L’OL fait appel de sa relégation en Ligue 2, mais entre dettes colossales, retards et méfiance institutionnelle, l’issue paraît scellée.
Un appel sans illusion
L’Olympique Lyonnais a officiellement été rétrogradé en Ligue 2 par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Cette sanction, d’abord prononcée à titre conservatoire en novembre 2024, a été confirmée le 24 juin 2025. Malgré les assurances répétées de son propriétaire, John Textor, et les déclarations d’intention de ses représentants, le club n’est pas parvenu à convaincre l’instance de régulation du football professionnel français.
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Au-delà du choc symbolique que représente cette relégation — la première pour l’OL depuis 1983 — l’analyse des données disponibles laisse peu d’espoir à une issue favorable en appel. Dettes massives, garanties jugées insuffisantes, gouvernance instable, défiance des autorités sportives françaises : les éléments du dossier convergent vers un constat implacable.
Dérives du foot-business
Le contexte institutionnel ne joue pas en faveur de l’Olympique Lyonnais. Depuis plusieurs mois, la DNCG s’inscrit dans une logique de reprise en main du football professionnel, dans un climat politique propice à la fermeté. Le 10 juin dernier, le Sénat a adopté une loi renforçant les pouvoirs du gendarme financier. Le sénateur Laurent Lafon, rapporteur du texte, a explicitement évoqué le cas lyonnais comme un « exemple de l’autorité retrouvée » de la DNCG.
L’organisme ne se contente plus de signaler des irrégularités : il agit, tranche, et sanctionne. Les cas d’Ajaccio, relégué en National, ou de Nîmes, exclu des compétitions nationales, témoignent d’une volonté d’assainissement généralisé. Dans ce contexte, l’OL apparaît moins comme une exception que comme une illustration.
Un dossier trop fragile pour convaincre
Au cœur du rejet de la DNCG se trouvent les garanties financières présentées par le club. Selon les documents analysés par l’instance, seulement 40 millions d’euros issus de la cession de Crystal Palace étaient réellement mobilisables sur les 200 annoncés par John Textor. Ce décalage entre les annonces et les flux effectifs a fortement pesé dans la décision.
Par ailleurs, les projections budgétaires lyonnaises intégraient des recettes incertaines, notamment des ventes potentielles de joueurs du club brésilien Botafogo. Cette inclusion, jugée hors sujet, a été interprétée comme une tentative de maquillage comptable. Enfin, malgré l’interdiction faite par la DNCG d’intégrer des ventes hypothétiques dans les prévisions, le budget présenté s’appuyait sur des cessions de joueurs estimées à 100 millions d’euros — en plus du transfert de Rayan Cherki à Manchester City.
Une dette hors de contrôle
Depuis la construction du Groupama Stadium, la dette de l’OL n’a cessé de croître. Elle s’élevait à 330 millions d’euros lors de la prise de fonction de John Textor en 2022. Deux ans plus tard, elle dépasse les 540 millions. Cette dérive structurelle n’a pas été compensée par les ventes d’actifs (LDLC Arena, OL Reign) ni par les injections de fonds opérées par l’actionnaire américain (près de 170 millions d’euros).
Surtout, ces mesures correctrices sont arrivées trop tard pour peser dans la balance. La vente de Crystal Palace, par exemple, n’a pas encore été validée par la Premier League. Les montants espérés ne sont donc pas disponibles à court terme. Or, la DNCG ne juge pas des promesses, mais des fonds effectivement mobilisables. L’absence de liquidités immédiates — estimées à 70 millions d’euros pour une levée de sanction — a scellé le sort du club devant la commission.
Rupture de confiance avec les instances françaises
La question des chiffres ne saurait tout expliquer. Depuis son arrivée à Lyon, John Textor entretient une relation distante, voire conflictuelle, avec les autorités du football français. En juillet 2023 déjà, la DNCG avait imposé un encadrement de la masse salariale en raison du manque de garanties.
Le président américain a lui-même reconnu avoir échoué à établir un lien de confiance. « Je suis devenu un obstacle », a-t-il admis, en évoquant son souhait de se mettre en retrait pour faciliter l’appel. Ce retrait intervient après le départ de plusieurs dirigeants clés, dont Laurent Prud’homme et Baptiste Viprey, partis à quelques semaines d’intervalle. Ce contexte instable, associé à une communication parfois confuse, a fragilisé encore davantage la position du club.
L’UEFA impose sa propre discipline
Sur le plan européen, la situation n’est guère plus favorable. L’OL a conclu le 27 juin un accord avec l’Instance de Contrôle Financier des Clubs (ICFC) de l’UEFA, lui permettant de participer à la Ligue Europa… uniquement en cas de victoire en appel. Cet accord s’accompagne d’une amende de 50 millions d’euros (dont 12,5 millions fermes) et d’un encadrement strict de la masse salariale et des transferts.
L’UEFA a donc accepté le principe d’une régularisation, mais conditionnée à une issue favorable devant la DNCG. Ce signal ambigu confirme que certaines garanties apportées par Textor sont jugées crédibles, mais insuffisantes à court terme. L’OL se retrouve ainsi dans une forme de double contrainte institutionnelle : pénalisé en France, suspendu en Europe.
Une gouvernance sous pression judiciaire et financière
Les tensions autour de la gouvernance du club atteignent désormais le sommet du groupe Eagle Football. Trois investisseurs américains — Jamie Dinan, Alexander Knaster et Edward Eisler — exigent le remboursement de 93,6 millions de dollars avant le 2 juillet. Faute de quoi, ils envisagent une action en justice pour reprendre le contrôle du holding. Parallèlement, le fonds Ares Management, créancier principal du club, fait pression pour l’éviction de John Textor, dont les décisions sont jugées contre-productives.
Des négociations sont en cours pour mettre en place une nouvelle gouvernance. L’ancienne patronne d’OL Reign, Michele Kang, pourrait devenir présidente exécutive, et Michael Gerlinger — ex-Bayern Munich — est pressenti pour diriger les opérations. Mais cette recomposition, aussi prometteuse soit-elle, ne pourra produire ses effets avant l’audition en appel.
Le scénario d’un appel voué à l’échec
L’OL a annoncé sa volonté de contester la décision de la DNCG. Son argument principal repose sur la solidité d’une nouvelle direction, le renforcement des garanties financières et la bonne foi manifestée dans la régularisation du passif. Mais ces éléments arrivent tardivement, face à une instance déterminée à sanctionner les manquements structurels accumulés depuis deux ans.
Même si Gerlinger est désigné à temps, même si Michele Kang apporte de nouveaux fonds, la tâche s’annonce difficile. La dette reste colossale, les fonds ne sont pas disponibles immédiatement, et la défiance des autorités reste entière. Un retournement de situation supposerait non seulement une injection massive de liquidités, mais aussi une rupture nette avec la gouvernance précédente, dans un laps de temps extrêmement court.
Une issue logique à une série d’échecs
La relégation de l’OL n’est pas le fruit d’un malentendu. Elle est la conséquence d’un enchaînement de décisions contestables, d’une stratégie financière hasardeuse, d’un discours public souvent déconnecté des réalités comptables, et d’une rupture prolongée entre le club et ses régulateurs.
L’appel ne pourra pas effacer deux années de dérives. Il ne pourra compenser ni les promesses non tenues, ni les échéances non respectées, ni les chiffres contestés. En l’état, l’Olympique Lyonnais paie le prix d’un projet mal maîtrisé, porté par une gouvernance fragilisée, dans un football français désormais moins tolérant à l’égard des approximations financières.