L’égalité des chances à l’embauche reste, dans de nombreuses entreprises, un principe plus souvent affirmé que pratiqué. Malgré un cadre légal renforcé, les discriminations subsistent, parfois à l’insu même des recruteurs. Pour les prévenir, il ne suffit plus de déclarer des engagements : il faut revoir en profondeur les méthodes de sélection, objectiver les choix, former les intervenants, et structurer l’ensemble du processus.
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Les formes visibles et invisibles de la discrimination à l’embauche
La discrimination à l’embauche prend des formes variées. Certaines sont directes : un critère interdit est exprimé sans détour dans l’offre ou au cours de l’entretien. D’autres sont plus insidieuses. Un poste situé dans une zone difficilement accessible en transports peut, sans l’annoncer, écarter une partie des candidats. Une exigence injustifiée sur la maîtrise d’une langue étrangère peut exclure des profils pourtant qualifiés. L’intention n’est pas toujours discriminatoire, mais les effets le sont.
À cela s’ajoutent les biais cognitifs. Le recruteur n’est jamais neutre. Il perçoit, évalue, compare à travers le prisme de ses représentations. Il peut être influencé par un diplôme familier, une attitude rassurante, une appartenance sociale similaire à la sienne. L’effet de halo, le biais de confirmation ou encore le stéréotype implicite orientent inconsciemment les décisions. Ces mécanismes sont documentés, prévisibles, et pourtant rarement corrigés.
Recrutement : ce qu’il faut changer
Pour éviter que les biais ne guident la sélection, il est nécessaire de construire un cadre d’évaluation rigoureux. Tout commence par la définition précise des compétences attendues. Un poste doit être décrit à partir d’exigences vérifiables, et non d’intuitions ou d’habitudes. La fiche de poste devient alors un outil de cohérence, non un document administratif.
L’entretien doit, lui aussi, être structuré. Chaque candidat doit être reçu selon un canevas identique, avec des questions préparées à l’avance, notées selon des critères partagés. Ce formalisme n’est pas un excès de zèle : c’est une condition de comparabilité. En associant plusieurs évaluateurs à la décision, on limite également l’impact des perceptions individuelles.
Outils et solutions pour supprimer la discrimination à l’embauche
Certaines étapes peuvent être automatisées ou encadrées par des dispositifs techniques. L’anonymisation des CV, par exemple, permet de supprimer temporairement les informations non pertinentes comme le nom, l’âge, l’adresse ou la photo. Elle ne garantit pas l’absence de discrimination, mais elle retarde l’apparition des biais.
Des tests techniques ou des mises en situation standardisées peuvent compléter cette approche. Ils permettent d’évaluer une compétence réelle plutôt que de se fier à un parcours. D’autres outils, comme les logiciels de suivi de candidatures, peuvent intégrer des fonctionnalités de pilotage : taux de diversité dans les candidatures reçues, différences dans les taux de réponse, cohérence des shortlistings. Là encore, l’objectif n’est pas de déléguer la sélection à la machine, mais de surveiller les points de rupture.
Former les recruteurs
Aucun outil ne peut compenser l’absence de formation. Les recruteurs doivent être formés à identifier leurs propres biais et à comprendre les mécanismes qui influencent leurs jugements. Il ne s’agit pas seulement de connaître les obligations juridiques, mais de développer une vigilance active.
Des sessions de mise en situation, des analyses de pratiques, des modules sur les stéréotypes implicites peuvent faire évoluer les représentations. L’apprentissage de l’écoute, la gestion du silence, la capacité à reformuler sans projeter sont autant de compétences utiles pour conduire un entretien sans fausser l’échange.
Enfin, les efforts en matière de non-discrimination ne peuvent rester isolés. Ils doivent s’inscrire dans une stratégie plus large de gestion des ressources humaines. Cela suppose de diversifier les canaux de sourcing, de construire des partenariats avec des acteurs de l’insertion, de remettre en question les filtres scolaires ou géographiques habituels.
La diversité ne se décrète pas, elle se construit par des choix d’organisation, de communication, de gouvernance. Il est possible d’intégrer des objectifs de diversité dans les tableaux de bord RH, de les articuler avec la politique RSE, et d’en faire un axe de transformation managériale.