À la tête de l’OGC Nice depuis plus d’une décennie, Jean-Pierre Rivère a transformé l’OGC Nice en acteur régulier du football européen. Sans éclats, sans tapage, sans les gestes spectaculaires qui marquent habituellement les figures d’autorité dans le sport. Dirigeant discret, entrepreneur aguerri, médiateur écouté, il incarne une forme de pouvoir peu visible mais bien réelle. À 67 ans, il continue d’exercer une influence forte au sein du football français, sans jamais chercher à s’imposer sur le devant de la scène.
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Il fuit les caméras
En 2011, lorsqu’il prend le contrôle de l’OGC Nice, Jean-Pierre Rivère n’est pas un inconnu, mais il ne fait pas partie du sérail. Ancien entrepreneur dans l’immobilier, il injecte 11 millions d’euros dans un club en difficulté financière. L’opération, rapidement menée, semble autant guidée par l’attachement au territoire que par une vision à long terme. Depuis, il n’a jamais revendiqué un rôle de président omnipotent. Sa gestion se distingue d’emblée par une posture rare dans le football français : il ne se rend au club qu’un jour par semaine, refuse les caméras et confie le quotidien à ses collaborateurs.
Rivère dirige à la manière d’un entrepreneur expérimenté : délégation, stratégie, lisibilité. “Mon rôle est d’imprimer une vision et d’ajuster la trajectoire”, dit-il. En creux, un modèle alternatif : celui d’un pouvoir qui ne s’exerce ni par l’omniprésence ni par le verbe, mais par la cohérence.
Un contre-modèle assumé
Dans un paysage footballistique saturé de figures clivantes et de coups de gueule, Rivère occupe une place singulière. Il n’est ni l’ancien joueur charismatique, ni le magnat flamboyant. Face à des dirigeants comme John Textor (OL) ou Nasser al-Khelaïfi (PSG), il adopte une posture de modération et de retrait. Mais son influence est loin d’être marginale. Lors de réunions tendues de la Ligue, son avis est souvent sollicité. En juillet 2024, alors que la tension monte entre les présidents de Paris et de Lyon, c’est à lui que s’adresse directement al-Khelaïfi pour désamorcer la crise.
Ce rôle de médiateur n’est pas accidentel. Il découle d’une trajectoire faite de constance et de peu de gestes mal calibrés. Rivère n’improvise pas, ne se place pas en opposition frontale, et conserve une capacité rare à maintenir le dialogue entre acteurs antagonistes. Il s’est imposé, non comme un leader de façade, mais comme un stabilisateur : une figure d’équilibre dans un écosystème marqué par l’instabilité.
Une réussite sans mise en scène
Avant le football, Jean-Pierre Rivère a bâti sa fortune dans l’immobilier. Avec ISelection, qu’il fonde en 1996, il anticipe la digitalisation du secteur et développe un modèle basé sur la sélection de programmes neufs. L’entreprise prospère rapidement. En 2008, il la revend à Nexity, réalisant une plus-value qui lui offre la liberté de ses choix futurs. Rivère ne capitalise pas cette réussite pour se mettre en avant. Il poursuit discrètement avec Rivère Group, spécialisé dans l’immobilier de prestige sur la Côte d’Azur.
Sa propre villa, édifiée à Villefranche-sur-Mer, résume sa conception du luxe : vaste, raffinée, mais silencieuse. Toit végétalisé, parc botanique, intégration paysagère. Même dans l’opulence, Rivère applique des principes de mesure et de durabilité. Une réussite architecturale qui n’est jamais devenue un argument de notoriété publique.
L’héritage niçois
À Nice, l’impact de Jean-Pierre Rivère est durable. L’OGC est passé d’un club fragile à une structure solide, avec un centre de formation performant, une identité claire, et une gestion financière respectée. Le club, désormais propriété d’INEOS, a connu des soubresauts — notamment lors de la crise de 2019 ou des incidents contre Marseille en 2021 — mais Rivère a maintenu le cap, jouant à chaque fois un rôle de médiateur ou de régulateur.
Sa capacité à s’adapter à une structure managériale nouvelle, à continuer d’influencer sans détenir de parts du capital, illustre une forme de résilience stratégique rare. Il ne cherche pas à contrôler, mais à orienter. Ce style de direction pourrait préfigurer de nouvelles formes d’engagement, moins spectaculaires, mais plus stables.