Le stage représente souvent une première immersion dans le monde du travail. Il permet aux étudiants de mettre en pratique leurs connaissances, de s’insérer dans un environnement professionnel et, parfois, de préparer leur entrée sur le marché de l’emploi. Mais cette expérience, aussi formatrice soit-elle, soulève une question récurrente : celle de sa juste rémunération.
Un cadre légal inchangé en 2025
Depuis septembre 2024, la gratification de stage est obligatoire pour toute période supérieure à deux mois, soit 309 heures de présence effective. En 2025, son montant reste fixé à 4,35 euros brut de l’heure, soit 15 % du plafond horaire de la Sécurité sociale (29 €), après une revalorisation de 7 % intervenue l’année précédente.
Cette somme équivaut à 669,90 euros pour un mois de stage à temps plein (22 jours travaillés à raison de 7 heures par jour), bien en deçà du SMIC brut mensuel de 1 801,80 euros. Elle est versée mensuellement et peut être calculée selon le nombre d’heures réellement effectuées ou répartie uniformément sur la durée du stage. En dessous du seuil légal, cette gratification est exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu.
Les stagiaires ont également droit à certains avantages alignés sur ceux des salariés : accès au restaurant d’entreprise, remboursement partiel des frais de transport, voire chèques déjeuner dans certains cas. Mais malgré ce cadre réglementaire, la réalité des pratiques varie largement selon les secteurs, les régions et la taille des entreprises.
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Des disparités de rémunération marquées
Sur le terrain, la plupart des entreprises dépassent le minimum légal. En 2024, la gratification moyenne d’un stagiaire indemnisé s’élevait à 1 017,90 euros brut par mois, soit près de 60 % de plus que le seuil fixé par la loi. Ce chiffre masque toutefois de fortes disparités.
La région parisienne concentre les rémunérations les plus élevées avec une moyenne de 1 169 euros, contre 860 euros en province. Dans le détail, l’Ouest de la France affiche une moyenne de 966 euros, contre 802 euros dans le Centre, 772 euros dans le Sud et 672 euros dans le Nord.
Les écarts sont tout aussi nets selon le secteur d’activité. Le secteur de la finance est le plus généreux (gratification moyenne de 1 283 euros). À l’opposé, la communication plafonne à 650 euros, les ressources humaines à 793 euros et le commerce à 782 euros.
La taille de l’entreprise joue également un rôle déterminant. Les grands groupes offrent les indemnisations les plus généreuses (1 240,86 €), loin devant les startups (861,63 €) et les PME (851,39 €). Les associations, quant à elles, proposent rarement plus de 400 euros mensuels. Certaines entreprises multinationales, comme Boston Consulting Group, Google ou Rothschild, se distinguent en versant jusqu’à 2 000 à 2 200 euros par mois à leurs stagiaires.
Une précarité étudiante persistante
La question de la gratification s’inscrit dans un contexte plus large, celui de la précarité étudiante. La situation s’est aggravée avec l’inflation. En 2024, 60 % des étudiants ont sollicité une aide alimentaire pour la première fois. L’association Linkee a ainsi distribué 250 000 colis alimentaires, contre 100 000 deux ans plus tôt.
Cette précarité pèse lourdement sur la réussite académique. Deux tiers des étudiants ayant recours aux épiceries solidaires déclarent sauter régulièrement des repas, près d’un tiers en sautent au moins quatre par semaine. Plus grave encore, 34 % n’ont pas les moyens d’acheter leurs livres, 28 % n’ont pas d’ordinateur, et un quart des étudiants abandonnent ou envisagent d’abandonner leurs études pour des raisons financières.
Revendications étudiantes et premières réponses publiques
Face à cette réalité, 90 % des stagiaires estiment leur gratification insuffisante pour atteindre l’indépendance financière. L’Union nationale des étudiants de France (UNEF) a lancé la plateforme “Stage à tarif garanti”, qui recense les stages rémunérés à au moins 800 euros par mois.
Une pétition citoyenne propose une réforme plus radicale : aligner la rémunération minimale des stagiaires sur celle des alternants de première année, soit environ 950 euros par mois (53 % du SMIC).
Du côté des pouvoirs publics, des mesures ont été annoncées. Depuis février 2025, un chèque alimentaire étudiant est distribué sous forme de carte prépayée, à hauteur de 20 à 50 euros par mois selon le profil. Par ailleurs, la FAGE demande une généralisation du repas à 1 euro, indépendamment du statut social, et une réforme des bourses pour atteindre un million de bénéficiaires. À ce jour, 63 % des usagers des épiceries solidaires ne perçoivent aucune bourse, soulignant l’inefficacité du dispositif actuel.
Une question structurelle d’égalité des chances
Si la gratification des stages a progressé ces dernières années, elle reste en deçà des besoins concrets des étudiants. Le coût moyen de la rentrée universitaire 2024 était de 3 157 euros, une somme difficile à assumer sans soutien familial ou ressources complémentaires.
Le débat autour de la rémunération des stages dépasse donc le seul cadre contractuel. Il interroge la place des étudiants dans l’économie, la reconnaissance de leur travail et, plus largement, la capacité du système éducatif à garantir l’égalité des chances. Dans ce contexte, la question du stage devient celle de la justice sociale.
Avant d’accepter une mission, il reste essentiel pour tout étudiant de se renseigner auprès de l’entreprise ou de la branche professionnelle : certaines conventions collectives prévoient des gratifications largement supérieures au minimum légal. Encore faut-il le savoir — et pouvoir négocier.