La qualité des eaux de baignade en France connaît en 2025 une dégradation sensible, confirmée par les dernières données publiées par l’association Eau et Rivières de Bretagne. Sur les 1 854 plages analysées en métropole et en Corse, 447 présentent désormais un risque sanitaire avéré. Ce chiffre, en hausse par rapport à 2024, illustre les effets conjugués du changement climatique, de la pression anthropique et de systèmes d’assainissement défaillants. Face à une pollution plus diffuse mais persistante, les experts appellent à une action structurelle et à une meilleure information du public.
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Une détérioration progressive de la qualité des eaux
En 2024, 77,94 % des plages françaises étaient classées comme « recommandées » ou « peu risquées ». En 2025, ce chiffre tombe à 75,89 %. Une baisse qui, bien que relative, révèle une tendance préoccupante à la dégradation des milieux côtiers. 83 plages sont désormais jugées « à éviter » et 364 « déconseillées », selon les critères d’analyse affinés par Eau et Rivières de Bretagne.
Cette situation s’explique en grande partie par les fortes précipitations de l’été 2024. Celles-ci ont saturé les réseaux d’assainissement, souvent unitaires, provoquant des déversements d’eaux usées non traitées en mer. Elles ont également entraîné un lessivage massif des terres agricoles, charriant nitrates et bactéries vers les littoraux.
Régions à risque : la cartographie des plages polluées
Nord / Pas-de-Calais : l’accumulation des vulnérabilités
La façade Manche Est–Mer du Nord concentre les indicateurs les plus dégradés. Dans les Hauts-de-France, seules 39 % des eaux de baignade sont classées « excellentes », contre 80 % en Atlantique Sud ou en Méditerranée. À elle seule, la région compte 22 plages jugées à éviter, notamment en raison des rejets d’eaux usées, des débordements de bassins de rétention et d’une activité industrielle dense. Le Crotoy, dans la Somme, reste interdit à la baignade depuis 2018.
Bretagne : une pollution diffuse issue de l’agriculture
La Bretagne, notamment le Finistère, est confrontée à une pollution d’origine agricole persistante. À Landunvez, les analyses ont révélé des concentrations élevées en E. coli et en salmonelles. Le lisier épandu sur les terres, en particulier celui issu des élevages industriels, est emporté par les pluies vers les rivières, puis la mer. Les fermes-usines concentrent une part considérable de la pollution bactérienne, avec des impacts désormais mesurables sur la qualité des eaux de baignade.
Alpes-Maritimes : urbanisation et saturation des réseaux
Sur la Côte d’Azur, 36 plages sont classées « à éviter ». Les communes de Vallauris, Antibes ou Saint-Laurent-du-Var subissent les effets de l’urbanisation rapide, des surcharges estivales et des pluies intenses caractéristiques du climat méditerranéen. Les rejets d’eaux usées non traitées dans la Méditerranée, parfois répétés, conduisent à des fermetures temporaires devenues fréquentes.
Systèmes d’assainissement : une faiblesse structurelle
La grande majorité des systèmes d’assainissement des eaux en France repose sur des réseaux unitaires, conçus pour collecter à la fois les eaux usées et les eaux pluviales. Lors de précipitations importantes, ces réseaux débordent. Or, dans plusieurs agglomérations, ils sont sous-dimensionnés par rapport aux normes actuelles, ne permettant pas d’absorber les épisodes pluvieux extrêmes de plus en plus fréquents.
L’arrêté du 21 juillet 2015 impose un seuil maximal de 5 % de rejets annuels. Une obligation souvent non respectée, faute d’investissements suffisants. Les solutions existent : mise en place de réseaux séparatifs, réservoirs de stockage, amélioration des capacités de traitement. L’exemple de la ville italienne de Rimini, qui a considérablement réduit ses rejets grâce à une politique volontariste, montre que des résultats sont possibles.
L’impact croissant des algues toxiques
Ostreopsis : la menace invisible
Depuis 2021, une microalgue tropicale, Ostreopsis ovata, prolifère sur les côtes du sud-ouest de la France. Invisible à l’œil nu, elle libère des toxines dans les embruns, provoquant des troubles respiratoires, cutanés ou digestifs. Près de 900 cas ont été recensés depuis son apparition. L’inhalation suffit à provoquer des symptômes, parfois comparables à ceux du Covid-19.
Algues vertes : un fléau ancien, toujours actif
En Bretagne, les marées d’algues vertes persistent depuis plusieurs décennies. Leur prolifération est alimentée par les nitrates issus des rivières côtières. Lorsqu’elles se décomposent, elles émettent de l’hydrogène sulfuré, gaz toxique potentiellement létal à forte concentration. Un réseau de capteurs a été déployé depuis 2022 pour surveiller les émanations, notamment dans les baies les plus exposées.
Les infections liées à la baignade
La contamination des eaux par des bactéries fécales — E. coli et entérocoques — est la première cause d’infection associée à la baignade. Les symptômes les plus fréquents sont les gastro-entérites, les otites ou les infections cutanées. Les enfants de moins de cinq ans, les personnes âgées ou immunodéprimées sont particulièrement vulnérables. Une simple immersion dans une eau contaminée peut suffire à entraîner une infection.
Les effets des algues toxiques, en particulier l’Ostreopsis, touchent quant à eux aussi les personnes situées à proximité immédiate de la mer. Les maîtres-nageurs, restaurateurs ou surveillants de plage sont parmi les populations les plus exposées.
Se protéger : les bons réflexes
Avant de se rendre à la plage, plusieurs outils permettent d’évaluer les risques sanitaires. Le site officiel baignades.sante.gouv.fr fournit des données actualisées par les Agences Régionales de Santé. L’association Eau et Rivières de Bretagne propose de son côté un classement indépendant, basé sur l’analyse statistique des prélèvements sur quatre années.
Sur place, les panneaux d’information sont parfois lacunaires ou peu visibles. Il est recommandé d’éviter les baignades après des pluies importantes, à proximité d’embouchures de rivières ou de zones d’élevage intensif. Après la baignade, une douche est fortement conseillée, en particulier en cas de suspicion de pollution ou de présence d’algues.