Ce qui n’était qu’un désaccord contractuel est devenu une bataille frontale. Depuis l’été 2023, Kylian Mbappé et le Paris Saint-Germain s’affrontent sur un terrain inattendu : celui des tribunaux. L’attaquant réclame plus de 55 millions d’euros en salaires et primes impayés. Le club nie toute dette et invoque un accord verbal. Deux ans de tensions, de procédures croisées, de coups symboliques. Derrière les chiffres, une lutte d’influence qui dépasse le cadre sportif et redessine les rapports de force entre joueurs et institutions.
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Été 2023 : un refus, une mise à l’écart, une fracture
Le conflit s’amorce le 12 juin 2023. Ce jour-là, Mbappé notifie au PSG qu’il ne lèvera pas l’option de prolongation d’un an inscrite dans son contrat. Conséquence directe : le club se voit privé de toute indemnité de transfert en cas de départ libre en 2024.
La réponse de la direction est immédiate : exclusion de la tournée estivale au Japon et en Corée du Sud, relégation dans le « loft » — une cellule d’entraînement séparée, réservée aux joueurs écartés du projet.
Cette pratique du « loft » provoque une réaction rapide de l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), qui la juge juridiquement contestable. Une plainte pour harcèlement moral est déposée, avec le soutien de Mbappé. Le rapport de force s’installe.
L’accord verbal au cœur du désaccord
C’est dans ce contexte que le PSG affirme avoir trouvé un compromis verbal avec son joueur. En août 2023, selon le club, Mbappé aurait accepté de renoncer à une série de paiements – soit environ 55 millions d’euros – pour compenser l’absence de transfert.
Mais en février 2025, l’avocate du joueur, Me Delphine Verheyden, récuse l’existence même de cet accord. Elle affirme qu’aucun engagement ne saurait modifier un contrat sans avenant signé, et surtout, que le règlement du football exige une homologation sous 15 jours. Faute de cela, toute discussion serait « nulle et non avenue ».
Le détail des sommes réclamées par Mbappé
Le montant exigé par Mbappé s’élève exactement à 55 416 668 euros, ventilés comme suit :
- 36,66 millions d’euros bruts pour le troisième tiers de sa prime de signature,
- 18,75 millions d’euros de salaires impayés pour les mois d’avril, mai et juin 2024 (5,75 millions par mois),
- 1,5 million d’euros au titre de primes d’éthique de 500 000 euros par mois sur la même période.
Ces sommes étaient inscrites dans un avenant contractuel signé le 21 mai 2022 et homologué par la LFP. Pour l’équipe juridique de Mbappé, le PSG n’a pas d’argument : le contrat est clair, signé, et exécuté par le joueur jusqu’à son terme.
La ligne de défense offensive du PSG
Le PSG persiste : l’accord verbal conclu en août 2023 prévaut. Selon le club, Mbappé aurait consenti à abandonner une part de ses rémunérations finales pour ne pas nuire à la santé financière du club, privé d’indemnité de transfert.
Du côté du joueur, on ne nie pas l’existence de discussions, mais on affirme qu’aucun accord formel n’a jamais été signé. Les propositions auraient été annulées de facto par la mise à l’écart du joueur, vécue comme une rupture de confiance.
En mai 2025, le PSG adopte une posture plus agressive. Lors d’une audience devant le juge de l’exécution, le club réclame 98 millions d’euros à Mbappé pour le préjudice supposément causé. L’avocat du club, Me Renaud Semerdjian, précise qu’il ne s’agit pas nécessairement de récupérer cette somme, mais de démontrer que la créance du joueur ne repose sur « aucune apparence de droit ».
Tribunal judiciaire et conseil des prud’hommes
Le 11 septembre 2024, la commission juridique de la LFP tranche en faveur de Mbappé. Elle ordonne au PSG de lui verser les 55 millions d’euros réclamés. Cette décision est confirmée le 25 octobre par la commission paritaire d’appel.
Le PSG, refusant de s’y conformer, saisit le tribunal judiciaire de Paris. Dans une requête de 20 pages datée du 2 décembre, ses avocats dénoncent une absence de base légale et contractuelle dans les décisions de la LFP, qu’ils demandent de considérer comme nulles.
Le 12 décembre 2024, la commission de discipline déclare la saisine de Mbappé irrecevable. Le PSG obtient que le litige bascule vers la juridiction qu’il juge compétente : le conseil des prud’hommes.
Contre-offensive judiciaire de Mbappé
Le camp Mbappé choisit alors l’escalade. Le 10 avril 2025, il déclenche une série d’actions judiciaires :
- Une saisie conservatoire de 55 416 668 euros sur les comptes du PSG, autorisée par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris,
- Une saisine du conseil des prud’hommes,
- Des plaintes pour injures publiques et diffamation à la suite de publications sur Facebook et X (anciennement Twitter),
- Une action conjointe avec l’UNFP pour dénoncer la pratique du « loft » comme une forme de harcèlement moral,
- Des recours auprès du ministère des Sports et de l’UEFA, dans le but de faire reconnaître officiellement un impayé qui pourrait priver le PSG de licence UEFA pour la saison 2025–2026.
L’avocat Me Thomas Clay justifie cette offensive : « Le club ne respecte ni le contrat de travail, ni le droit, ni les décisions de la justice française. »
Rebond judiciaire : une victoire procédurale pour le PSG
Le 26 mai 2025, le PSG remporte une première manche. Le juge de l’exécution ordonne la mainlevée des saisies conservatoires sur trois de ses comptes.
Cette décision, rendue au motif que la créance de Mbappé est contestée et qu’il n’y a pas de risque imminent de non-paiement, ne tranche pas le fond du litige. Seuls 14 millions d’euros avaient effectivement été bloqués.
L’entourage du joueur minimise cette décision, en expliquant qu’elle repose sur un engagement du PSG à garantir sa solvabilité. Le litige principal reste entier, et doit désormais se poursuivre devant les prud’hommes.
Un affrontement à double coût
Malgré ce contentieux, Mbappé a signé avec le Real Madrid à l’été 2024. Son contrat prévoit un salaire annuel net estimé entre 15 et 20 millions d’euros, bien inférieur aux 72 millions d’euros annuels perçus au PSG. Il bénéficie en revanche d’une prime à la signature d’environ 100 millions, et conserve 80 % de ses droits à l’image, contre 60 % en moyenne pour les joueurs du club madrilène.
Pour le PSG, l’impact est double : financier, avec un risque de devoir verser une somme significative ; symbolique, avec une perte d’autorité dans la gestion contractuelle de ses joueurs. Si les 55 millions d’euros ne remettent pas en cause les équilibres du club (son budget annuel atteint 800 millions), le conflit l’expose à une dégradation de son image au moment où il vient enfin de remporter cette Ligue des Champions tant espérée.