Un dimanche soir au Vélodrome. Plus de 64 000 spectateurs, chants ininterrompus, tribunes debout. À Paris, le Parc des Princes affiche également complet, mais dans un autre registre : loges pleines, stars du showbiz en tribunes, touristes en tribunes. Deux ambiances. Deux réalités. Et une même interrogation : qu’est-ce qu’un club populaire en 2025 ?
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L’affrontement entre l’Olympique de Marseille et le Paris Saint-Germain ne se joue plus seulement sur le terrain. Il se joue aussi dans les tribunes, dans les chiffres d’audience, sur les réseaux sociaux et dans les imaginaires collectifs. Entre enracinement local et rayonnement mondial, entre accessibilité sociale et stratégie premium, les deux clubs incarnent deux modèles opposés. Cette enquête examine, au-delà des passions, les données qui redéfinissent aujourd’hui la notion de popularité dans le football français.
Dans les tribunes : deux politiques, deux philosophies
À Marseille, l’abonnement pour la saison 2025-2026 en virage est maintenu à 180 euros, incluant les matchs de Ligue 1 et de Coupe de France. Le pack Ligue des Champions, proposé à 90 euros supplémentaires, porte le coût total à 270 euros. Une stabilité tarifaire assumée par le club, qui revendique un football accessible. Résultat : 13 000 abonnements vendus en 24 heures lors de la première journée de campagne en juin, un record depuis 2019.
À Paris, les tarifs suivent une logique opposée. Pour la même saison, un abonnement en virage Auteuil coûte 460 euros. Les places en tribune latérale atteignent 640 euros, et l’offre Club Premier s’élève à 1320 euros. Une politique assumée par la direction du PSG, qui met en avant une demande soutenue et une offre haut de gamme. Le club a porté son quota d’abonnements à 36 750 cette saison, avec 750 places supplémentaires mises sur le marché.
Ces choix tarifaires traduisent deux approches du football. À Marseille, la priorité est donnée à l’ancrage populaire, avec une offre accessible pour les classes moyennes et populaires. À Paris, la stratégie vise un public plus aisé, parfois international, attiré par l’expérience du spectacle autant que par l’attachement au club.
L’épreuve des stades : Marseille seul en tête
Avec une affluence moyenne de 64 044 spectateurs par match en Ligue 1, l’Olympique de Marseille a dominé la saison 2024-2025. Le taux de remplissage du Vélodrome atteint 96 %, avec plusieurs matchs à plus de 66 000 spectateurs. Tous les matchs à domicile ont été joués à guichets fermés, pour un total de plus d’1,1 million de spectateurs sur l’ensemble de la saison.
Le club comptait 49 000 abonnés, un des chiffres les plus élevés d’Europe. À la mi-juin, lors de la deuxième phase de campagne d’abonnement pour 2025-2026, seules 17 000 places restaient disponibles pour le grand public, vendues en moins de 48 heures. Lors du dernier Classique, la demande aurait permis de remplir le stade plus d’une fois.
Le PSG, pour sa part, enregistre une affluence moyenne de 46 867 spectateurs au Parc des Princes, soit un taux de remplissage de 96,5 %. Si le nombre est inférieur, c’est avant tout une question de capacité : le stade parisien ne peut accueillir que 47 929 personnes. Le taux de renouvellement des abonnements atteint 98 %, ce qui explique la stabilité d’un public fidèle. Le club a enchaîné 156 matchs consécutifs à domicile à guichets fermés depuis 2017.
L’arène numérique : domination parisienne
C’est sur les réseaux sociaux que le PSG prend une longueur d’avance décisive. Avec plus de 181 millions d’abonnés cumulés sur toutes les plateformes, le club parisien est sans équivalent en France. Sur Instagram, il compte 62,9 millions de followers, contre 3,4 millions pour l’OM. L’écart est similaire sur Facebook (52 millions contre 8,1), X (15,2 contre 4,3) et TikTok, où le PSG rassemble 44 millions d’abonnés — troisième club mondial derrière le Real Madrid et le FC Barcelone.
Le départ de Kylian Mbappé n’a pas freiné cette dynamique : le PSG a gagné 4 millions d’abonnés sur TikTok en un an. Cette puissance numérique participe à la construction d’une image de club global, soutenu par une stratégie de communication sophistiquée et multilingue.
L’Olympique de Marseille, malgré des moyens incomparablement moindres, affiche une progression significative. Le club a franchi cette saison la barre des 25 millions d’abonnés, en hausse de 40 % par rapport à l’an dernier. L’OM publie désormais ses contenus en neuf langues, avec un fort ancrage sur le continent africain, qui représente 37 % de son audience numérique. Sur TikTok, le club a gagné 1,2 million d’abonnés en un an.
Notoriété : territoire contre monde
Les données Google Trends de ces douze derniers mois confirment la prédominance numérique du PSG. Le club est davantage recherché que l’OM dans 18 régions françaises sur 22, à l’exception de la Provence-Alpes-Côte d’Azur, du Languedoc, de la Corse et de Rhône-Alpes. À l’international, l’écart est encore plus net : Paris est le club français le plus recherché dans 68 pays. L’OM n’en domine qu’un seul — la Grèce, lors d’un pic ponctuel dû à un match contre le Panathinaïkós.
Cette différence traduit deux modèles de notoriété. Le PSG s’inscrit dans une logique d’expansion mondiale, avec une audience diffuse, alimentée par les résultats, les joueurs stars et une forte visibilité médiatique. L’OM, en revanche, conserve un réseau dense de soutiens en France et à l’étranger, structuré autour d’un sentiment d’identité. Paradoxalement, seulement 20 % de ses supporters vivent en région PACA ; l’Île-de-France en concentre 18 %, ce qui témoigne d’une popularité au-delà des frontières régionales.
Deux formes de légitimité populaire
Au terme de cette analyse, deux formes de popularité se dessinent. L’Olympique de Marseille reste le club français qui mobilise le plus de spectateurs au stade. Son abonnement est le plus accessible des grands clubs européens. Son public, majoritairement populaire, remplit un stade de près de 67 000 places chaque semaine. À travers ses chiffres, l’OM incarne une fidélité de masse, enracinée dans une mémoire collective, sociale et territoriale.
À l’opposé, le Paris Saint-Germain s’est imposé comme la marque française la plus reconnue dans le football mondial. Ses revenus les jours de match ont atteint 170 millions d’euros en 2023-2024, soit 3 550 euros par siège sur la saison. Le Parc des Princes est aujourd’hui le stade le plus rentable d’Europe. Cette réussite repose sur une stratégie assumée : spectacles de haut niveau, positionnement premium, conquête globale.
Les derniers sondages montrent que 54 % des Français déclarent préférer le PSG à l’OM, contre 46 % il y a quatre ans. Mais Marseille reste perçu comme “le club qui a les meilleurs supporters” (53 %), et “celui qui a le plus marqué l’histoire du football français” (48 %).