Rats dans les villes : révélations sur une invasion incontrôlable

Paris, Marseille, Bordeaux : les rats envahissent les villes françaises, posant une menace sanitaire urgente aggravée par le climat.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Paris compterait aujourd’hui entre 3 et 6 millions de rats, soit un ratio estimé entre 1,75 et 3 rongeurs par habitant selon les projections des professionnels de la dératisation. Ce nombre classe la capitale française parmi les villes les plus infestées au monde, juste derrière Deshnoke (Inde), Londres et New York.

Des villes françaises face à une prolifération record de rats

Mais le phénomène dépasse largement les frontières parisiennes. Marseille fait également face à une infestation significative avec environ 1,5 million de rats, dépassant désormais un rat par habitant. À Bordeaux, la hausse spectaculaire du nombre d’interventions de dératiseurs illustre cette progression inquiétante : elles sont passées d’une vingtaine par mois à environ vingt-cinq par jour entre 2021 et 2024, traduisant une situation devenue hors de contrôle.

« Les rats n’ont jamais été aussi visibles », constate Laurent D., dératiseur professionnel à Marseille. « Ce qui était autrefois discret devient un problème public que plus personne ne peut ignorer ».

A LIRE AUSSI
Cette appli révèle les coins les plus moches de votre ville

Le changement climatique favorise l’infestation urbaine

Les explications de cette expansion sont multiples, mais le réchauffement climatique est désormais clairement identifié comme un accélérateur majeur. Selon une étude publiée par la revue scientifique Science Advances en 2025, onze grandes villes mondiales analysées, dont Washington, San Francisco, Toronto et New York, connaissent des augmentations significatives de leurs populations de rongeurs, directement liées aux hivers plus doux.

La biologiste Alice Sinia précise que « ces températures clémentes ont supprimé le contrôle naturel exercé auparavant par le froid hivernal, permettant aux rats de se reproduire en continu ». Une femelle rat peut désormais produire jusqu’à quatre portées par an, chacune comprenant jusqu’à treize petits.

À ces conditions climatiques favorables, s’ajoutent des facteurs urbains décisifs : l’abondance permanente de déchets alimentaires et la complexité du réseau souterrain urbain offrent aux rongeurs des conditions de vie optimales. À Paris, on estime que les rats consomment jusqu’à 800 tonnes de déchets chaque jour, révélant paradoxalement un rôle involontaire de régulateurs urbains.

Pourquoi les municipalités échouent à contenir l’invasion ?

Les autorités municipales françaises ont pourtant investi des moyens financiers considérables dans cette bataille, sans succès probant. Dès 2017, la mairie de Paris avait alloué 1,5 million d’euros à son premier grand plan anti-rats. Aujourd’hui, la capitale continue d’investir massivement avec l’installation de mille pièges mécaniques supplémentaires et le déploiement de centaines d’agents de propreté en vue des Jeux olympiques de 2024.

Les arrondissements multiplient les expérimentations coûteuses : dans le XVIIᵉ arrondissement, par exemple, des pièges « intelligents » équipés de capteurs ont été testés, coûtant 750 euros pièce. Malgré ces efforts, l’efficacité demeure limitée.

Cette inefficacité s’explique aussi par un cadre législatif complexe : les maires sont tenus par le Code général des collectivités territoriales d’assurer la salubrité publique, mais se heurtent à des réglementations contradictoires, notamment depuis la loi EGalim de 2018 qui restreint la vente directe de certains raticides au grand public. Certaines municipalités tentent des approches alternatives : Rosny-sous-Bois mène ainsi des campagnes ponctuelles renforcées par des travaux d’hermétisation. Paris a lancé la plateforme de signalement citoyenne « signalerunrat.paris ». Mais l’impact reste marginal.

Risque sanitaire croissant lié aux rats en milieu urbain

Cette prolifération exponentielle représente avant tout un danger sanitaire grave, souvent sous-estimé. En 2022, l’Académie nationale de médecine avait alerté les autorités, rappelant que les rats sont vecteurs de maladies potentiellement mortelles comme la leptospirose. Le nombre de cas recensés en France a doublé depuis 2014, et les spécialistes craignent une poursuite de cette tendance.

La leptospirose, transmise par l’urine contaminée, entraîne des complications rénales graves avec un taux de mortalité compris entre 5% et 20%. Plus marginalement mais tout aussi inquiétant, les rats restent susceptibles de propager d’autres infections telles que la fièvre par morsure de rat, voire, bien que peu probable avec les rats d’égout actuels, la peste bubonique.

Cette menace sanitaire s’accompagne d’un coût économique invisible mais réel pour les citoyens : alors que les interventions municipales restent insuffisantes, les particuliers se tournent vers des entreprises privées, à raison de 150 à 300 euros par intervention, créant ainsi une disparité d’accès au traitement en fonction des revenus.


Réagissez à cet article