Contrôle Fiscal : les indices qui attirent l’attention du fisc

Réseaux sociaux, piscines, revenus en ligne : tout est scruté. Le contrôle fiscal se réinvente, mieux vaut comprendre ce qui change.

Le contrôle fiscal français est désormais en mesure de détecter presque instantanément les écarts, les incohérences et les dissimulations. L’intelligence artificielle, les croisements de bases de données, les signalements rémunérés et la surveillance des signes extérieurs de richesse forment un dispositif cohérent et de plus en plus efficace.

À l’horizon 2029, l’administration vise un objectif de 40 milliards d’euros de recouvrement, soutenu par le recrutement de 1 500 agents supplémentaires et la création de l’Office national antifraude aux finances publiques.

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Une bascule technologique sans précédent

Avec 16,7 milliards d’euros de droits et pénalités notifiés en 2024, soit une hausse de 10 % en un an, l’administration fiscale française atteint un niveau de recouvrement inédit. Cette montée en puissance repose sur l’exploitation systématique des technologies d’analyse de données.

Le dispositif CFVR (Ciblage de la Fraude et Valorisation des Requêtes), mis en place en 2014, constitue le cœur de ce changement. Financé à hauteur de 5 millions d’euros, il centralise des informations issues de onze bases de données, dont les fichiers bancaires (FICOBA), les assurances-vie (FICOVIE), les déclarations sociales (Urssaf) ou encore le cadastre.

En 2024, l’intelligence artificielle est mobilisée dans plus de la moitié des contrôles professionnels, contre seulement 13 % en 2018. Les algorithmes s’améliorent en continu : chaque fraude détectée enrichit les modèles d’analyse, qui établissent des profils à partir de comportements récurrents.

L’intégration massive de l’IA permet d’examiner 100 % des déclarations fiscales, contre seulement 5 % auparavant. Les anomalies – revenus incohérents, crédits d’impôt atypiques, dépenses disproportionnées – sont repérées en temps réel.

Cette automatisation a permis d’économiser 427 équivalents temps plein, tout en améliorant la précision des ciblages. Pour autant, l’humain reste indispensable : les contrôles déclenchés par datamining ne représentent que 14,9 % des redressements. Les agents conservent un rôle déterminant dans la validation des alertes.

Les indices qui déclenchent un contrôle

L’administration fiscale croise désormais les déclarations avec les flux bancaires, les cotisations sociales et, dans certains cas, la consommation énergétique. Une variation brutale des revenus, positive ou négative, sans justification apparente, constitue un signal immédiat.

Chez les indépendants, une chute inexpliquée du chiffre d’affaires ou un niveau d’activité en décalage avec les revenus déclarés suffit à enclencher un contrôle. Les professions libérales, très majoritairement organisées en entreprises individuelles, font l’objet d’une attention particulière.

Crédits d’impôt et dépenses professionnelles

L’article 60 de la loi de finances pour 2025 instaure un contrôle simplifié : en présence d’indices sérieux, l’administration peut exiger les justificatifs dans un délai de 30 jours. En leur absence, les dépenses sont écartées sans recours.

Les crédits d’impôt liés à la rénovation énergétique, aux services à la personne ou à la garde d’enfants sont systématiquement vérifiés. Des anomalies comme l’absence de factures nominatives, des prestataires douteux ou des dates incohérentes déclenchent des alertes. Les frais professionnels excessifs sont également ciblés.

Économie numérique et plateformes

Les plateformes de vente en ligne (Amazon, Etsy, eBay, etc.) ont désormais l’obligation de transmettre les revenus des vendeurs dépassant les 3 000 euros par an. L’administration compare ces données aux chiffres d’affaires déclarés et aux transactions bancaires.

Un écart supérieur à 15 % entre l’activité réelle et les revenus déclarés peut conduire à une vérification approfondie. Ces contrôles visent en particulier la fraude à la TVA et les revenus dissimulés issus du commerce en ligne.

Une surveillance généralisée des signes extérieurs de richesse

Réseaux sociaux et incohérences de style de vie

Depuis le 1er janvier 2025, les agents de la DGFIP peuvent, via des comptes officiels, consulter les contenus publics publiés sur les réseaux sociaux. Cette mesure, encadrée par la CNIL, vise à repérer des écarts entre le style de vie affiché et les revenus déclarés.

Si des publications révèlent un niveau de vie supérieur de plus de 20 % aux données fiscales, une alerte est générée. Photos de voyages, biens de luxe ou résidences secondaires sont ainsi analysées automatiquement. Les plateformes à caractère personnel (rencontres, santé) restent exclues.

Immobilier : détection automatisée par image

Le dispositif dit du « Foncier innovant » s’appuie sur l’intelligence artificielle pour comparer les images aériennes de l’IGN avec le cadastre. En 2023, 140 000 piscines non déclarées ont été détectées, générant 40 millions d’euros de taxe foncière.

L’extension progressive du dispositif permet aujourd’hui de repérer vérandas, abris de jardin ou extensions. Chaque détection est validée par un agent avant notification. Les propriétaires disposent de 30 jours pour régulariser leur situation.

Tracer les avoirs cachés, en France comme à l’étranger

Comptes à l’étranger et cryptomonnaies

L’échange automatique de données (DAC 2/CRS) permet à la France de recevoir chaque année les informations relatives aux comptes bancaires détenus à l’étranger. En 2023, 7,7 millions de comptes ont été signalés.

Les flux de cryptomonnaies font également l’objet d’un suivi : l’administration fiscale analyse les blockchains pour repérer les conversions non déclarées. Tout portefeuille détenu hors de France doit être mentionné sur le formulaire 3916-bis. Les sanctions peuvent atteindre 1 500 euros par compte non déclaré au-delà de certains seuils.

Mobiliser tous les canaux : aviseurs et sécurisation

Aviseurs fiscaux : information rémunérée

Le dispositif d’aviseurs fiscaux, pérennisé après une phase expérimentale, permet à toute personne fournissant des informations sur une fraude supérieure à 100 000 euros d’être indemnisée jusqu’à 15 % des sommes recouvrées.

Les informateurs sont souvent issus de l’entourage du fraudeur : proches, anciens associés, comptables. Entre 2020 et 2023, plus de 110 millions d’euros ont été recouvrés grâce à ce dispositif.

L’Examen de Conformité Fiscale : prévenir plutôt que corriger

Mis en place par le décret du 13 janvier 2021, l’ECF permet aux entreprises de faire valider volontairement leur conformité fiscale par un tiers qualifié (expert-comptable, avocat, OGA). Ce processus offre une présomption de bonne foi et réduit la probabilité de contrôle.

Le compte rendu doit être transmis à l’administration dans les six mois suivant la déclaration. En cas de redressement, l’absence de pénalités et d’intérêts de retard est prévue.

Un renforcement des sanctions et des délais

Pénalités alourdies, marges de manœuvre réduites

Les sanctions varient selon la gravité du manquement :

  • 10 % pour une déclaration tardive spontanée
  • 20 % en cas de retard après mise en demeure
  • 40 % pour manquement délibéré
  • 80 % pour activité occulte ou manœuvre frauduleuse

Les délais de prescription sont également étendus : trois ans par défaut, six ans en cas d’activité non déclarée, dix ans pour les avoirs étrangers. Un nouveau délit, introduit par la loi de finances 2024, sanctionne la mise à disposition d’outils de fraude.

Les contribuables disposent de 15 jours seulement pour répondre à une demande de justificatifs. La rigueur documentaire devient une exigence permanente.



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