidée de sa substance, et une technocratie triomphante qui prétend gouverner hors sol. Il ne s’agit plus seulement d’une réforme de l’assurance-chômage. Il s’agit d’un projet de société. Et ce projet-là, nous ne pouvons l’accepter sans résistance.



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