Elles parfument les plats, colorent les sauces et offrent une alternative naturelle au sel. Les épices ont conquis les cuisines françaises. En une décennie, leur consommation a bondi de 30 %, plaçant la France au troisième rang européen, derrière l’Allemagne et la Belgique. Un engouement porté par la vague du fait-maison, des recettes du monde et de l’alimentation saine.
Mais derrière ces petits pots savamment étiquetés se cache une réalité bien moins appétissante. L’enquête menée par 60 Millions de consommateurs dans son numéro de juin 2025 dévoile les dessous d’un marché où l’image du naturel dissimule parfois résidus de pesticides, charges douteuses et corps étrangers peu ragoûtants.
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Des tests révèlent des écarts majeurs entre marques
Le parfum d’une épice repose avant tout sur sa richesse en huiles essentielles. Ce marqueur clé de qualité aromatique varie considérablement selon les références analysées. Les herbes de Provence Label Rouge obtiennent de bons résultats, avec jusqu’à 3,1 % d’huiles essentielles. Mais certaines marques bio chutent à des niveaux étonnamment bas, comme Léa Nature avec seulement 0,7 %.
Le constat est similaire pour les poivres moulus : la norme minimale fixée à 1 % par le Codex Alimentarius est respectée, mais seules trois références dépassent les 2,3 %, seuil que les experts considèrent comme nécessaire pour un bon piquant. Et la pipérine – responsable de ce piquant – est parfois en dessous du niveau recommandé.
Dans un marché où certaines épices atteignent des prix très élevés au kilo, la tentation de les « allonger » avec des ingrédients peu coûteux est réelle. L’ajout d’amidon — une substance neutre — est une pratique fréquente, et légalement tolérée si elle est mentionnée. La cannelle Samia, l’un des produits les moins chers du panel, atteint une proportion de 34,5 %, soit quatre fois la moyenne observée.
Résidus chimiques et contamination : des épices sous surveillance
L’analyse toxicologique révèle une réalité peu reluisante : de nombreuses épices vendues en supermarché contiennent des résidus de pesticides, y compris certains interdits dans l’Union européenne. Les herbes de Provence arrivent en tête des produits les plus contaminés. Jusqu’à sept résidus ont été détectés dans certaines références.
Les currys ne sont pas épargnés : un produit Rustica contient un pesticide interdit, tandis que d’autres affichent jusqu’à trois substances différentes. Deux tiers des poivres noirs présentent des traces de pesticides, dont des néonicotinoïdes pourtant bannis. Seule la cannelle semble échapper à cette contamination… mais pas à d’autres problèmes.
Sur le plan microbiologique, trois références de cannelle analysées contiennent des moisissures, levures ou bactéries aérobies mésophiles. Ces micro-organismes altèrent nettement les qualités organoleptiques du produit, bien qu’ils soient inoffensifs dans la majorité des cas.
Comment bien choisir ses épices et éviter les produits à risque
La partie la plus dérangeante de l’enquête tient aux corps étrangers retrouvés dans presque toutes les références. Des fragments d’insectes – parfois entiers – ont été détectés dans tous les échantillons d’herbes de Provence, y compris ceux labellisés bio ou Label Rouge. Certaines marques atteignent des records de 170 fragments pour 50 grammes.
Des poils de rongeurs sont aussi présents dans plusieurs pots. Certes, leur ingestion ne pose pas de danger sanitaire immédiat, mais leur présence en dit long sur les conditions d’hygiène. La cannelle concentre à elle seule les pires résultats : des marques comme Samia ou Bédros affichent jusqu’à 70 poils et 570 fragments d’insectes. Plus inquiétant encore : des fragments plastiques ont été détectés dans une majorité des échantillons.
Faut-il bannir les épices industrielles ? Pas forcément. L’enquête ne révèle pas de danger sanitaire majeur à court terme. Mais elle souligne des dérives incompatibles avec les attentes d’un consommateur soucieux de qualité. Quelques bons réflexes s’imposent :
- Lire attentivement les étiquettes et la liste des ingrédients.
- Se méfier des produits trop bon marché.
- Privilégier les marques bien notées ou les circuits spécialisés.