La loi de finances pour 2025 autorise les départements à relever temporairement les droits de mutation sur les transactions immobilières dans l’ancien. Une disposition adoptée par l’immense majorité des collectivités, qui alourdit sensiblement la charge des acquéreurs, à l’exception des primo-accédants.
Un cadre légal inédit pour les départements
La loi de finances pour 2025 modifie en profondeur le régime des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sur les achats de logements anciens. Les conseils départementaux peuvent désormais relever le taux de leur part départementale de 4,50 % à 5 % pour les actes authentiques signés entre le 1ᵉʳ avril 2025 et le 31 mars 2028. Ce relèvement porte le taux global des DMTO à 6,31 %, contre 5,80 % auparavant.
Cette mesure, strictement encadrée dans le temps, ne s’applique pas aux primo-accédants, qui restent soumis au taux en vigueur au 31 janvier 2025, soit 4,50 % dans la majorité des départements, et 3,80 % dans l’Indre, le Morbihan et Mayotte. La loi autorise également les départements à exonérer ou alléger ces droits pour les primo-accédants sous condition de résidence principale.
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Une adoption massive mais non unanime
Depuis l’entrée en vigueur du dispositif, 84 départements sur 101 ont voté la hausse du taux départemental à 5 %. 27 d’entre eux l’ont appliquée dès avril, 47 supplémentaires en mai, et 10 nouveaux départements ont suivi depuis le 1ᵉʳ juin. Le Morbihan, qui appliquait jusqu’alors le taux le plus bas de France (3,80 %), a directement relevé son taux à 5 % à compter du 1ᵉʳ mai, entraînant une hausse de 24 % des droits de mutation dans ce territoire.
À l’inverse, 17 départements n’ont pas encore délibéré en ce sens, invoquant des raisons budgétaires ou politiques. L’Indre, par exemple, maintient un taux de 3,80 %, le plus faible de France. Tous peuvent encore décider d’appliquer la hausse jusqu’en novembre 2027.
Un impact budgétaire et fiscal chiffré
Pour les acheteurs, cette hausse représente un surcoût non négligeable : environ 500 € supplémentaires par tranche de 100 000 € d’achat. À titre d’exemple, un logement ancien de 300 000 € implique désormais des droits de mutation supérieurs de 1 500 € dans un département passé à 5 %. Dans le Morbihan, un bien de 500 000 € entraîne une hausse de près de 6 000 € des droits à verser au notaire.
Du côté des finances publiques, l’enjeu est considérable. Entre 2022 et 2024, les recettes départementales issues des DMTO ont chuté de près de 30 % dans certains territoires. La perte cumulée à l’échelle nationale s’élève à plusieurs milliards d’euros. Les Yvelines, par exemple, estiment à 140 millions d’euros leur manque à gagner sur deux ans. Le gouvernement prévoit un gain global d’un milliard d’euros sur trois ans grâce à la hausse des taux.
Primo-accédants : protection partielle et initiatives locales
Les primo-accédants échappent à la hausse généralisée, sous réserve de ne pas avoir été propriétaires de leur résidence principale au cours des deux dernières années et d’occuper le logement acheté à titre de résidence principale. La loi prévoit, en outre, la possibilité pour les départements de réduire ou supprimer leur part des droits de mutation pour cette catégorie d’acquéreurs, à condition que le bien soit conservé comme résidence principale pendant cinq ans.
À ce jour, seule la Savoie a mis en œuvre cette faculté, en instaurant un taux réduit de 4 % pour les primo-accédants, contre 5 % pour les autres acheteurs. L’Allier va plus loin : depuis janvier 2025, il prend en charge l’intégralité des frais de notaire pour les primo-accédants, dans la limite de 7 500 €, voire 10 000 € pour les logements vacants de longue durée.
Une mesure critiquée par les professionnels de l’immobilier
La Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) et plusieurs syndicats professionnels dénoncent une mesure inopportune, susceptible d’aggraver la crise que traverse le marché. Le volume annuel de transactions a chuté de plus de 35 % entre 2021 et 2024, passant de 1,2 million à 770 000 ventes, une baisse inédite depuis 2008. Pour les professionnels, l’alourdissement des frais d’acquisition risque de freiner davantage la reprise, en particulier dans les zones déjà tendues.
À Paris, le surcoût lié à la hausse du taux départemental peut atteindre jusqu’à 5 000 € pour un bien de 100 m². Pour des ménages déjà confrontés à la remontée des taux d’intérêt et à des prix immobiliers encore élevés, cette charge supplémentaire est jugée dissuasive.
Un arsenal élargi pour soutenir l’accession
La réforme des droits de mutation s’inscrit dans un ensemble plus vaste de mesures en faveur de l’accession à la propriété, inscrites dans la loi de finances 2025. Depuis le 1ᵉʳ avril, le prêt à taux zéro (PTZ) a été élargi à tous les primo-accédants, quels que soient la localisation ou le type de bien. Le montant finançable peut désormais atteindre 50 % du prix du logement dans certaines zones.
Par ailleurs, les donations familiales destinées à financer un achat immobilier neuf sont exonérées de droits de donation à hauteur de 100 000 € par parent et par enfant, dans la limite de 300 000 € par bénéficiaire, jusqu’au 31 décembre 2026. Les fonds doivent être utilisés dans un délai de six mois pour l’achat d’un logement neuf ou des travaux de rénovation énergétique.
Enfin, dans les zones dites « France ruralités revitalisation » (ZFRR), les départements peuvent appliquer un abattement sur la base imposable des droits de mutation. Seul le Calvados en fait actuellement usage, avec un abattement de 46 000 € depuis le 1ᵉʳ juin 2025.
Un paysage fiscal en recomposition
La réforme intervient alors que d’autres changements réglementaires influent également sur le marché immobilier. Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, les logements classés G au diagnostic de performance énergétique sont considérés comme indécents et interdits à la location. Parallèlement, les critères de MaPrimeRénov’ ont été resserrés, avec un ciblage renforcé sur la rénovation énergétique.