Football : La Ligue 1 au bord du gouffre après l’abandon de Canal+

Le retrait de Canal+ de la distribution de la future chaîne de la Ligue 1 place le football français face à une crise majeure. À quelques semaines de la reprise du championnat, la Ligue de football professionnel (LFP) se retrouve sans partenaire de diffusion principal, dans un contexte de fragilisation continue du modèle économique des droits TV.

A LIRE AUSSI
Football : pourquoi l’appel de l’OL est voué à l’échec

Un divorce officialisé qui affaiblit la LFP

C’est par une déclaration de Maxime Saada, président du directoire de Canal+, que la rupture a été rendue publique vendredi 27 juin : Canal+ ne distribuera pas la chaîne que souhaite créer la LFP pour la saison 2025-2026. « Canal+ jette l’éponge », a-t-il résumé.

La nouvelle a été perçue comme un « rendez-vous manqué » par plusieurs observateurs, et un « coup dur » supplémentaire pour la Ligue, déjà fragilisée par l’échec de son précédent partenariat avec DAZN. Le divorce entre la LFP et la plateforme de streaming avait été acté début mai, après une seule saison de collaboration.

Impasse tarifaire et stratégique entre Canal+ et la LFP

Le point de friction principal réside dans le prix d’abonnement envisagé pour la chaîne. La LFP aurait proposé un tarif autour de 20 euros par mois. Maxime Saada a estimé ce montant incompatible avec une offre ne comprenant pas l’intégralité des rencontres – huit matchs sur neuf par journée, beIN Sports conservant une affiche.

Le dirigeant de Canal+ a comparé cette proposition à l’abonnement « Pass 100% Coupes d’Europe » de son groupe, actuellement facturé 10 euros par mois, arguant qu’un tel différentiel tarifaire serait difficilement justifiable auprès du public. Il a rappelé l’échec commercial de DAZN, qui proposait une offre comprise entre 30 et 40 euros par mois.

Un désengagement assumé au profit des Coupes d’Europe

Pour Canal+, l’intérêt sportif et commercial de la Ligue 1 est aujourd’hui secondaire. La chaîne détient déjà les droits des Coupes d’Europe, où évoluent les clubs les plus suivis – PSG, OM, peut-être OL – et estime couvrir l’essentiel de la demande. Selon Daniel Riolo, « Canal+ n’a pas besoin de payer pour voir la Ligue 1 », en l’état actuel de l’offre.

Maxime Saada a confirmé ce positionnement, déclarant que les conditions n’étaient « pas réunies » pour envisager une distribution de la nouvelle chaîne LFP.

Le contentieux post-Mediapro n’a jamais été résolu

Le souvenir de la crise provoquée par la défaillance de Mediapro en 2021 continue de peser. Canal+ estime avoir été désavantagé lorsque, après le retrait de Mediapro, Amazon a acquis 80 % des matchs pour 250 millions d’euros par saison, tandis que Canal+ continuait de payer 332 millions pour deux rencontres hebdomadaires.

Maxime Saada a évoqué une demande de « réparation » pour ce qu’il considère comme un préjudice. Il a notamment proposé la codiffusion gratuite de l’affiche du dimanche soir pour une ou deux saisons, avant une remise sur le marché des droits. Il a toutefois réfuté toute volonté de revanche.

Des négociations interrompues malgré deux propositions

Avant de se retirer définitivement, Canal+ avait formulé deux propositions concrètes à la LFP. Dans le premier scénario, le groupe se serait vu confier la distribution exclusive de la chaîne Ligue 1 auprès de l’ensemble des opérateurs français, avec engagement d’un minimum garanti et possibilité de codiffuser une rencontre clé.

Le second scénario prévoyait une distribution non exclusive : Canal+ aurait été l’un des diffuseurs, misant sur sa base d’abonnés pour générer rapidement entre 800 000 et 1 million d’abonnements à la nouvelle chaîne.

Un dernier rendez-vous devait avoir lieu entre Maxime Saada et Nicolas de Tavernost, nouveau directeur général de LFP Media depuis fin avril. Il n’aura finalement jamais lieu. Saada a tranché unilatéralement, mettant ainsi fin à toute perspective de rapprochement. Cette décision consacre l’échec des négociations.

Une chaîne sans opérateur à six semaines du coup d’envoi

Le projet de chaîne 100 % Ligue 1, dont la LFP veut conserver la propriété, est toujours en gestation. Annoncé en juin par Nicolas de Tavernost, il devait faire l’objet d’une communication « à la fin du mois de juin ». À ce jour, aucun opérateur de diffusion n’a été désigné. La reprise du championnat est prévue pour le 15 août.

La création d’une chaîne en propre implique des coûts fixes importants : production, rédaction, infrastructure technique. Daniel Riolo a exprimé un fort scepticisme sur la viabilité économique du projet. Selon lui, au prix de 18 ou 19 euros par mois, il sera difficile d’atteindre la rentabilité à court terme : « On va se rouler dans la boue », a-t-il déclaré, pessimiste.


Réagissez à cet article