Deux jeunes ingénieurs sur trois de la promotion diplômée en 2024 étaient en emploi début 2025, selon l’enquête annuelle de la Conférence des Grandes Écoles (CGE). Un chiffre en net recul pour la deuxième année consécutive, qui signe un infléchissement préoccupant dans un paysage professionnel où ces profils figuraient jusqu’alors parmi les plus recherchés.
Le ralentissement économique, conjugué à une contraction du marché de l’emploi cadre, affecte de plein fouet l’insertion des jeunes diplômés. Mais derrière ces difficultés conjoncturelles se dessinent également des mutations plus profondes, liées à l’évolution des compétences attendues, à l’usage croissant de l’intelligence artificielle et à des aspirations professionnelles en pleine recomposition.
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Un recul inédit de l’emploi des jeunes diplômés en 2025
Le taux net d’emploi des jeunes diplômés issus des écoles d’ingénieurs s’élève à 82,4 % en 2024, en baisse de 7,2 points par rapport à l’année précédente. À l’échelle de l’ensemble des Grandes Écoles, le recul atteint 5,6 points, ramenant le taux global à 80,2 %. Ce niveau n’avait plus été observé depuis 2021, au cœur de la crise sanitaire.
Dans le détail, les ingénieurs restent les diplômés les mieux insérés, mais la dynamique s’essouffle. Les managers (78,3 %) et les diplômés des autres spécialités (73,3 %) connaissent eux aussi un repli significatif, avec une hausse sensible du nombre de jeunes en recherche d’emploi : 16,9 % au total, dont plus de 20 % dans certaines filières.
Cette dégradation du premier accès à l’emploi s’explique d’abord par le contexte général : selon l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), le volume des recrutements de cadres a marqué un net ralentissement en 2024. Les jeunes diplômés, souvent sans expérience significative, en sont les premiers affectés.
Des conditions contractuelles encore solides pour les ingénieurs
Ce ralentissement ne signifie pas pour autant un effondrement du marché. Une fois insérés, les jeunes diplômés bénéficient toujours de conditions d’emploi globalement favorables. Près de 85 % des ingénieurs recrutés en France le sont en contrat à durée indéterminée (CDI), et plus de 90 % accèdent au statut cadre dès leur premier poste.
Le délai d’insertion reste également relativement court : plus de huit jeunes diplômés sur dix trouvent un emploi dans les deux mois suivant l’obtention de leur diplôme. Pour les ingénieurs, les stages de fin d’études jouent un rôle déterminant : deux tiers d’entre eux décrochent un contrat avant même la fin de leur cursus.
Côté rémunération, la tendance est à la progression modérée. Le salaire brut annuel moyen hors primes pour les ingénieurs s’établit à 39 129 €, en hausse de 1,5 % par rapport à l’année précédente. Ce niveau reste légèrement inférieur à celui des managers, mais supérieur à celui des diplômés d’autres spécialités.
L’expérience professionnelle, toujours un levier clé d’insertion
La principale difficulté rencontrée par les jeunes ingénieurs en recherche d’emploi reste le manque d’expérience professionnelle. Ce facteur est cité comme un frein prioritaire, devant le niveau de rémunération ou les conditions de travail. L’apprentissage et les stages prolongés apparaissent donc comme des leviers décisifs pour sécuriser l’insertion.
L’effet de l’apprentissage est toutefois contrasté selon les filières. Chez les ingénieurs et les diplômés des filières techniques, les parcours en alternance améliorent sensiblement les taux d’emploi et les conditions contractuelles. À l’inverse, dans les écoles de management, les apprentis affichent des résultats inférieurs à leurs homologues non apprentis, tant en termes d’emploi que de rémunération.
L’intelligence artificielle bouscule les attentes du marché
L’enquête CGE 2025 confirme par ailleurs l’ancrage rapide de l’intelligence artificielle générative dans les pratiques professionnelles. Près des deux tiers des jeunes diplômés en poste y ont recours, souvent de manière ponctuelle, parfois dans une logique plus intégrée. Chez les ingénieurs, la génération de code devient un usage répandu.
Cette évolution des outils de travail contribue à faire émerger une demande accrue de compétences transversales, à l’intersection de la technique, de la maîtrise des données et de la gestion de projet. Ceux qui n’ont pas été exposés à ces outils durant leur formation peuvent se retrouver pénalisés à l’embauche.
L’insertion professionnelle des jeunes ingénieurs reste aussi marquée par des inégalités de genre. Les écarts de salaires bruts entre femmes et hommes atteignent en moyenne 5,1 % dans les filières d’ingénierie dès la première embauche. Les femmes sont également plus souvent recrutées en CDD (20,5 % contre 11,4 % pour les hommes) et moins fréquemment promues au statut cadre.