Entreprises : ces failles que les hackers exploitent durant l’été

Phishing, ransomware, IoT vulnérable : l’été est une cible idéale pour les cybercriminels. Préparez-vous efficacement.

Les congés d’été ne sont pas synonymes de pause pour tout le monde. Pour les cybercriminels, cette période représente un pic d’activité. Réduction des effectifs, vigilance en baisse, relâchement des procédures : les vulnérabilités s’accumulent alors que les capacités de réaction diminuent. Dans ce contexte, les entreprises doivent anticiper. État des menaces, typologie des attaques, mesures techniques, formation, assurance et gestion de crise : ce guide stratégique propose une synthèse des points clés à vérifier avant le départ en vacances.

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Une explosion des cyberattaques

Les données 2024 confirment une intensification sans précédent des cybermenaces. Le nombre d’événements traités par l’ANSSI a progressé de 15 % en un an, pour atteindre 4 386 incidents. Plus globalement, le volume mondial des attaques a bondi de 140 % depuis 2020. En France, 67 % des entreprises ont été victimes d’au moins une attaque en 2024, contre 53 % en 2023.

Plusieurs facteurs structurels expliquent cette dynamique. D’un côté, l’essor des objets connectés multiplie les points d’entrée. De l’autre, les capacités offensives des attaquants se sont renforcées grâce à l’intelligence artificielle, qui permet d’automatiser des attaques ciblées, efficaces et adaptables. Les campagnes de phishing, en particulier, deviennent quasi indétectables : elles sont rédigées dans un français parfait, souvent personnalisées, et conçues pour échapper aux filtres traditionnels.

Failles saisonnières et sous-surveillance

Les périodes de congés représentent une configuration idéale pour les attaquants. La réduction des effectifs de sécurité, parfois de plus de 70 %, affaiblit les capacités de détection et de réaction. Moins surveillés, les systèmes sont plus vulnérables, notamment pendant les week-ends, les jours fériés ou les périodes de départ massif en congé.

Dans ce contexte, l’erreur humaine reste la principale brèche. Elle est à l’origine de 90 % des incidents signalés. Fatigue, relâchement, méconnaissance des procédures : les collaborateurs sont plus susceptibles de cliquer sur un lien malveillant ou de répondre à un message frauduleux lorsqu’ils sont en situation de mobilité ou de télétravail occasionnel. L’usage de réseaux publics ou domestiques non sécurisés multiplie les risques d’intrusion.

Typologie des attaques en période de congés

Vecteurs dominants et opportunismes saisonniers

Les attaquants adaptent leur mode opératoire aux routines estivales. Le phishing ciblé est utilisé massivement, en exploitant l’image d’institutions fiables (administrations, opérateurs de transport, sites de réservation). Ces campagnes tirent parti des habitudes des salariés en vacances, qui attendent un billet, une facture ou une confirmation.

Les attaques DDoS, visant à saturer les serveurs pour rendre un service indisponible, ciblent quant à elles les sites à fort trafic comme les plateformes e-commerce ou les portails publics. Elles sont déclenchées à des moments stratégiques, lorsque les équipes techniques sont réduites ou absentes.

Plus insidieuses, les intrusions via VPN ou protocoles RDP non sécurisés représentent plus de la moitié des incidents majeurs recensés. Faute de patchs à jour ou de configurations renforcées, les équipements en périphérie du système d’information deviennent les portes d’entrée les plus courantes.

Intelligence artificielle et mutation des menaces

L’intelligence artificielle a profondément transformé les capacités offensives des cybercriminels. Elle permet de générer automatiquement des messages crédibles, d’imiter des voix ou des visages grâce aux deepfakes, ou encore de développer des malwares capables d’évoluer et de contourner les mécanismes de détection traditionnels.

Certaines attaques, dites « machine-speed », se déploient à une vitesse telle qu’aucun dispositif humain ou semi-automatisé ne peut les contenir en temps réel. Parallèlement, les réseaux sociaux deviennent un terrain de manipulation : les cybercriminels y déploient de faux influenceurs pour promouvoir des arnaques ou capter des données sensibles.

Ciblage des chaînes d’approvisionnement

La surveillance des fournisseurs, prestataires et partenaires techniques est souvent allégée pendant les vacances. Les attaquants en profitent pour compromettre les logiciels, outils ou composants utilisés par plusieurs entreprises. En 2023, les paquets malveillants identifiés sur des plateformes open source ont augmenté de 28 %. Ce type d’attaque indirecte, visant la chaîne logistique numérique, s’avère redoutablement efficace.

Préparer son infrastructure : les mesures techniques clés

Sécurisation des équipements

La sécurisation des équipements de bordure est aujourd’hui une exigence critique. VPN, pare-feux, ports d’accès à distance : ces dispositifs sont régulièrement ciblés. Environ 58 % des attaques par ransomware débutent par la compromission d’un composant périmétrique mal configuré ou obsolète. Les mises à jour doivent être appliquées systématiquement avant les congés.

Le modèle Zero Trust, de plus en plus adopté dans les grandes organisations, repose sur une approche de défiance permanente : aucun accès n’est considéré comme sûr par défaut. L’authentification est continue, contextuelle et renforcée. Ce modèle tend à devenir la norme d’ici 2026.

Supervision continue et détection proactive

En période de sous-effectif, la surveillance continue est indispensable. La mise en place d’un SOC (Security Operations Center) ou le recours à un service de détection managé (MDR) garantit une supervision 24/7, même en cas d’absence ou d’urgence.

Les outils de type SIEM (Security Information and Event Management) analysent et croisent les données de sécurité en temps réel. Intégrés à l’IA, ils permettent de détecter des comportements anormaux, d’éliminer les faux positifs et d’automatiser la réponse aux incidents selon des scénarios préétablis.

Sécurisation de l’IoT

Avec l’explosion du nombre d’objets connectés (50 milliards attendus en 2025), l’IoT représente un défi croissant. Ces dispositifs — capteurs, caméras, assistants vocaux — sont souvent déployés sans réelle gouvernance ni stratégie de sécurisation. Pourtant, les attaques ciblant l’IoT ont bondi de 400 % au premier semestre 2023.

Un inventaire complet des objets présents sur le réseau doit être réalisé. Leur trafic doit être isolé par une segmentation dédiée. Les mises à jour automatiques des firmwares doivent être activées chaque fois que possible, et les mots de passe par défaut systématiquement changés.

Le facteur humain : toujours la première faille

Nouvelles approches de formation

Les formations traditionnelles, génériques et ponctuelles, ne suffisent plus. Les entreprises qui souhaitent renforcer la résilience de leurs équipes optent pour des dispositifs contextualisés, immersifs et répétés. L’impact des campagnes de microlearning ou des simulations réalistes dépasse largement celui des modules classiques.

Les escape games numériques, les scénarios de phishing ciblé ou encore les sessions en réalité virtuelle permettent de reproduire les conditions réelles d’une attaque, tout en formant les collaborateurs à adopter les bons réflexes.

Télétravail et vigilance à distance

Le travail hybride est désormais la norme pour près des trois quarts des salariés français. Cette nouvelle organisation implique un élargissement considérable de la surface d’attaque. Environ 43 % des employés utilisent leur propre appareil à des fins professionnelles, souvent sans les protections adéquates.

Des règles claires doivent encadrer l’usage du BYOD. La sensibilisation doit porter sur la sécurisation des réseaux Wi-Fi publics ou domestiques, la vérification des demandes inhabituelles et la reconnaissance des tentatives d’hameçonnage, même en situation d’isolement.

Continuité pédagogique

La formation à la cybersécurité ne peut plus être un exercice unique. Elle doit s’inscrire dans la durée, être régulièrement actualisée et adaptée à l’évolution des menaces. Des sessions trimestrielles, des tests de résistance psychologique et des modules intégrant les nouveaux usages de l’IA sont autant d’outils à mobiliser pour entretenir la vigilance.

L’assurance cyber : levier de maturité

Le marché français en 2024

Le marché de l’assurance cyber a atteint 328 millions d’euros en 2024. Si les volumes restent stables, les conditions d’accès se sont nettement durcies. Aujourd’hui, seules 3 % des PME sont couvertes, contre 98 % des grandes entreprises. Les écarts s’expliquent par le coût perçu, la complexité des démarches et les exigences techniques imposées par les assureurs.

Prérequis techniques renforcés

Pour limiter leur exposition, les assureurs exigent un socle de sécurité élevé. Parmi les conditions incontournables figurent : l’authentification multifactorielle sur tous les comptes sensibles, des sauvegardes hors ligne testées régulièrement, une segmentation réseau rigoureuse, un plan de continuité d’activité validé et une formation des équipes avec preuves documentées.

Retour sur investissement

Au-delà de la couverture financière, une bonne assurance cyber permet d’accélérer la montée en maturité de l’organisation. En cas d’incident, elle prend en charge les prestations de réponse à crise (juridique, technique, communication), les pertes d’exploitation, les notifications RGPD et les frais de remédiation. Avec un coût moyen d’incident estimé à 58 600 €, et des conséquences parfois létales pour l’entreprise, l’assurance devient un levier stratégique de résilience.

Crise cyber : s’organiser pour réagir vite

Architecture de la cellule de crise

La rapidité de réaction est essentielle en cas d’attaque. Une cellule de crise préalablement constituée et entraînée permet de coordonner les actions et de limiter les impacts. Elle doit inclure un représentant de la direction générale, le RSSI, le responsable IT, un juriste, un communicant et un responsable métier.

Des moyens spécifiques doivent être prévus : ordinateurs sains, lignes téléphoniques indépendantes, espaces sécurisés physiquement et numériquement, et réseau de secours isolé.

Procédures d’alerte et d’escalade

Les procédures d’alerte doivent être activables à tout moment, sans ambiguïté. Elles doivent intégrer les différentes voies de détection (automatique ou humaine) et prévoir des niveaux d’escalade gradués. À chaque niveau correspond une mobilisation spécifique, de l’équipe IT jusqu’à l’ensemble de la cellule de crise.

Une coordination avec les partenaires clés, les prestataires de cybersécurité, l’assureur et éventuellement l’ANSSI, doit être anticipée.

Continuité et reprise

Le plan de continuité d’activité (PCA) doit couvrir les scénarios critiques : indisponibilité prolongée, chiffrement des données, perte d’accès ou fuite de données sensibles. Des solutions de secours doivent être testées régulièrement, et les délais de reprise (RTO) ainsi que les seuils de tolérance à la perte (RPO) clairement définis.

Tendances 2025 : risques émergents et réponses technologiques

Intelligence artificielle : accélérateur ambivalent

L’intelligence artificielle s’impose comme un outil de rupture. Du côté défensif, elle permet la détection prédictive, la réponse automatisée, l’analyse comportementale et la corrélation d’événements complexes. Du côté offensif, elle donne naissance à des attaques polymorphes, rapides, adaptatives, parfois impossibles à contenir en temps réel.

IoT : sécuriser une surface en expansion

La part croissante des objets connectés sur les réseaux d’entreprise complique la gouvernance. La plupart de ces dispositifs ne sont pas conçus avec des standards de sécurité élevés. De nouvelles approches apparaissent : certification sectorielle, sécurité dès la conception, segmentation micro-périmétrique et outils de détection comportementale spécialisés.

Sécurité distribuée pour le travail hybride

La généralisation du télétravail impose une refonte des modèles traditionnels. Les architectures SASE (Secure Access Service Edge) permettent une gestion centralisée et sécurisée des accès distants. Couplées à des solutions de gestion des appareils mobiles (MDM) et au chiffrement systématique des communications, elles offrent une réponse adaptée aux organisations distribuées.

Checklist stratégique avant les vacances

À 30 jours du départ :

  • Réaliser un audit complet de sécurité
  • Cartographier les actifs critiques et les dépendances
  • Identifier les vulnérabilités prioritaires et planifier les correctifs
  • Tester la restauration des sauvegardes

À 15 jours du départ :

  • Activer le MFA sur tous les comptes sensibles
  • Révoquer les comptes inactifs ou orphelins
  • Planifier les mises à jour automatiques
  • Former les équipes d’astreinte

À une semaine du départ :

  • Vérifier les certificats SSL et les services critiques
  • Renforcer les alertes de surveillance (email, SMS)
  • Simuler un incident pour chronométrer la réponse
  • Diffuser les consignes aux équipes et partenaires clés
  • Réviser les procédures avec l’assureur cyber

Conclusion : vers une résilience opérationnelle

La cybersécurité en période de congés exige une vigilance redoublée et une stratégie anticipatrice. C’est dans les moments de moindre attention que les vulnérabilités s’expriment avec le plus de force. Investir dans la préparation, la formation et la coordination permet de faire face aux crises sans céder à la panique.



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